JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3017.
30me année.
7? 3,3 S, 29 AOÛT.
Jeudi dernier, comme nous l'avions an
noncé, a eu lieu Langemarck la distri
bution des prix aux élèves du pensionnat
de M. Van Biesbrouck. Un temps superbe
favorisait celte féte, aussi y avait-il une
affluenee extraordinaire, jamais on n'a vu
plus de mouvement et plus d'étrangers
Langemarck: une preuve de l'intérêt que
chacun met voirfleurir cet établissement,
le seul croyons nous dans son genre qui
soit en voie de progrès dans la province.
Les exercices des élèves ont surpassé l'at
tente de tout le monde, les drames furent
joués avec le plus grand naturel et chacun
a admiré le bel accent de ces jeunes enfants;
le drame flamand surtout excité un rire
continuel parmi les spectateurs. Les mor
ceaux de chant et de fanfares furent aussi
très-bien exécutés et l'on était surpris de
voir avec quel assurance, quel aplomb et
quel expression des solos très-dilfîcilespour
cor-à-clefs, cornet pistons, néocor, trom
pette, cor et ophicléïde furent rendus par
de si jeunes eufants. Le beau discours de
M. Van Biesbkouck, fils, a vivement impres
sionné l'auditoire par les belles vérités qu'il
renfermait. Nous regrettons que l'usage
de prononcer des discours soit abandonné
dans la plupart des établissements; cela
au moins met le professeur plus en con
tact avec les parents des élèves et leur
CHATIMENT ET REPENTIR.
donne une preuve plus convaincante de
son talent, de son opinion et de sa manière
d'agir avec les élèves.
Nous avons été heureux de voir cette
fête notre digne Commissaire d'arrondis
sement M. le Sénateur De Necker, Al. le
vicomte De Patin, Bourgmestre de la com
mune avec toute sa famille, le clergé de
la commune, un grand nombre d'ecclési
astiques des environs et une société nom
breuse et choisie dedames; en somme celte
fête a été beaucoup plus brillante que tou
tes celles des années précédentes, ce qui
atteste le progrès de cet établissement. Ou
y ajoute en ce moment un nouveau local
beaucoup plus spacieux que celui qui existe,
ce qui permettra AL le directeur de don
ner plus d'extension ses cours et de loger
plus convenablement ses élèves.
La maladie des pommes de terre a re
paru dans nos environs et jette, juste
titre, de l'inquiétude dans beaucoup d'es
prits. Jusqu'à ces jours, il est vrai, Je mal
semble moins général, et n'avoir pas la
même intensité que l'année passée; mais
ce n'est là peut-être qu'un commencement;
et déjà cependant il y a des champs entiers
dont les fanes sont séchées.
Ce qui est étrange, c'est qu'ici le fléau
a surtout commencé ses ravages, depuis
qu'une pluie, du reste si bienfaisante, est
venue humecter le sol embrasé. Plaise
Dieu que le mal ne s'étende pas! autrement
de souffrances affreuses attendront nos
pauvres, l'hiver prochain, principalement
dans nos Flandres, où tant de monde se
trouve sans travail.
On s'alxmtie Ypre», rue de
j.ille, 19 pit-J la Orand'place, et
chei !e> Percepteurs des Postes du
Royaume
PKIX DE L'ABOXXEnEIIT,
par trlmeulre,
Pour Ypresfr. B
Pour les autres localités
Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur A
Vprrs Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MEBCBEDI
de chaque semaine. -
PRIX DES 1K8EHTIONS.
t1 centimes par ligue. Les ré»
clames, «5 centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
1.
Mon histoire date de 179^, époque si rapprochée de nous
que beaucoup Tout vue. Daus Celle partie de la Lorraine qui
n'est plus alk-maude et 11Y-I pas encore française, il existe un
petit village l'aspect varié comme le langage de ses habitants,
solitaire dans la vallée où sont espacées les modestes habita
tions des agricultures. C'est là que je passai les premières
aunées de ma jeunesse, dans le presbytère de mon oncle.
C'était un saint vieillard que mou oncle, et quarante ans
écoulés n'ont pas encore fait oublier ses vertus, sa charité et
son 7.èle. Huutble dans tous ses goûts il n'avait d'autre am-
bitiou que celle d'aller avec tout le troupeau qui lui était con
fié, dans le bercail céleste; c'est pourquoi, dans ses pénibles
fonctions, rien n'arrêtait ses efforts; tout prix, il voulait
faire son devoir: on l'appelait le modèle et l'honneur du voi-
siuage. Pendant ses loisirs, il me conduisait avec lui dans les
chaumière du village, et assis ses côtés sur un grossier es
cabeau ou sur l'uuique banc de bois de la cabane, j'apprenais
connaître tous les trésors du cœur d'un apôtre. Chaque fa
mille voyait de temps eu temps sou pasteur; cepeudant uous
n'allions jamais ensemble dans un certain quartier du village
c'était pourtant le plus riche et le plus élégant, et comme je
ne sortais point sans mon oncle, je savais seulement que ce
quartieruouveliemeut bâti, appartenait au prévôt, lequel pas
sât pour possédei beaucoup plus de richesses que de religion.
