JOURNAL DÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
No 3105.
PRIA DK Ii'AlO**E*E*T,
par trimestre,
Samedi, 3 Juillet 1847.
30me année.
T??.SS, 3 Juillet
En 1830, les libéraux et les catholiques
se sont alliés en vue de combattre et de
proscrire le gouvernement et la dynastie
de Hollande qui pesaient lourdement et
injustement sur notre pays. Ce n'était pas
une simple coalition, c'était une véritable
union qui avait rapproché les deux grands
partis nationaux, décidés soustraire la
Belgique la domination d'un monarque
étranger la coalition est le produit de cir
constances accidentelles, elle disparait avec
les besoins passagers qui l'ont fait naître;
l'union au contraire persiste après la réa
lisation du but proposé, elle est durable
comme les causes qui l'engendrent. Aussi,
lorsque l'indépendance de la Belgique fût
proclamée, les catholiques et les libéraux
s'empressèrent de consacrer leur alliance,
et ils posèrent ce grand acte de transaction
politique qui se distingue parmi les consti
tutions les plus libérales du monde civilisé.
Dès lors, catholiques et libéraux ne for
maient plus qu'un seul parti, le parti noble
et généreux de notre jeune et libre natio
nalité, et le peuple belge presque tout en
tier se rangea autour de son drapeau; ils
étaient en bien petit nombre alors ceux qui
regrettaient silencieusement l'émancipa
tion politique et religieuse de nos fières et
catholiques provinces. Les hommeslesplus
éminents parmi les unionistes furent natu
rellement portés au pouvoir et l'exercèrent
avec modération, avec fermeté, avec hon
neur. Il fallut plusieurs années de luttes
pour réduire i'impuissance les ennemis
intérieurs et extérieurs de notre indépen
dance. Et dès que tous les embarras du
LA DAME DE COEUR.
dehors furent dissipés, dès qu'il s'agit de
compléter et d'étendre nos institutions,
les hommes qui avaient sauvé leur patrie
de l'intolérance et de l'asservissement, vi
rent s'élever contre eux quelques intrigants,
quelquesambitieux, auxquels se joignirent
successivement les impieset les orangistes,
ceux qui haïssent la religion catholique et
ceux qui adorent la politique hollandaise.
La Belgique est donc encore une fois divi
sée en deux camps ici les catholiques et
les libéraux sages qui sont restés fidèles aux
principes de l'Union; là quelques libéraux
qui ont trahi l'Union, de nouveaux libéraux
qui sont sortis du néant depuis 1830, des
radicaux qui ont créé des clubs et un con
grès soi-disant libéral où la première règle
est l'abdication delà libertéélectorale,enfin
des orangistesqui nedemandentpasmieux
que d'assouvir leurs inextinguibles rancu
nes. Dans l'état des choses déterminé par
les dernières électionslesdeuxarméessem
blent être de force égale on peut se de
mander laquelle des deux l'emportera sur
l'autre. Cependant le ministère unioniste
s'est retiré; la porte est ouverte celte opi
nion politique omnicolore que nous avons
esquissée grands traits. Si le libéralisme
arrive au pouvoir, après les façons d'usage,
il ne tardera guère parcourir les mêmes
phases qu'a parcourues le ministère unio
niste: il sera d'abord homogène, puis mixte,
puis renversé pour faire place un minis
tère orange-rouge. Et c'est alors seulement
que les Belges ouvriront les yeux et
pourtant ce sera bien lard nous osons
l'affirmer, ce sera trop tard!
Plusieurs vols avec des circonstances ag
gravantes avaientété commis dans l'arron
dissement d'Ypres etc. Un des principaux
prévenus, Joseph Keignaert, demeurant
Passchendaele, s'était soustrait aux recher
ches de la police. Le sergent et agens de
police de cette ville, porteurs d'un mandat
d'arrêt, ont arrêté hier ce malfaiteur dan
gereux dans un bois sis la commune de
Voormezeele; au moment de son arresta
tion qu'ils ont due opérer avec beaucoup
de circonspection, il était encore nanti des
objets provenant d'un vol par lui récem
ment commis Vlamertinghe.
Beaucoup de boutiquiers et marchands
en cette ville avaient été volés des marchan
dises, la police, qui cependant n'en était
pas prévenue, a, par suite des recherches
pour découvrir un autre vol commis chez
un maître tailleur, arrêtée la coupable qui
s'appelle Rosalie Belpré, épouse Fr. Viane,
ainsi que tous les objets provenants des
vols précités.
Un deuxième meûnier qui fesait habi
tude de mêler du moellon la farine, a été
condamné jeudi dernier dixhuit mois de
prison, 16 fr. d'amende et aux frais, avec
confiscation des marchandises falsifiées.
Deux de ses domestiques ont été punis
comme complices d'un mois et trois mois
d'emprisonnement. Après cette condam
nation qui a atteint des individus de Gits,
et celle qui a précédé, il est espérer que
l'arrondissement sera purgé désormais de
celte fraude odieuse.
