JOURNAL 1)1 PRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
No 3025.
30me année.
19 centimes par ligue. Les ré
clames, centimes la ligne.
7PF.3S, 26 Septembre.
Le Progrès, qui croit faire preuve d'es
prit en nous appelant le Journal des Baziles,
et en traitant tous les hommes modérés,
d'ignares, de rétrogrades, de cléricaux, nous
prêche la politesse et le bon ton... C'est
curieux
LE LIBERALISME-PERRUQUE.
Ce que nous avions prévu arrive, L'or
gane du libéralisme Yprois, n'a pas le
courage de se prononcer sur ses principes,
et de faire une profession de foi sincère;
il se retranche dans un prudent silence.
Il a recours des subtilités misérables,
pour ne pas subir la responsabilité des
discordes qui divisent aujourd'hui le libé
ralisme, et qui enlèvent pour bien long
temps ce parti la force politique dont
naguère il était si fier.
Il ne s'agit pas ici de nuances, mais de
couleurs. Deux drapeaux s'élèvent, deux
partis se combattent; ces partis ont leurs
Journaux et ils se défient publiquement.
1 ne s'agit pas d'affaires de ménage, ou de
querelles de familles, mais de questions de
principes. On se demande s'il faut désor
mais adhérer un libéralisme jeune, vi
goureux, sincère, démocrate, ou se traîner
encore dans l'ornière d'un libéralisme ar
riéré, rétrogradé, hypocrite, perruque. La
question est fort nette; l'Indépendance,
l'Observateur, le Journal de Liège, le Pré-
VUE SAINT-HUBERT A LA MACTA.
curseur d'Anvers, se sont hautement pro
noncés pour le libéralisme- perruque. Le
Libéral Liégeois, le Journal de Charleroi, le
Débat Social, la Constitution, se prononcent
hautement pour le libéralisme écervelé.
Nous ne connaissons pas de tiers-parti;
tous les libéraux ont a choisir l'un des
deux drapeaux, sous peine de renoncer au
libéralisme, et de multiplier encore ces
funestes divisions.
Le Progrès n'est donc pas de bonne foi
lorsqu'il assure que le temps de se pro
noncer n'est pas encore venu. C'est là un
subterfuge qui déguise très mal son em
barras. Sa position est connue; il n'est pas
fort sur les principes; il ne sait trop ce qu'il
doit faire pour échapper aux difficultés de
la situation; il a quelque propension pour
le libéralisme écervelé, qui est plus libéral
que le libéralisme perruque; mais d'autre-
part, il craint de prêter la main au com
munisme et de menacer la propriété. Le
libéralisme rétrograde a "ses avantages
comme ses inconvénients.... Nous le re
connaissons, le choix est difficile, quand
on n'a jamais eu des principes politiques
bien positifs.... Cependant nous engageons
le Progrès se décider entre les deux
espèces de libéralisme, qui nous donneut
l'intéressant spectacle de leurs profondes
discordes; nous l'y engageons au nom de
sa dignité, et surtout au nom de celte sin
cérité que M. Kogier a proclamé trois fois
nécessaire.
JUSTICE.
On ('abonne A Yprcs, rue de
I.ille, n» 10, près la Grand'place, et
chee les Perceptenrs des Postes du
Royaume.
PAIX. BE L'IBOIKEIIEHI,
par trimestre,
Pour Ypresfr.
Pour les autres localités
Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Le 3 décembre i845 (i), deux, troupes de cavaliers, partis
les uns d'Oran, les autres de Mostagauem, se réunissaient sur
tes rives de la Macta au son de joyeuses fanfares. Les trompes
retentissantes, la meute nombreuse et bigarrée qui les entou
raient, annonçaient assez le but pacifique de l'expédition.
C'étaient quelques sportsmen de l'armée d'Afrique qui se
réunissaient pour fêter saint Hubert; plus, quelques-uns de
leurs amis de France venus de Paris en droite ligue, pour se
trouver, jour fixe, au rendez-vous donnez dès longtemps.
Le bivouac fut établi une lieue environ au-dessus de
l'embouchure du fleuve, tout près de la rive droite, sur le
dernier contrefort des collines qui dominent le Sahelde Mos-
taganem.
De ce point élevé s'offrait une vue admirable pour le chas
seur et pour le peintre. Devant nous, la baie magnifique dont
Mostaganem et Arzew forment les deux ailes et dont le centre
nous faisait face; derrière, les riches vallées de l'Habra et du
Sig, et les deux rivières se réunissant pour porter en commun
le nom de la Macta. Leurs eaux, mal contenues dans un lit
trop étroit et refluant au loin dans la plaine, formaient nos
pieds un immense marais couvert de roseaux, refuge des ani
maux de toute sorte pendant la sécheresse, et des oiseaux de
mer dans les gros temps. A l'est et l'ouest on voyait fuir
l'horizon les montagnes boisées qui courent parallèlement la
côte depuis Oran jusqu'au Chéliff.
