JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3016.
30me année.
ENTERREMENT
Une aflluence extraordinaire de monde as
sistait aux funérailles de M. Victoor. On y
remarquait des notaires d" Ypres, de Warnê-
ton, de Neuve-Église, le président du tribunal
d'Ypres, M. Spillebout vérificateur de l'enré-
gistremenl, des membres de la chambre de
commerce, et d'autres notabilités. La com
mission administrative de l'institution royale
de Messines était représentée par MM. Malou-
VergauwenDe Gheus et De Ftorisoone. M.
Denecker, sénateur et commissaiue d'arron
dissement, a voulu également rendre un der
nier hotumage au défunt, et a prononcé le
discours suivant sur sa tombe
On s'abonne Ypres, rue de
I.ille, igS, près la Grand'place, el
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume. -
PKIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre,
Pour Ypresfr.
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Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé A l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. -
PRIX DES INSERTIONS.
S centimes par ligue. Les ré
clames, S S centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
?F^3S, 26 Août.
DE. M. VICTOOR.
Sur ce champ de deuil et de tristesse où nous
sommes réunis pour rendre un dernier devoir a
celui que toute une population considère comme
un homme de bien, je crois inutile de vous faire
un long étalage des vertus et des talents du res
pectable défunt, sur la tombe du quel la terre
placera dans peu d'instants une barrière, qui em
pêchera ses amis survivants de lui prodiguer
MISSION DU SÉNÉGAL.
Nous publions ci après une lettre renjermant
des détails curieux sur ta mission africaine de
Goréeet sur les travaux apostoliques d'un
Belge, qui, comme bien d'autres de nos com
patriotes, est allé sous un climat lointain dé
ployer le courage du prosélytisme catholique.
Il y a des longueurs que nous aurions suppri
mées; mais les superfluités d'une correspon
dance familière portent le cachet d'une sincérité
ingénue, qui ajoute Vintérêt et l'authenticité
du fond. La lettre a été adressée une personne
de celte ville, qui a bien voulu nous la commu
niquer.
Laneuville lès-Amiens, la Août 1846.
Ma chère Sœur
Je conçois votre inquiétude et vos craintes sur
le sort de M. votre frère après les malheurs sur
venus dans votre famille. Mais, tranquilisez-vous,
je n'ai qu'à vous donner d'agréables nouvelles.
Les dernier es lettres que nous avons reçu de la
dorénavant le témoignage de leur affection et de
leur amitié.
Permettez, Messieurs, que dans cet intervalle,
et avant que ces restes mortels soient enlevés
nos regrets, je laisse tomber sur ce cerceuil un
souvenir de bienveillance, un gage d'estime, nn
tribut de respect au fonctionnaire qui s'en était
rendu si digue dans tous les actes de son adminis
tration, et que j'effleure succinctement la carrière de
celui que la mort vient d'enlever si prématurément.
Monsieur Pierre-Jean Victoor né Vla-
niertinge le 28 Décembre 1790, sut tant dans sa
vie privée que publique se rendre respectable et
estimable tous ceux qui devaient avoir des rela
tions avec lui.
Tout en se préparant aux fonctions de Notaire,
au chef lieu de l'arrondissement d'Ypres, dans les
bureaux des hommes les plus honorables de cet
état, il y acquit ces connaissances, et y puisa ces
sentiments, ces principes, qui lui méritèrent la
faveur que lui accorda le Souverain, en le nommant
en 1819 la place de Notaire Messines.
Vous tous qui veuez rendre hommage la
mémoire de ce fonctionnaire intègre, vous avez
pu apprécier en détail par vous-mêmes ses talents
distingués; il serait superflu, de vous dépeindre
combien ses efforts pour le bien-être de ses con
citoyens, de ses clients, de ses administrés et de
tous ses amis, ont été couronnés de succès.
