JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 3010.
3Qme année.
7PB.3S, 5 AOÛT.
Samedi, les employés de l'octroi sta
tionnés la porte de Menin ont retiré des
fossés des fortifications le cadavre du
nommé Brunon Ponfort,commissionnaire
l'Hôtel de la Tête d'Or. 11 était dans une
putréfaction complète, et avait séjourné
depuis au moins trois jours dans l'eau.
L'intempérance et la misère paraissent
avoir déterminé cette mort tragique qui a
si lugubrement préludé aux réjouissances
de la kermesse. Le corps a été déposé dans
la salle des autopsies de l'hôpital civil, où
il a été deshabillé. Des lambeaux de l'épi-
derme etdes chairs suivaient les vêlements
auxquels ils étaient collés. Un sang noirâ
tre s'écoulait constamment en abondance
du cadavre. Bien que l'infection fut ter
rible, et malgré la température élevée, on
n'a procédé l'inhumation que lundi vers
midi. Le malheureux laisse une jeune
veuve et quatre enfants en bas âge.
Dimanche soir le feu a pris la grande
ferme du sieur François-Ignace Castryck,
cultivateur Dickebusch. Cette belle pro-
Çriété, qui est située entre Dickebusch et
lamertinghea été consumée par les
flammesdans l'espace de deux heures avec
tout ce qu'elle contenait, hormis les trois
ou quatre chevaux et le bétail. Le feu était
si intense, que les promeneurs qui circu
laient sur la Grand'Place crurent que le
foyer en était en ville. Ils pensaient que
l'incendie avait éclaté chez M"* la veuve
Is'OTTBIal
OU LE TALENT MALHEUREUX.
Vandevyver, brasseuse, ou l'hôpital
militaire. Les personnes qui coururent aux
remparts s'imaginaient que les flammes
dévoraient des bâtiments près des Trois
Cornets. A Poperinghe, on apercevait le
feu tout aussi distinctement, et par une
illusion semblable, on eut dit qu'il exer
çait ses ravages dans le voisinage de la
ville.
- Les pompiers se sont immédiatement
rassemblés et rendus sur les lieux mais
le vaste brasier avait déjà tout envahi,
et l'eau manquait, ensorte qu'ils ne
purent être que les speelâteurs des cruel
les angoisses d'une famille aisée quelques
heures auparavant, et subitement ruinée.
Bien n'était assuré. Le mobilier, le blé en
gerbe de plus de vingt-cinq mesures de
terre, les autres fruits déjà récolté, tout a
péri. Aucun accident n'est arrivé aux per
sonnes. On dit que des soupçons de crime
planent sur un domestique, et que le si
nistre aurait bien pu être une vengeance
de sa part parce que la main de la lille du
fermier lui avait été refusée. En consé
quence une arrestation a eu lieu. Nous
n'osons nous hasarder aucune conjecture
dans une affaire aussi grave.
Un jeune homme de vingt ans s'est
noyé mardi près la porte de Menin. Il
avait passé la nuit dans les cabarets, et
n'osait rentrer chez lui, surtout étant
embu. Un compagnon de ses plaisirs ba
chiques lui conseilla de se baigner, disant
que l'eau froide ferait de suite passer l'i-
vresse. Il suivit cet avis, qui lui donna la
mort.
M. Louis Ryckaseys, ci-devant surveil
lant au collège communal, et maintenant
atteint de surdité, se trouve l'hôpital
civil confondu parmi les malades ordi
naires. On l'avait même placé d'abord,
inconséquence diffîcileà comprendre, dans
le cabaret le Cerf, rue de l'Étoile, où vont
les conducteurs de singes et les joueurs
d'orgues de Barbarie. Espérons que les
inaitres et les élèves du collège, surtout
ses anciens collègues, viendront en aide
son dénument et que l'administration
communale saura, sa sortie de l'hôpital
lui procurer quelque occupation rétribuée,
qui permettra d'utiliser ses connaissances,
et lui assurera une existence honnête.
