N° 2988. Mercredi, 20 Mai 1846. 29me année.
PRIX DE L'*B«\»EHEXT,
par trimestre.
PRIX DES ISSEnTIOAS.
4 7 centimes par ligue. Les ré
clames, >3 centimes la ligne.
7PB.33S, 20 Mai.
Lundi dans l'après midi, un violentorage
accompagné de grêle et de pluie battante
a éclaté sur notre ville. Quoique la tempé
rature eut été froide toute la journée un
roulement de tonnerre n'a cessé de se faire
entendre pendant près de deux heures. Les
éclairs étaient forts vifs par intervalle.
Samedi dernier nous avons vu notre
marché aux légumes des pommes de terre
récoltées cette année. On faisait le prix
un franc le kilo.
Une maison six demeures, située le
long du pavé d'Ypres Bruges entre Sl-
Julien et Poelcappelleest devenue la
proie des flammes et ne forme plus qu'un
amas de cendres et de charbons. C'est
dans la nuit du 17 au 18 que ce sinistre
eût lieu, on n'en connaît pas encore la
cause. Le tout était assuré; mais, pour
comble de malheur, six pauvres familles
se trouvent sur la rue.
La cour d'assises de la Flandre-occiden
tale a condamné dans son audience du
18 mai, le nommé Valentin Willeman, fils
d'Henri, âgé de 21 ans, ouvrier, né et
domiciliéà Leke,convaincu d'avoircommis
dans la nuit du 6 au 7 décembre 1845, trois
vols avec circonstances aggravantes, a six
années de travaux forcés, l'exposition et
six années de surveillance.
HISTOIRE D'UNE CASSETTE.
I.
Affaire des troubles de Gand et des pamphlets
incendiaires.
La chambre du conseil du tribunal de
première instance a rendu le 16 Mai, une
ordonnance dans l'affaire relative la dis
tribution du pamphlet incendiaire.
Les nommés J.-L. Labiau, commis-voya
geur, Gand; Pellerin, bottier, Brux
elles; Deveneynts, receveur de barrière;
Vandervenne, ferblantier; Verbaere, im
primeur, tous domiciliés Gand, et Van-
aenbroeck de Tirlemont, ont été renvoyés
devant la chambre des misesen accusation.
Huit autres individus, dont sept étaient
détenus, ont été déclarés hors de cause et
remis immédiatement en liberté.
Les trois individus arrêtés le second
jour de Pâques, dans les rassemblements
qui ont eu lieu la place du Vendredi
Gand, ont comparu jeudi devant la cham
bre de police correctionnel le de cette ville.
Le nommé Constant-Louis Notte,convaincu
d'avoir brisé le réverbère, a été condamné
deux mois de prison; Charles-Boromée
de Quinnemaer garçon-boucher Menin,
quinze jours de prison et Alexandre
Duhoux dix jours de la même peine.
La police de Renaix a arrêté le
nommé Leclercq, sous la prévention d'être
le distributeur du pamphlet incendiaire
qui a provoqué le rassemblement du 15
avril, au marché au Vendredi Gand.
Lecélèbre Vidocq, qu'un journal fran
çais a fait mourir ces jours derniers dans
II.
les environs de Bruxelles, se trouve en ce
moment Londres.
M. le général Loix est dangereuse
ment malade; il a reçu les secours de la
religion.
On écrit d'Anvers Notre ville
regorge d'émigrants allemands qui pour
ne pas dépenser leur argent en frais de
long séjour payent de hauts prix de trans
port pour traverser l'Océan.
Des ouvriers mineurs des communes
de Sandvliet, Bierendricht et Stabrouch
vont travailler tous les ans en Hollande. Il
y a quelques jours, ces ouvriers belges ont
été chassés par des mineurs hollandais de
Terneusen (Hollande). Lundi dernier, 11
de ce mois, des ouvriers belges de Bieren
dricht se sont rendus Sandvliet. (Belgique)
pour chasser leur tour les domestiques
hollandais qui demeurent chez les fermiers.
Toutefois il paraît qu'ils n'ont pas mis leur
résolution exécution et qu'ils sont partis
sans rien faire. Il est craindre que ces
collisions ne se renouvellent et n'engen
drent de graves difficultés. Les autorités
compétentes ont pris les mesures néces
saires pour les prévenir et parvenir l'ar
restation des coupables.
La concession de Vendiguement du
Dollarddans la province de Groningue,
vient d'être accordée des entrepreneurs
d'Amsterdam. Cette entreprise aura des
résultats incalculables pour les intérêts de
cette province. Neufmille bonniers de terre
Oq s'abonne Ypres, rue de
Mlle, ig5 près la Grand'place, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
Pour Ypresfr. 4OO
Pour les autres localités 43®
Prix d'un numéro
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
l'pres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
Près du Havre, au bord de la mer, dans un endroit isolé,
existait en 1793 une mauvaise cabane de pécheurs, habitée
par un vieux calfat que son inonnduite avait fait chasser du
port. Il vivait là dans la misère avec sa femme et sa fille Maria,
douces et pieuses créatures, qui n'étaient certes pas nées pour
cette condition, que de longs malheurs leur avaient léguée.
