JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. N<> 3007. Samedi, 25 Juillet 1846. 30me année. 7PF.3S, 25 Juillet. Un gastronome de celte ville est invité aux fêtes de Bruges en l'honneurdeSimon Stévin et l'invitation porte que s'il veut manger des poulets il doit en apporter. Tout autre ne verrait là qu'une plaisante rie, mais le gastronomecraint trop la déses pérante réalité pour ne point se prémunir contre elle. Il partira donc demain pour le chef-lieu de la Flandre Occidentale en compagnie de dix huit couples de poulets, et de huit dindes: espérons qu'il pourra y rester durant tout le temps des réjouis sances sans risquer de mourir de faim. MM. Ch. Hynderick, Edm. Terssen et Désiré Robaeys d'Ypres, viennent d'être promus au grade de capitaine, le premier dans l'infanterie, les deux autres dans l'artillerie. l'aihahtdësIboses. Les hommes contrefaits admirent le plus les avantages physiques dénués de toute grâce, de toute élégance, ils les re cherchent et les envient partout où ils peu vent les découvrir; ceux-ci portent leurs aspirations et leurs regrets vers leurs sem blables, ceux-là sur quelques productions de la nature ou des arts. Il serait pénible de penser que le Créateur a infligé ce surcroit de misère aux êtres privés d'une MONSIEUR GUILLAUME. partie de ses bienfaits; nous préférons attribuer ce phénomène l'habitude qui nous porte désirer tout ce que nous ne possédons point. Ainsi le laidron estime la beauté beaucoup plus que ne le fait une belle personne, de même que le pauvre prise plus haut les richesses que ne le fait en général le riche lui-même. Il est donc très-naturel qu'une créature rabougrie, malingre, colonne vertébrale déviée, aime passionnément la plus ma gnifique des fleurs, la rosé... et encore la rose orientale, la rose deChineetde l'Inde. Or, il s'ouvre au centre du jardin public de notre ville un grand polygone régulier, nombre indéfini d'angles, qui est entière ment planté de rosiers du Bengale. Tous les jours, notre bossu, agité par de bouillantes émotions, allait se poser sur un banc d'où il plongeait, durant des heures, ses longs et brûiauls regards dans ce bassin aux parfums délicieux et aux couleurs éblouis santes. C'était durant le cours d'une de ces extases il songe qu'il donnerait le Pérou en échange de ce trésor qu'il enveloppe de sa convoitise; au comble de l'exaltation, il lui échappe ces paroles Que me ferait-on si je me jellais dans celte mer de délices? Un voisin répond flegmatiquement On vous mettrait en prison. Alors, comme si la peine capitale seule eut pu le retenir, comme si l'emprisonnement n'eut été d'au cun poids dans la comparaison subite qu'il établissait entre le plaisir et ses inconvé nients, il se lève, il court, il se lance au mi lieu du grand panier de fleurs, il s'y roule, il s'y vautre avec les transports violents d'une passion délirante. Un assistant s'a vise de le déranger, mais cet indiscret ne tarde pas être roué de coups. Cependant la police, qui ne se soucie en aucune façon des privilèges de la sensibilité met forcé ment fin cet accès d'un amour qui lui semble avoir de l'analogie avec la rage. Le bossu comparait en police correc tionnelle. On t'abonne Tprea, rue de Lille, 195, près la Grand'place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trlmeatre, Pour Ypresfr. B Pour les autres localités Prix d'un numéro. O Tout oe qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur Yprrs. Le Propagateur parait le SAMEDI et le MEBCBKBI de chaque semaine. PBII DES INSERTIONS. Il centimes par ligue. Les ré clames, SB centimes la ligne. VÉRITÉ ET JUSTICE. (Halte Avez-vous entendu celle voix, ma roére avez-vous vu cette ombre demanda Pierre en poussant, quoique sans effroi, la porte de sa demeure. J'ai entendu la voix, mais je n'ai pas vu l'ombre, lui répondit sa mire. Vous savez, reprit-il, que jamais, jusqu'à ce jour, je n'ai cru ces visions d'un esprit malade; mais je vous dis que j'ai le pressentiment qu'A cette heuie il se passe pour moi des choses d'où dépend le sort de ma vie. Il me semble que celle ombre est celle de mon père, qui vient pour me dire que l'bouncur de sa mémoire m'est confié tout entier, moi Sun fils unique. Que le ciel t'inspire et te conduise, si telle est ta pensée, mon enfant! répondit la mère; mais dussé-je te suivre au loia malgré mes soixante ans, ne me sépare pas de toi. Vous séparer de moi! jamais! jamais! s'écria Pierre en jetant ses bras autour du cou de sa mère, qui ses lèvres don nèrent bientôt