JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
T\o 3092.
30me année.
Lorsque nous avons appris que MM. Ma-
lou et De Neckere se mettaient simultané
ment sur les rangs Ypres pour le mandat
de Sénateur, nous avonsexprimélibrement
notre opinion au sujet de ces deux compé
titeurs. Quoique l'on semblenous contester
ce droit, nous ne continuerons pas moins
d'en faire usage l'avenir.
Depuis quelques jours, le bruit public
nous a rapporté que M. De Neckere désiste
de sa candidature Ypres et qu'il se met
tra sur les rangs Dixmude.
Si cela est vrai, tant mieux pour M. Ma-
lou le succès ne sera point douteuxet le
Progrès peut sans péril rengainer la gloire
de la calomnie qu'il avait trop généreuse
ment mis la disposition de son protégé.
Dans l'hypothèse du concours entre les
deux candidats, notre préférence était dé
cidée; le concours n'ayant pas lieu, nous
n'avons eu articuler contre M. Malou au
cun grief qui dût nous faire contester ses
prétentions isolées; nous le verrions élire
d'autant plus volontiers qu'il semble avoir
décliné le patronage du Progrès et repoussé
toute solidarité entre lui et les associations
publiques.
On lit dans Y Emancipation
M. De Neckere, commissaire de l'arron
dissement d'Ypres, élu sénateur par les
arrondissements de Dixmude, d'Ostende et
de Furnes, a accepté la candidature qui
lui a été offerte par des électeurs influents
U
©lira ©UNIT ©MZl
de l'arrondissement de Dixmude, auquel
la loi relative l'augmeutalion des mem
bres des deux chambres attribue la nomi
nation exclusive d'un sénateur.
Cette candidature ne peut être accueillie
qu'avec faveur dans l'arrondissement de
Dixmude, qui a pu apprécier les services
rendus au pays par M. De Neckere dans sa
longue et honorable carrière administrative
et notamment pendant qu'il remplissait les
fonctions de membre de la députalion per
manente.
Par suite de celte détermination, les
électeurs du parti conservateur qui avaient
l'intention de conférer M. De Neckere le
mandat de sénateur pour l'arrondissement
d'Ypres, reporteront sans doute leurs suf
frages sur M. Malou-Vergauwen, d'autant
plus que cet honorable membre a fait fran
chement connaître qu'il n'appartenait au
cun association politique et qu'il est parfai
tement libre de tout engagement.
La connaissance de ce fait n'est pas étran
gère, nous assure-t-on, la résolution que
M. De Neckere a prise.
Le typhus continue sévir Gulle-
ghem, bien que les médecins rivalisent de
zèle et prodiguent leurs soins aux malades,
avec un dévouement qui leur fait honneur.
Deux d'entre eux ont déjà été atteints par
celte terrible maladie. L'un, M. Bourgeois
de Moorseele, que les soins empressés de
ses collègues n'ont pu sauver, a succombé
il y a quelques jours; l'autre M. Yander-
plancke de Courtrai, traité par les moyens
de l'hydrosudopalhie, vient heureusement
d'entrer en convalescence et pourra bientôt
être rendu sa nombreuse,clientelle.
C'est le 28 de ce mois que le nommé
Jean Casier, domicilié Menin, et ses sept
co-accusés, seront traduits devant la cour
d'assises de la Flandre-Occidentale,l'effet
d'y répondre sur l'accusation mise leur
charge du chef de viols et d'attentats la
pudeur.
C'est le 24 de ce mois que doit com
paraître devant la même cour, le nommé
Samyn d'iseghem, accusé d'avoir volontai
rement mis le feu une maison.
On écrit de Nieuport, sous la date du
13 mai, au Journal de Bruges J'ai pris des
renseignements pour connaître la quantité
de grains qui pourrait encore se trouver
dans nos environs; des personnes bien
instruites m'ont appris qu'il existe des mas
ses considérables de cette denrée qui n'ont
pas été présentées la vente. Elles ajoutent
que, si l'on pouvait avoir une baisse un peu
uniforme sur nos marchés, la plupart des
détenteurs s'empresseraient l'envie de les
jeter dans la consommation.
Ou m'a également assuré qu'à Furnes il
y a de fortôs quantités de froment en ma
gasin, dont les propriétaires lâchent, de
temps en temps, quelques sacs seulement,
aux prix élevés que la mercuriale a atteints.
Le gouvernement vient de déclarer
encore obligatoires les lois qui défendent
la vente des grains en vert pendants par
racines.
On s'abonne Tp""«) rue de
Lille, n« 10, près la Grand'place, et
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VÉRITÉ ET JUSTICE.
■=■31 S. 19 Mai.
Suite
Lorsqu'une heure sonna, au bourdon de l'Hôtel-de-Ville,
Collot, d'un geste impatient, donna le signal du départ. Alors
toute la colonue s'ébranla; quelques adieux se firent de loin et
par signe, et bientôt on n'entendit plus, sur la place des Ter
reaux, que quelques voix avinées qui chantaient la Carmagnole.