Quelques journaux de province répan
dent le bruit de la nomination d'un évêque-
On s'abonne Ypre#. rue de
Lille, n° io, près la Grand place, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
Pour Ypresfr» 4 OO
Pour les autres localités 4 5©
Prix d'un numéro. 20
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Apres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
1*111 V DE* IANERTIOA*.
1» centimes par ligue. Les ré
clames, 2» centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
(Suite etjin.)
Cent soixante-trois mille huit cent quarante francs!
s1 écria M. Thomas, dont le front pâlit mais c'est une surprise.
Je suis témoin du contraire, répondit froidement Ana
tole; c'est vous qui avez provoqué M" Julie jouer, et qui,
ayant perdu une première partie, avez voulu coutinuer quitte
ou double, et toujours ainsi jusqu'à la lin si au lieu de perdre,
vous aviez gagné, M'le Julie vous devrait cent soixante-trois
mille huit cent quarante francs.
Buurreau! dit M. Thomas, en se frappant les tempes de
ses deux poings fermés.
Nous voilà daus un bien grand embarras, dit M"" Thomas,
Un embarras, un embarras, reprit l'agent d'aiFaires, dites
une ruine, madame si...
Si vous êtes obligé de payer reprit Anatole, en inter
rompant son oncle, en doutez-vous? peut-être l'heure qu'il
est, Mlle Julie fait le calcul que nous venons de faire, et elle
connaît comme nous la somme qu'elle a gagnée. Et en supposant
que Mlle Julie ne songe pas l'énorme bénéfice qu'elle vient
de faire, quand elle sera Rouen, elle parlera nécessairement
sou père de ces quatorze dames de ooeur qui lui sont venues
une une et des conditions du jeu; or, le père Deschamps sait
compter, il fera, lui, le calcul que sa fille n'aura pas fait, et
alors,,
Alors, alors, dit M. Thomas, je voudrais que tous les
Deschamps, la mère, le père et la fille surtout, oui je voudrais
qu'ils fussent tous dans la rivière.
Oh! mon oncle! mon oncle!
Mais c'est ton bien, malheureux, que cette jeune fille me
dérobe
Il ne fallait pas le jouer, mou oncle.
Est-ce que tu crois que j'ai joué soixante-quatre mille
francs
Hélas oui, mon oncle, le compte est fait.
M. Thomas était anéanti; la chose était si évidente qu'elle
sautait aux yeux. Assurément, il n'avait pas cru jouer une aussi
forte somme mais qu'il l'eût cru ou non, le fait était là, et
comme Mllc Julie n'avait jamais joué qu'une somme elle, une
somme qu'elle venait de gagner, qu'elle eût pu payer si elle
l'avait perdue et qu'elle avait risquée avec loyauté même,
quisqu'elle eût pu se retirer si elle l'avait voulu, non-seulement
sa conduite était l'abri de tout reproche, mais elle était même
délicate et noble. Il fallait payer ou faire un procès, et quand
M. Thomas se rappelait toutes les circonstances qui avaient
accompagué ces maudites parties, quand il se rappelait qu'il
avait fixé lui-même le premier enjeu, tenu les cartes et surtout
prononcé sans cesse ce mot fatal, quitte ou double, il
sentait au fond du cœur qu'un procès serait fâcheux pour lui,
et qu'il le perdrait assurément au moins devant l'opinion pu
blique
Mon oncle, lui dit enfin Anatole, vous songez me ma-
lier avec une des voisines que ma tante vient de nommer,
M,la Constance Bernard; eh bien! mou oncle, je counais MB*
Bernard, c'est une fort jolie personne, qui est très-riche, l'af
faire pourra s'arranger.
Ce fut uu coup de lumière pour un homme qui, comme M.
Thomas, avait passé sa vie raccommoder des parties par un
mariage et éviter des procès par un testament; il ne fit qu'un
saut de son salon la chambre de M"e Julie, et il la ramena.
Mademoiselle, lui dit-il, je vous dois cent soixante-trois
mille huit cent quarante francs.
A moi
A vous voulez-vous épouser mon neveu je vous donne
quarante mille francs le jour du mariage; je vous fais quatre
raille francs de rente, et ma femme et moi nommons Anatole
et vous nos légataires universels... moius cependaut ajouta-t-
il avec malice, que mon neveu ne veuille absolument épouser
une de nos voisines, Mlle Bernard...
Anatole n'épousa pas M,le Bernard, il épousa celle qu'il
aimait. Les choses se passèrent comme le proposait M. Thomas,,
et sa nièce lui donna quittance.
C'est un tour de roue de la fortune, disait Anatole son
oncle.
C'est un caprice de la dame de cœur, répondait celui-ci,
ou bien c'était, comme dirait un fataliste que je ne veux pa»
nommer, que lou mariage avec Julie Deschamps était écrit
sur le grand rouleau.
Jtfarle Aycard.