Souvent elles n'avaient que leurs larmes et leur pitié pour
consolation, car les mauvais traitements d'un homme brutal ne
leur manquaient pas, surtout quand il ne trouvait rien
gaguer. Cependant on était au moment de la Terreuret les
émigrés français s'embarquant nuitamment entre les récifs
qui bordent la plage, donnaient parfois de la besogne au vieux
pécheur; oh! alors, il revenait tout joyeux vers le soir, non
pour avoir rendu service des malheureux, mais pour en
avoir reçu de l'argent. Or, maître Pigas ivre battait sa femme
et sa fille; et quand il y avait détresse au logis, il les battait
encore, en sorte que les yeux de ces pauvres femmes étaient
rarement secs.
La pèche n'était pas lucrative et il n'y avait pas tous les jours
des naufragés sauver depuis une semaine, la famille Pigas
était réduite vivre de pommes de terre et de coquillages. Le
dimanche arriva sans nul espoir pour le lendemain aussi la
journée fut bien longue.
Il était onze heures du soir; le vent par sa violence ébran
lait la cabane, et les flots de la mer eu furie, en venant se
briser contre les rochers, ajoutaient la terreur qu'éprou
vaient la mère et la fille Pigas; le mari jurait de plus belle.
Un coup violent se fit entendre la porte
Maître Pigas, criait-ouvenait vite une barque a cha
viré; j'ai entendu des cris vers le grand récif.
C'est bienrépondit le calfat au douanier de rondes'il
y a de l'argent gagner j'y vas, car autrement.... Il n'acheva
pas sa penséeet partit aii'ublé d'un caleçon et de sa corde de
sauvetage.
Arrivé en face du grand récif fhaut-rocher que la mer cou
vrait moitié quand elle était haute)il se mit nager vers ce
point et l'atteignit bientôt; puis il en lit le tour, mais n'en
tendant rien il appela aussitôt une voix affaiblie par la souf
france parvint a son oreille.
Oh! ob! dit-il, luiseau est là-haut. En trois bonds il se
trouva prés d'un homme étendu sur le sommet du roc: les
rayons indécis de la lune venaient de temps autre éclairer
sa belle et pâle figure. Il était jeune; ses traits nobles et tou
chants exprimaient plutôt uu vif ohagrin que la peur de la
mort. Auprès de lui était une cassette.
Le marquis de Kergolan était un homme sérieux qui, après
avoir mûrement pesé les chances de la révolutionse décida
vendre tousses bieuset passer en Angleterre. 11 vivait depuis
lougues années dans un château quelques lieues du Havre
avec sou fils, seul enfant qui lui restât d'une union malheu
reuse, mais son Louis lui tenait lieu de tout; aussi voulait-il
le soustraire aux horreurs d'une révolution de sang. Le jour
du départ était fixé. M. de Kergolan fit appeler son fils la
veille de ce terrible jour et lui dit
Louis, tu as 18 ans; tu es homme fait, parce que ton
éducation et ton instruction ont été aussi parfaites que je pou
vais le désirer. Ta raison est même au-dessus de toutes mes
prévisions; je puis donc te confier ma pensée vois celte cas
sette; elle renferme tous nos titres, toute notre fortune. Nous
partons ce soir pour l'Angleterre; va faire tes préparatifs, et
quand tu les aurais terminés, tu viendras me retrouver, parce
que j'ai encore quelque chose de très-important te confier.
Le jeune homme fit ses dispositions mais peine s'apprc-
tait-il rejoindre son père qu'un domestique se présenta pâle
et effaré et le prévint que M. le marquis se mourait, la douleur
du jeune homme fut grande lorsqu'il vit le seul être qu'il aime
au monde étendu sur son lit, et n'ayant plus de la vie qu i!
venait de quitter que cet air de bouté par la mort n'avait pu
lui retirer. Une attaque d'apoplexie foudroyante venait de
tuer le meilleur des pères.
Le cœur brisé par la douleur, Louis de Kergolan abandonna
la terre les restes précieux d'un être sincèrement aiméet se
disposa quitter le berceau de son enfauce. Le marquis lui
avait dit Nous partirons pour l'Angleterre. Ne devait-il
pas suivre les dernières volontés de sou père?.... Louis, les
larmes aux yeux, gagna la barque qui devait le transporter a
bord d'un navire peu éloigné de la plage.
La mer était houleuse; on pouvait présager des sinistres.
Déjà de pâles éclairs fendaient le ciel obscurci par d'épais
nuages que la force des vents faisait courir et tourbillonner
dans l'espace. Ces éclairs frappaient parfois la surface tour
mentée des eaux, et laissaient voir l'œil inquiet des matelots
une innombrable quantité de poissous agités par l'orage; quel
ques-uns venaieut en s'élançaut hors de l'eau, retomber jusque
dans la barque. Mais que faisaient l'orage et le danger au jeune
de Kergolan absorbé par sa douleur? La main négligemment
appuyée sur sa cassette, il regardait sans les voir les vag«es