Or, uo jour mou oi.cie était .sorti saus moi, et quand le soir
il rentra au presbytère, sa tête était tristement penchée, et
ses yeux rouges et gonflés attestaient des laimes nombreuses.
A la vue de cette douleur, je cours me jeter daus les bras du
vieillard et lui demander le motif de ses pleurs. Et lui, pous
sant un profoud soupir: Mon fils, me dit-il, il faut prier,
prier beaucoup: l'impiété triomphe, la religion va être ren
versée. Viens avec moi, mon lils, viens, uous irous au temple
saint conjurer l'orage s'il se peut, par nos ardentes prières;..
mais, vain espoir! demain approche! demaiu, oui c'est de-
niaiu. Et le vieillard altéré me saisit le bras, il m'entraîne
d'un pas rapide, et en silence, nous nous dirigeons vers la
maisou de Dieu. Le saint piètre, mais laissant daus la nef,
pénètre daus le sanctuairese jette aux pieds de l'Éternel et
le supplie de détourner les coups qui menaçaient l'humble
héritage dont il était gardieu.
Longtemps nous restâmes en prières; le crépuscule allait
disparaître, je revins seul, et plusieurs heures après mon oncle
nous rejoiguit. Il était plus calmecar il avait remis sa pa
roisse son Dieu; mais non moins abattu, car il ue conser
vait plus d'espoir de s'opposer aux fureurs révolutionnaires.
Je ue savais pas eucore la cause précise du chagrin de mon
oncleet je la demandai et luiabaissant sur moi un regard
désolé, a De grands jours se préparentme dit-il, cher en
fant; de grands bouleversements ont eu lieu dans les villes,
les campagnes vont être victimes leur tour. Je dois tout le
dire, tou âge on réfléchit ettu pourras peut-être servir déjà
Dieu et les hommes. Tu connais cette rue du village où je
D«puis quelques jours, on se plaît a répandre
le bruit que la maladie affecte de nouveau lea
pommes de terre; nous sommes heureux de pou
voir donner un démenti formel ce bruit ua de
nos correspondants de Tbielt nous explique, dans
la lettre suivante, les causes de ces rumeurs qui ne
peuvent qu'empirer la situation de la classe indi
gente. Nous recommandons les détails donnés par
notre correspondant a l'attention de nos lecteurs:
Tliirlt, >3 août 1846.
Je sens le besoin de vous écrire sur l'état des
pommes de terre, afin de vous prémunir contre les
mauvaises rumeurs que vous entendrez d'ici
quelques jours.
Depuis hier matin l'alarme est dans notre ville
et daus les environs. Les pommes de terre sont
attaquées, la maladie les a gagnées Voilà ce
qu'on entend répéter continuellement. Or, je me
.suis mis vérifier le degré de croyance que mé
ritent ces rumeurs. Hier, après-midi, j'ai parcouru
plusieurs champs, et je me suis retourné avec la
conviction que le bruit était tout fait faux. Au
jourd'hui, je me suis rendu encore la campagne
et j'ai trouvé deux très-petites parcelles de pom
mes de terre qui, la vue, semblaient attaquées du
mal; de suite, je me mis un examen soigneux et
voici ce qui en est résulté D'abord, j'ai trouvé
que c'étaient des pommes de terre mûres, comme
il vous est aisé d'eu juger par l'échantillon ci-
ne le voulais pas le conduire pour éviter tou jeuue cœur da
funestes exemples, et tes oreilles des paroles de scandale et
d'impiété. Eh bien, elle appartient toute entière M, X... qui
l'a fait bâtir grands frais ces anuées dernières. Hélas la ri
chesse produit l'orgueil, l'orgueil l'irréligion, et M. X... en
est la triste preuve. Tu sais qu'il est le prévôt du village; il
a donc sollicité, obtenu, et reçu aujourd'hui la permission
de dé|>ouiller l'église, et de renverser les croix qui sont sur le
territoire de la paroisse; c'est demaiu qu'il va se mettre
l'œuvre Quand il m a appelé chez lui, c'était pour m'aunoncer
en triomphe cette déplorable nouvelle; il m'a appris qu^i
avait déjà obtenu, contre le troupeau, le châtiment de son
fanatismeet qu'il attendait incessamment pour le pasteur,
un décret de proscription. Hélas, que ne puis-je par le
sacrifice de ma vie, empêcher la profanation!
Le vieillard se tut, il me donna le baiser du soir, et j'aillai
chercher le repos que de pareilles émotions apportent bien
vite un jeune homme de jS ans.
La nuit passa, et dès l'aurore, Max! Max! criait le
prévôt son fils, afiu de l'éveiller, bâte-toi, mon fils, voici
déjà arrivée une compagnie de gardes cheval pour protéger
l'exécution des lois. 0 Et Max se hâta. C'était un jeune homuia
de 10 ans, qui avait l'âme moulée 6ur celle de son pere il fut
donc bientôt prêt ponr.^ourir l'œuvre saciilége laquelle il
devait prendreJ^lDuH)^^ pour lui de briser de3 croix et
de piller la iflijsou de'Dieu! un instant il fut au reudet-
vous. Me#oiçiAlit ilparttJu3 et l'ou partit.
H n'étais pa* jb*r'tucucr. Au village; le chaut du coq règle