le baiser du soir. le sommeil du jeune homme fut agité, et plus d'une fois dans cette nuit la mémoire de son père, l'avenir de sa mere, entrecoupereut son rêve de soupirs et de pleurs. A la pointe du jour il se leva pour aller réparer par le travail, les préoccupations peu profitables de la veille. Comme il s'a» vançait vers sa barque amarrée au rivage, et que surmontait un pavillon de toile, destiné le protéger eontre la chaleur du midi, il crut y aperoevuir debout une forme humaine, la même peu près que cette ombre qui s'était esquissée le soir sur la muraille. Il s'arrêta frappé de la ressemblance; pois il raisonna, pensa que ce pouvait être uu effet de son imagination et du brouillard du matiu qui s'élevait en nuages au dessus de la mer, 11 fit quelques pas de plus, et, arrivé uue distance légère du bord, il reconuut pourtant que ce n'était pas une illusion uu homme, les bras croisés dans un vaste mauteau, se tenait sur la barque, immobile, et plongeant du regard sur la côte, comme s'il attendait quelqu'un, et quaud il eut aperçu Pierre Oue ma présence ne vous empêche pas de prendre votre place dans celte barque, mon ami, dit l'iucouuu, d'une voix qui unissait la dignité uueexprrssiou pleine de bienveillance. Cette Voix rassura quelque peu Pierre, qui demeurait indé cis et attaché au rivage. Puis son courage repieuant entière ment le dessus Après tout, dit-il l'inconnu, je ne crois pas aux reveuauts, et assurément vous n'eu êtes pas un. Non sans doute, mon ami, reprit le personnage, je ne suis pas un revenant, et vous avez raison de rejeter de votre esprit ces ridicules et folles visions qui vous assiègent quel quefois comme d'imbéciles terreurs, jusqu'aux jours de la vieillesse. Eu fait de visious, je u'eu sache qo'uue a laquelle il faille croire c'est au remords qui s'assied dans l'ombre sur la conscience du malhonnête homme, qui fait de sa ruuclie uu tison ardent, au remorde qui se venge la nuit des criminelles et fausses joies du jour; mais, pour l'honncle homme, il n'y a d'autre vision qu'un éternel rayon du ciel qui se glisse inces samment dans la paix de sou âme, et qui sait y réjauctre Le Président. Pourquoi avez-vous abimé et déraciné des plantes au jardin public? Le prévenu. Mr le Président, chacun aime quelque chose sur la terre, les uns aiment les femmes, les autres le jeu, les autres la boisson, les autres l'argent, les autres la politique... et moi, Mr le Président, moi, j'aime, je chéris les roses. je rafl'ale des roses.7. j'adore les roses. Le Président. Ce n'est pas un motif pour les détruire. Le prévenu. Les détruire, M'Ie Président,.. Oh! Dieu m'en préserve! je les ai caressées, je les ai embrassées, je les ai enlacées de mes étreintes amoureuses. Le Président. Ne craignez vous pas les épines? Le prévenu. Le bonheur parfait n'existe qu'au séjour éternel ceux qui aiment la femme craignent-ils ses caprices? l'espérance d'un meilleur aveuir au plus fort du malheur. Cependant cette ombre, reprit Pierre, qui est apparue hier soir dans notre cabane, et qui était comme vous vélue d'un manteau - Une raisun de plus si elle était vêtue comme moi d'un manteau, interrompit l'inconnu avec uu nouveau sourire, pour une réalité. Tenez, mon ami, je ne veux pas vous teuirplus longtemps en suspens, ajouta-t il je vous dirai quelle est cette ombre; mais d'abord combieu vous rapporte d'ordinaire une bonne journée de pêche?... Vingt-quatre livres, je suppose? ajouta-t-il sut -le-champ pour sauver uu pauvre jeune homme l'embarras de sa position; veuillez les recevoir de suite, et nie peimettre de changer l'emploi de votre journée mon profit. Vingt-quatre livres c'est deux fois plus que je n'ai l'habi tude de gaguer, dit Pierre, hésitant a recevoir une aussi forte somme. Allons, mon ami, ne faites pas difficulté d'accepter, con tinua l'homme eu glissant la pièce d'or dans la main du pécheur, je veux être, pour aujourd'hui du moins, le rayon céleste dont je vous parlais tout l'heure, et qui pénétre au coeur de l'honnête homme pour le consoler; ne me privez [tas de ce plaisir en refusant le salaire que je crois vous devoir. Pierre tourna ses regards vers la cabane, où sa mère reposait encore, et plaçant la pièce d'or sur son caur Oh! merci, merci, monsieur! s'écria-1» il avec effusion; j'accepte pour celle qui m'a donné le jour. Ceci «:>t d'uu bon fils, reprit l'incounu, mais ce n'est pas de cette manière que je l'entends ajoutait-il aussitôt. Je totu

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