Point de pitié pour les aristocrates, ils mourront tous! il
faut en purger la patrie, entends-tu bien, citoyenne? criait le
représentant Maribon Mme de Senzet, qui, avec son enfant,
1 implorait genoux, les mains jointes et avec une voix pleine
de larmes. Ton père mourra, te dis-je, je ne veux plus l'entendre.
Mais, citoyen représentant, ce n'est pas sa grâce que je
vous demande, tuez-le si vous voulez, mais jugez-le.
Juger! toujours juger! la commission se fatigue et s'ennuie;
et puis, ton père est coupable, un jour de plus un jour de moins,
qu'est-ce que cela peut te faire?
Mou père coupable! dites vous, et de quoi! D'avoir trop
aimé seseufauls, d'avoir envoyé sou fils contre l'ennemi de la
patrie, d avoir adressé dix mille livres la Convention pour
les besoins du peuple? et c'est être coupable, cela!
Mais on l'a vu pleurer et insulter les sans-culottes lorsque
ton mari est mort guillotiué, il y a quinze jours; est-ce que tu
as pleuré, toi!...
A cette question inouïe, Mme de Senzet tomba la renverse;
une agitation nerveuse s'empara d'elle, et Maribon, presque
répeutant du mot barbare qu il venait de prononcer, s'empressa
de la relever et de lui faire respirer des sels placés sur la cheminée.
Relève-toi doue, citoyeune; je n'aime pas te voir ainsi
suppliante nies genoux.
Oh! de grâce, encore, citoyen suspendez l'exécution;
tenez, signez un mot, allons, par pitié! mon père sera jugé, vous
verrez alors? ou bien voulez vous que je meure sa place, moi
Tu es folle; allons donc, toi mourir! ne vas pas dire cela
devant Collot-d'Herbois, il te prendrait au mot.
Eh bien! signez doue alors; mon père marche toujours, il
approche, il ne faut pas un quart d'heure pour aller, vous ne
le savez donc pas citoyen? Et la pauvre femme, hors d'elle-
même, présentait la plume au tribun indécis, pendant que son
enfant, insoucieux, inattentif, jouait avec un épagueul, dans
un coin de l'appartement.
Un instant, Maribon ému, non de pitié, mais je ne sais de
quel sentiment que lui inspirait, malgré lui, cette jeune femme,
saisit la plume et s'apprêta écrire, mais, comme honteux de
sa faiblesse, il se leva brusquement, brisa la plume, et se pro
mena grands pas dans la chambre.
Allons citoyenne, va-t'en, tu n'obtiendras rien de moi.
Sors, te dis-je
Oh non! oh non! je vous en prie, écoutez-moH et ses yeux
cherchaient a adoucir le tigre... un mot, un seul! Maribon,
hors de lui, vint se rasseoir son bureau.
Écoute jurerais-tn de devenir ma femme, si j'accordais
ce que tu demandes et si je rendais ton père la liberté
Oh! oui, citoyen, je vous épouserai, s'écria-t-elle dans
l'exaltation de la douleur et de la piété filiale, je vous suivrai
partout, je serai républicaine.
Encbauteresse, va! tiens, voici ce que ma mère Saurait
pas obtenu
Elle arracha de sa main l'heureux billet, enleva son enfant,
sortit et disparut.
Le cortège avait continué sa marche, mais lentement et sans
cesse arrêté par des flots de peuple qui courait une fête, car
pour le peuple de la terreur tout massacre était uu passe-temps.
Rendons justice celui d'aujourd'hui, il aime les émotions
mais fictives seulement il y a amélioration, quoi qu'on en dise.
Arrivés sur le pont Morand, les bourreaux, craignant qu'il
ne leur manquât une victime, firent faire balte la colonne.
Far un siugulier hasard, au lieu de deux cent sept inscrits sur
l'ordre d'exécution, il s'en trouva deux cent ueuf la chaîne.
En gens scrupuleux et bien appris, les exécuteurs dépêchèrent
une ordonnance Collot-d'Herbois, pour lui demander ce
qu'il fallait faire de ces deux intrus.
A cette nouvelle, le hideux conventionnel partit d'un im
mense éclat de rire, et répoudit l'ordonnance que si cela était
uu cas de conscience pour les républicains, il se chargeait, lui,
Collot, de les absoudre.
Qu'ils meurent tous! entends-tu, citoyen brigadier qu'ils
meurent! ils ont touché les aristocrates, ils doivent puer la
trahison Va, va vite?
Le dragou partit bride abattue. Trois minutes après, le
convoi s'était rerais en marche, pour arriver presque aussitôt
au champ qui allait se transformer en cimetière.
A peine avait ou poussé les deux cent neuf malheureux dans
l'enclos indiqué d'avance, que plusieurs gendaimcs réunirent
et nouèrent les deux bouts du cable, ce qui forma un grand
cercle humain, présentant plus de moyeus d'action la mitraille
et la fusillade (Pour être continué,)