On nous écrit de Langemarck:
Dans la matinée de mardi dernier l'en
fant dePierre Paret. ouvrier Langemarck,
jouant chez son oncleest malheureusement
tombé la tête en avant dans une marmite
d'eau bouillante. II était horriblement brûlé
-et malgré tous les soins il est mort la nuit
suivante dans des souffrances atroces. Ter
rible leçon, trop souvent renouvelée, pour'
les parents négligents et inatlentifs!
On nous écrit de Poperinghe
Notre compagnie de Pompiers ayant été
invitée se rendre au tir la cible qui a
eu lieu lundi Ypres, s'est distinguée par
son adresse, et a remporté le deuxième et
le troisième prix. Le corps de musique
On t'abonne Ypres, rue de
J.ille, ig5 prêt la Grand'place, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre,
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Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
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VÉRITÉ ET JUSTICE.
Par la Vierge Marie et le salut de votre âine!
donnez celui qui souffre I Telles e'taient les paroles
qu'une voix tremblante et mal assurée, faisait eu-
tendre chaque soir, sous les hauts arbres qui, sur
les bords du Tage, aux portes de Lisbonne, se
déroulent en magnifiques et longues avenues. C'est
là que les riches portugais ont l'habitude de venir
la fin du jour, chercher dans la rêverie d'une
promenade solitaire un délassement leur bruyante
vie, et respirer la fraîche brise du rivage. Doru
Gonzalez, jeune et opulent seigneur, venait régu
lièrement la chute du jour, errer seul dans ces
belles allées. Bien des fois cette voix plaiulive était
arrivée jusqu'à luiet sa touchante prière jusqu'à
son cœur, sans qu'il eût encore pu découvrir l'être
soutirant qui la faisait entendre; car ces accents
ne résonnaient que lorsque la nuit ne permettait
presque plus de distinguer les objets. Oh assuré
ment, se dit Gonzalez, un mystère entoure une
graode douleur dès lors, il ne fut occupé quli
observer davantage pour le découvrir.
Le jour suivant, rempli de son généreux désir,
le jeuDe portugais s'approche du côté d'où partait
cette voix suppliante, et distingue entre lesarbres
comme une ombre qui glisse lentementil s'a
vance....; un nègre vieux, couvert des lambeaux de
la roisèie, lui (end une maiu amaigrie et tremblante,
répétant d'une voix émiie ces paroles de douleur.
Mon ami, lui dit Gouzalez, quoi donc, dis inoi
qui t'a réduit en cet étal? Disant ces mots, il lui
présente quelques pièces de monnaie.
Hélas! mon bon Monsieur, reprit le pauvre
nègre, ce secret n'est pas le mien....! Merci, oh!
merci,ajoutâ t il, baisant la main de sou bienfaiteur
avec toute l'expression de la reconnaissance... Ah
si vous saviez pour qui j'ai l'honneur de demander..!
Pour qui tu demaudes! reprit Gonzalez sur
pris.... Hé! ce n'est donc pas pour toi?
Oh! non c'est pour mon digne et cher
maître.... Mais je dois ine taire.... Encore une fois
c'est son secret, son fidèle Natham ne le trahira pas!
Le pauvre nègre s'inclina jusqu'à terre, et s'e'loi-
gnant, laissa dont Gonzalez plus que jamais entraîné
a chercher le moyen de connaître la vérité.
La journée suivante parut s'écouler avec une
insupportable lenteur avec quelle impatiente joie
Gonzalez vit s'abaisser les premières ombres du
soir! Il vole où l'appellent ses généreux instincts;
où sans doute l'attend une révélation que sou cœur
ardent désire: il est jeune, sensible, dévoué! Il erre
en tous sens; passe entre chaque arbre... écoute...
cherche... rien n'est entendu... rien ne parait Sur
pris, attristé, eb quoi, se dit-il, le peu qu'il reçut
de moi hier lui aura donc suffi? Hélas! il ne deinaude
que lorsque In misère est son comble! mais ce pei it
secours sera bien vile épuisé demain il reviendra.
Le lendemain, la même déception attendait le
jeune Portugais. Quinze jours s'éconlerent le pau
vre uègre ne parut point. Le souvenir de cet épisode
intéressant commençait h s'effacer dans la pensée
de dom Gonzalez, lorsqu'un soir son oreille est
frappée Npar les sons plaintifs d'une voix Lieu
connue.... Il tressaille.