Vous tous, qui assistez cette triste et lugubre
Mission où se trouve actuellement M. Warlop,
nous annoncent que tous les missionnaires, sans
exception, jouissent d'une très-bonne santé ces
lettres sont datées des derniers jours de juin. Si M.
votre frère ne vous a point encore écrit depuis son
départ de France, son silence ne doit pas vous
alarmer, et vous faire conclure qu'il est mort où
qu'il oublie sa famille. Car alors nous devrions
donc déplorer la perte de bien des confrères, qui
passent quelque fois des années entières sans nous
écrire. Il est au contraire tout naturel de penser,
qu'un missionnaire, qui met le pied pour la pre
mière (ois sur ces terres infidèles, se trouve d'abord
accablé de mille soins divers qui absorbent tout
son temps. Etudier une langue toujours difficile,
visiter le pays, connaître les mœurs des habitants,
leur caractère, leurs usages, leurs superstitions, et,
surtout en Afrique, prendre des précautions indis
pensables pour conserver sa santé; voilà le travail
obligé du missionnaire eu arrivant; et, certes, il
suffit pour plusieurs années. M. Warlop a, de plus,
la direction de plusieurs constructions qu'il se bâte
de terminer, parce qu'ils en ont nn extrême besoin.
Ainsi, ma chère sœur, si, l'avenir, il s'écoule
un temps assez long sans que vous receviez des
lettres de M. votre frère, vous ne devrez pas en
être alarmée, car il ne vous arrivera que ce qui
arrive nous-mêmes, et beaucoup d'autres.
Je vais vous donner sur son voyage et sur la
cérémonie, vous pouvez rendre témoignage des sen
timents que j'exprime; vous savez coinbieu était
méritée la confiance dont il était investi par tous
ceux qui avaient recours ses lumières, la pru
dence et la sagesse de ses conseils.
Mr Victoor jouissait déjà de l'estime de ses
concitoyens qui l'avaient honoré du mandat de
conseiller communal, lorsqu'en i84i il fut nommé
par le Roi, Bourgmestre de la ville de Messines,
place qu'il remplit avec autant de distinction que
de perspicacité.
Cette juste appréciation de son mérite et de son
génie conciliateur fut de nouveau manifestée par
tous les électeurs du canton judiciaire, qui au 25
mai i846 lui confièrent l'unanimité le mandat
de les représenter au Conseil provincial de la
Flandre occidentale, pour y défendre leurs droits
et leurs intérêts.
Il est permis de supposer que Mr Victoor se
serait acquitté de cette nouvelle charge avec les
mêmes éloges, si la mort n'eut mis obstacle l'exé
cution des projets qu'il avait conçus pour le bien-
être de ses mandataires et la prospérité de ce
canton.
Une maladie funeste et cruelle est venue in
terrompre le cours d'une vie dévouée ses clients,
ses administrés, sa famille et ses amis.
Toute une ville, un canton entier, la province
même, déplorent cet événement, et tous vou
draient au prix des plus grands sacrifices racheter
mission où il se trouve, les détails que je jugerai
propres vous intéresser, en attendant que loi-
même réponde vos désirs, comme il le fera cer
tainement aussitôt qu'on les lui aura fait connaitre.
C'est au mois de novembre que M. Warlop
partit pour les missions de la Gninée. Le gouver
nement français accordait le passage gratuit sur ses
vaisseaux quatre membres de notre Congrégation
le port de Lorient leuravait été désigné pour le lieu
de l'embarquement. Mais la mer était affreuse, les
vents contraires. Deux fois ils quittèrent le port,
et deux fois ils furent obligés d'y rentrer, pour
éviter un naufrage qui semblait inévitable. C'est
dans une de ces sorties périlleuses que M. Warlop,
qui ne connaissait les horreurs d'une tempête que
par les descriptions qu'il en avait lues, eut la cu
riosité d'en être témoin pour en juger par lui-
même. 11 sortit donc sur le pont du navire, tandis
que tous les autres passagers se tenaient renfermés
dans leurs chambres. Il eut la précaution de se lier
un mat avec des cordes, car sans cela il courait
risque d'être enlevé par le vent ou par les flots, et
précipité dans la mer. Dans cette position, il eut
tout le loisir de satisfaire sa curiosité; la tempête
fut longue et terrible. Le navire fut si maltraite'
par la tourmente, qu'il ne pouvait plus tenir la
iner; on rentra au port.
Nos missionnaires se trouvaient ainsi réduits
attendre que ce navire eut été réparé, ce qui de-