JOIRNAL
D YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT!
Ko 3053.
30me année.
C'était aux premiers jours de l'automne
passé le ciel était serein, le soleil ne
dardait plus des rayons brûlants, et les
nuits étaient encore tièdes; aux vignes
qui tapissent les coquettes chaumines fla
mandes, gracieux abris d'une aisance éva
nouie, pendait la grappe aux grains
vermeils ou pourprés; sous les arbres du
verger paissait la vache et jouaient les
enfants du laboureur. Les villes sembla
bles des ruches au moment où le nouvel
essaim va quitter, se mouvaient s'agitaient,
retentissaient et du bruit de la loule, et
des instruments du travailleur, et du con
cours de nombreux étrangers admirant
tant d'animation et d'activité, sans voir
comment, sous cette apparence de pros
périté, se cachaient d'indicibles misères et
d'immenses douleurs.
Deux voyageurs entre autres visitaient
ce beau pays de Flandres, admirable par
la fécondité de son sol et par la richesse
de son industrie, grand par son histoire
dont chaque page rappelle un trait d'hé-
roisme ou la date d'un chef-d'œuvre de
l'art, sublime par son amour pour la
liberté et pour la religion, plus sublime
encore par une résignation aussi grande
que sa misère.
A leur air satisfait et protecteur, on
reconnaissait, chez nos deux pèlerins, je
ne sais quelle grandeur passée ou future,
ascendante ou déchue, je ne sais quelle
allure d'habitudes officielles et d'éducation
administrative. Dès qu'ils franchissaient la
porte des cités, dès qu'ils arrivaient aux
confins d'une commune rurale, on voyait
s'empresser, accourir des gens qui s'incli
naient devant eux avec un respect mêlé de
familiarité. Si le canon des villes ne tonnait
pas des salves triomphales, si le bourdon
du village ne sonnait pas ses volées joyeu
ses, c'était sans doute pour ne point faire
retentir la modestie des deux étrangers, ou
peut-être, si j'en crois la légende, parce
que le canon est monarchique et la cloche
cléricale.
Dès qu'ils étaient assis au fauteuil hos
pitalier de la commune, ou sur le sopha
fraternel d'un intelligent du lieu ils rece
vaient monsieur le Mayeur dont ils écou
taient le compliment et parfois les doléan
ces, dont ils acceptaient toujours le gala,
quand un frère ne leur avait pas préparé
chère lie. Au milieu des plats qui se dé
chargeaient et des (laçons qui allaient se
vidant, nos pèlerins devisaient avec leurs
hôtes des misères du temps, des besoins
Oa l'abonne a Ypre«, rue de
Lille, n® 10, près la Graod'placeet
cbe* les Percepteur! des Postes du
Royaume-
PRIX DE L AIOXXEYIEXT,
par trimestre,
Pour Y prèsfr. 41OD
Pour les autres localités 4
Prix d'un numéro. n #-!•
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Vpres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IX8ERTIOXS.
f t centimes par ligue. Les ré
clames, 99 centime! la ligne.
^•vjMEHITÉ ET JUSTICE.
7??.3S, 2 Janvier.
ERRATA Page i, colonne Ie, ligne 54, au lieu de:
connu d'abord pour sa politesse, lisez pour sa petitesse. Page I,
colonne 2e, ligue 3a, au lieu de: critique foncée t lisez: critique
j orcée
L'ESPRIT DE PARTI.
Plus d'une fois nous avons manifeste' avec fran
chise le de'sir, toujours vivace en nous, et jamais
écouté, de voir, par une reconciliation loyale, se
calmer les funestes animosités de parti qui agitent
si préjudiciablement la patrie. On a bien dit que
la lutte des factions anime avec avantage la vie
représentative mais aucune preuve solide et con
vaincante n'a été fournies l'appui de ce paradoxe,
tandis que le mal qu'opèrent nos divisions se fait
ressentir de toute part.
Une des premières conséquences que cet état
anormal d'un peuple entraine, et que ne peut
méconnaître le publiciste tant soit peu habitué a
apprécier ce qui se passe, c'est qu'une foule de
préjugés, d'idées fausses et d'habitudes que la
raison condamne, prennent racine; et qu'une fois
invétérés, ils résistent opiniâtrement et stupide
ment toute espèce de redressement.
C'est ainsi qu'une foule de personnes se font
déjà une déplorable illusion sur l'étendue du
domaine de la politique.