Il faut l'avouer pourtant, nous ne songeâmes pas d'abord au
(i) Eu Algérie, il est décidé l'unanimité, que la Saint-
Hubert sera retardée d'un mois, jour jour; c'est une nécessité
du climat.
pittoresque, mais au solide. En un instant les mulets furent
déchargés; les tentes se dressèrent sur deux des faoes du
camp, les chevaux couverts de leur djellads, s'alignèrent sur
les deux autres, le long de fortes cordes garnies d'entraves et
fixées au sol par des piquets de fer. Les cantines, rangées côte
côte, furent soigneusement inventoriées pour la composition
de nos menus de chaque jour. Au centre du bivouac s'embrasa
bientôt un véritable bûcher qu'alimentaient largement les
branches des chênes vers, des jubiers et des lentisques. Les
marmites et les broches prirent leur place autour. Tout s'or
ganisait comme par enchantement sous l'habile direction du
capitaine vétéran des chasses comme des guerres de l'Al
gérie, tireur de première force, veneur consommé, que nos
voix unanimes avaient proclamé commandant en chef.
Nous profilâmes de son obligeance; et, parfaitement rassu
rés sur le comfort de notre installation, nous descendîmes en
toute hâte vers les marais pour utiliser le leste du joue.
bientôt la fusillade commença. Deux heures après, toutes
les carnassières étaient pleines, sans compter les grosses pièces
que leur volume ne permettait pas d'y faire entrer. Trois
énormes cygnes furent rapportés sur un brancard improvisé.
Quelques ibis blancs, des canards verts, des macreuses sans
nombre, un véritable monceau de sarcelles, des râles, des pou
les d'eau, tel fut en somme le résultat de ce tir d'essai.
Cet honnête supplément nos provisions de campagne
aurait dû nous mériter les félicitations de notre chef de cui
sine; malheureusement le digne homme avait bien autre
chose en tête. Nous le trouvâmes au désespoir un inconce
vable oubli du pourvoyeur allait paralyser son savoir-faire;
l'assaisonnement obligé de tout potage, de toute sauce de
bivouac, l'indispensable ognonlui manquait, comme la marée
au grand Velel. Peut-être en trouverait-on dans quelques
Aux audiences correctionnelles et civiles des 24
et 2â Septembre, plusieurs questions d'un certain
intérêt se sont pre'sente'es.
Uu cultivateur prévenu d'avoir placé des lacets
dans sa pâture entourée de haies en temps non
prohibé, a néanmoins été condamné pour fait de
chasse.
M. Six de Comines, muni d'uu permis de port
d'armes, était a la chasse dans les environs de celte
localité, sur des terres où l'autorisation lui en a été
accordée par les propriétaires. Cependant il tra
verse une parcelle de pommes de terre où la per
mission de chasser lui avait été donnée passé deux
ans par le meunier Breyne, qui en est l'occupeur.
Le garde de chasse de M. Delvigoe-Maes, h
qui la parcelle appartient, voyant M. Six passer
avec un chien, en attitude de chasseur, et ac
compagné d'un garçon qui portait sa carnassière,
verbalise, et une plainte est ensuite déposée au
parquet par M, Delvigne. A l'audience, Breyne,
qui avait vu de son moulin ce qui s'était passé,
confirmait eu même temps, le fait de la permission
donnée passé deux ans, et les circonstances rap
portées par le garde-chasse. Le miuistère public,
envisageant la permission du preneur comme in
suffisante a conclu a la condamnation. Mais le
tribunal a décidé En égard h la permission
donnée, considéraut que M. Six n'a que par erreur
traversé la parcelle appartenant a M. Delvigne, et
que le fait de chasse n'est pas suffisamment prouvé,
acquitte le prévenu.
douars voisins; mais il fallait en demander, et c'était là le
difficile. Vous en aurez dans un instant, dit un de nos
Orientalistes, puis, appelant d'un geste l'un des burnous
blancs qui nous entouraient, il entame avec lui, de sa voix la
plus gutturale, une docte conversation dans la pure langue de
Mahomet. L'Arabe parait bien d'abord uu peu indécis, mais
de nouvelles et savantes explications lèvent tous ses doutes. IL
part fond de train, et le fiont de notre cuisiuier se déride.
Vingt minutes après, nous étions accroupis sous la tente
commune, autour d'un tapis de Tunis très-substantiellement
couvert. Nos bons vins de France fesaient la ronde, arrosant
pâtés terrines que Chevet n'eût pas désavoués. Tout coup
nous entendons uu galop rapide c'était l'homme aux ognous
qui revenait eu toute hâte pour nous présenter,d'un air triom
phant, un morceau de beurre dans une gamelle. L'imbécile,
qui ne sait seulement pas sa langue! dit notre interprète
amateur; et là-dessus nouveau dialogue auquel prennent part
tous nosérudits. On y joint force signes et démonsrtationspour
l'intelligence du texte. On apporte une casserole, ou y met
des cailloux arrodis et d'autres objets présentant peu p'ès la
forme des oguons désirés. Évidemment il n'y a plus d'errtur
possible; l'Arabe part comme l'éclair pour revenir bientôt
toujours du même train. Point de gamelle cette fois c'étaient
des boulettes de rouina (i) qu'il nous apportait roulées dans
le pan de sou sale burnous. Pour le coup l'hilarité fut générale,
et les orientalistes prirent leur part. L'érudition de nos inter
prètes et les oguons de la Macta firent tous les frais de la
soirée. Pour être continué.)
(i) La rouina est la farine du froment grillé puis écrasé
sous la meule. Délayée avec un peu d'eau, elle forme toute la
nourriture de l'Arabe eu voyage.