Sous le prétexte de politique, on se permet
sans ménagement des attaques sur un terrain qui
devrait être toujours respecté, sur le terrain de la
religion et de la morale.
La Nation, grâce a Dieu, n'est point partagée
en sectes, elle confesse uniformément la foi catho
lique, la liberté ne procure aux cultes dissidents
aucun progrès a un très petit nombre près, il n'y
a en Belgique que des Catholiques ou des rénégats
de fait; nous disons de fait, parce qu'ils tiennent
en général a pallier leur défection. Dès lors se
conçoit-il que dans ce pays tout ce qui est de
nature h ébrauler les croyances et les préceptes
moraux du christianisme est soutenu, traité avec
complaisance, avec honneur; et qu'au contraire
tout ce qui tient de près ou de loin a la religion,
tout ce qui est utile son développement, h sa
salutaire influence, est tenu en suspicion, dédaigné,
repoussé. Cela est étrange, et néanmoins il serait
plus facile de nier la clarté du jour en plein midi
que de le méconnaître.
Entendez parler un libéral il ne veut se mêler
que de politique; de par de la liberté des opi
nions, il prétend soutenir son parti. Du reste, il
proteste de son attachement inviolable la foi, il
fait baptiser ses enfants, ils font leur première
communion, il demande des messes anniversaires
pour son épouse défunte. Rien de mieux, rien de
plus catholique.
Mats en vertu de la politique, il confie l'édu
cation de ses enfants a des établissements d'où la
jeunesse sort impie et corrompue, faute d'instruc
tion religieuse, de surveillance active, d'exemples
de ferveuret d'influence morale édifiante. En
fesant autrement, il aurait trahi le parti. Ainsi il
aime mieux trahir ses intérêts de chrétien et de
père, que ceux du parti.
En vertu de la politique, on lit des journaux
qui prétendent renverser le cabinet De Thetix
baisser le cens électoral etc. Libre chacun
d'avoir son opinion sur le personnel du ministère,
sur la composition du corps électoral. Mais ces
journaux s'en prennent en même temps aux catho
liques en masse, ils affichent une hostilité perma
nente contre les prêtres catholiques, les évêques y
sont représentés comme des tyranneaux, les ecclé
siastiques comme des ignorants, des fanatiques, des
hommes dangereux ou nuisibles. Cela ne devrait-
il point soulever un cœur de chrétien, quelques
opinions politiques que l'on ait? Mais il y a plus;
ces mêmes feuilles, pour agacer la multitude, rainas
sent avidement toutes les nouvelles scandaleuses,
en brodant encore autour; elles vivent de calom
nies, et par préférence des plus ordurières; les quo
libets contre les dogmes, les railleries sur les prati
ques de religion ne sont pas dédaignés; le feuilleton
assaisonné de récits licencieux complète la dose
du poison quotidien et néanmoins le père de fa
mille s'abonne, reste abonné, lit, laisse lire dans
sa famille, sans s'inquiéter le moins du monde ni
de la religion outragée, ni de l'honneur blessé des
ministres de la religion, ni des impressions dan
gereuses que de telles lectures laissent même sur
l'homme le plus instruit et le plus précaulionné, ni
des défenses des autorités spirituelles. Il oppose
tout je suis libéralje dois tout connaître, je dois
soutenir mon parti.
Quand un fils voit son père prier a table et
faire maigre chez lui, et dévorer le gras sans
signe de croix a table d'hôte, ne doit-il pas en
conclure ou que son père est un tartufe, ou que le
catholicisme n'est qu'une jonglerie? Cependant si
le père observait a l'hôtel les conimendements de
l'église, il passerait pour rétrograde, et par fidélité
h son parti, il se rend infidèle son culte.
Nous pourrions multiplier ces rapprochements,
et a chaque instant montrer le citoyen belge
apostat par politique, impudique par politique,
lâche et stupide par politique: c'est-a-dire es
clave bas et rampant de l'ignoble esprit de parti.
Otez cet esprit, ôtez ces luttes, et vous aurez
plus d'application dans les professions, plus d'é
tude daus les sciences, plus de progrès dans les
arts, plus de fidélité dans les fonctionnaires, plus
de bienveillance et de franchise entre les citoyens,
plus de patriotisme dans les Chambres, plus de
mœurs et de foi partout.
I.BS DKDX PËLKHim ne LinÉRILIRMI!
a la recherche des misères des flandres.