JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Ao 3109.
30me année.
On s'abonne Ypre«, rue de
Lille, n» 10, près la Grand'place, et
chei les Perceptenrs des Postes du
Royaume.
PRIX DE L'AB«f!ïRME!IT,
par Irlmealre,
Pour Ypres fr. 4O©
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PRIX DES lXftERTIO**.
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VÉRITÉ ET JUSTICE.
7PF.2S, 17 Juillet.
Malgré les luttes politiques, malgré la
misère et la disette, les populations belges,
celles des Flandres surtout, sont restées
calmes et paisibles. Ce résultat découle évi
demment du caractère et de l'esprit natio
naux, ainsi que des mesures efficaces prises
par le gouvernement en faveur des classes
les plus nécessiteuses. Et partout le libé
ralisme voudrait s'arroger les honneurs
de cette altitude si digne et si honorable.
Après avoir souillé la discorde durant six
années, après avoir soulevé les plus mau
vaises passions, après avoir mis en œuvre
tous les ressorts qui sont de nature se
mer le désordre et les troubles dans un
pays, les libéraux semblent ne pas s'éton
ner que la Belgique jouisse encore d'un
certain repos; ils s'écrient avec une témé
raire vanité quoi, nos adversaires nous
accusent d^ provoquer l'anarchie, et le
peuple entier demeure immobile même
sous les étreintes de la faim et de la dou
leur. Ce langage, qui serait ridicule s'il
n'était astucieux et trompeur, démontre
au moins que les libéraux sont impuissants
produire le mal comme ils sont impuis
sants réaliser le bien. Quelque violents
que soient leurs discours et leurs écrits,
quelque blessantes que soient leurs inju
res, quelqu'envénimées que soient leurs
calomnies, ils ne réussiront jamais par
quer la nation belge en deux camps, entre
lesquels éclaterait une guerre civile ac
compagnée de toutes ses horreurs les
Wallons et les Flamands resteront des
frères, les vrais libéraux et les sincères
catholiques continueront travailler cons
ciencieusement au bien-être général. Si la
Belgique jouit de beaucoup de calme en mê
me temps que de beaucoup de liberté, il faut
l'attribuer, non pas aux prétendues lu
mières que le libéralisme se largue de pro
pager, mais la résignation et la charité
qui distinguent la nation. C'est le senti
ment religieux qui a soutenu et sauvé nos
concitoyens au milieu de la crise qu'ils
viennent de traverser; les lumières du li
béralisme développent les passions, ex
citent la cupidité, mènent la corruption,
et poussent au suicide: les événements
qui affligent un pays voisin justifient notre
assertion d'une manière accablante.
AFFAIRE DE TURQUIE.
Nous rapportons plus loin a l'article Turquie
une version des difficultés survenues an ministre
résident de Belgique Constantinople. D'autres
rapports les expliquent d'une manière pins favo
rable au baron de Behr. Celte affaire mérite au
plus haut point l'attention du pays. Sous quelque
aspect qu'on la considère, elle a une gravité très
réelle.
Le gouvernement belge a un devoir de dignité
ou de justice a remplir. S'il n'obtient pas de répa
ration, il ne peut reculer devant une rupture ou
une destitution éclatante. S'il se conleute de demi-
mesures parce que le pouvoir est près de passer en
d'autres mains, ou par d'autres prétextes, il encourt
une désapprobation méritée, et expose le pays a
une déconsidération notable a l'étranger.
D'après le rapport de la légation, le représen
tant de la Belgique a été maltraité en pleine rue
a Buiukdéré, bourgade a quatre lieues de Constan
tinople, où les habitants riches du faubourg de
Péra possèdent beaucoup de maisons de campagne.
Aucuue satisfaction ne lui a été donnée par le
Divan.
D'après la version de la presse anglaise, c'est
le Ministre lui-même qui par une conduite incon
venante aurait améué une rixe où des coups
auraient été réciproquement portés. La salisfactiou
qu'il réclamait lui aurait alors très justement été
refusée, mais après une telle humftiaiion, sa posi
tion de diplomate ne serait évidemment plus
tenable.
Il ne faut pas avec trop de légèreté admettre les
insinuations malveillantes de la presse étrangèie,
qui tendent départir un personnage élevé, un
rôle de quérelleur de rue, se mettant en feu parce
qu'un cheval se cabre, et frappant le cavalier au
lieu de morigéoer l'animal.
Si l'ambassadeur a été maltraité par un banquier
et ses deux domestiques, si la plainte qui en a été
faite n'a été suivie d'aucune répression ni d'aucune
réparation, et si la Belgique laisse sans s'en émou
voir passer son euvoyé sous le rotin des Ottomans,
c'en est fait de la considération delà Nation belge
en Orient. Toujours les peuples les plus pacifiques
d'ailleurs, mais quelque peu soucieux de leur
dignité, ont été sensibles aux insultes faites a leurs
ambassadeurs. L'interruption provisoire des rela
tions diplomatiques est la mesure la plus douce
par laquelle la fierté belge pourrait repousser
l'outrage, et marquer sou légitime ressentiment.
A quoi aboutirait dans l'avenir cette attitude hos
tile, comment elle finirait, combien longtemps elle
durerait, c'est ce qu'il ne serait donné personne
de pouvoir préciser. D'abord, groupés dans nos
étroites frontières, nous n'avons rien 'a craindre de
cet empire éreinté des Musulmans, que les Puis
sances sont obligées de soutenir de toutes parts
pour qu'il ne tombe pas en ruine, et que des
déchirements intérieurs mineut incessamment. En
suite les Turcs, tant d'Europe que d'Asie, ceux
du moins qui savent déchiffrer quelques pages
d'histoire ou de journal, n'ignorent pas que les
Belges ont appris sous Baudouin le chemin de
Constantinople, et surtout sous Godefroi de Bouil
lon celui de Jérusalem et que la mémoire de celte
vieille époque est si peu perdue, qu'on élève eu
ce moment une statue au dernier dans notre capi
tale. Cent mille bras disponibles tant en Flandre
que dans les autres provinces ne demanderaient
pas mieux que de se mesurer sur les champs fertiles
et négligés de l'Orient avec la race indolente,
efféminée et barbare campée par une usurpation
séculaire autour du tombeau du Christ. La neu
tralité ne saurait empêcher la Belgique de se
défendre même par les armes contre une atteinte
portée a son honneur dans la personne de son
représentant, si les Puissances qui ont garanti son
existence politique, ne lui procurent pas sponta
nément uue réparation convenable. Des mesures
tardives perdent leur effet. L'Europe entière re
connaîtrait qu'un peuple généreux ne peut impu
nément se laisser souffleter. La Grèce n'aurait rieu
de plus empressé que d'appuyer par une utile
diversion une expédition qui lui permettrait peut-
être d'appeler la liberté la portion d'elle-même
qui gémit encore sous le fer du despotisme. De
récents événements rendraient ces désirs plus
ardents. La Bavière qu'un intérêt dynastique lie
intimement la Grèce remuerait tonte l'Allemagne
pour seconder les armements. Les émigrants qui
maintenant vont périr au Canada, aux États Unis,
et sur la plage brûlante de Guatemala, aimeraient
bien mieux chercher fortune, ou du moins une
mort glorieuse sous les cèdres du Liban et dans les
plaines du Jourdain. La France, protectrice des
Maronites, n'a pas oublié les cruautés exercées
sur ses clients. Le sol de ces malheureux chrétiens
est encore teint de sang, leurs ruines sont encore
fumantes. L'Irlande catholique, affamée, vaillante,
trouverait là un aliment ses croyances, un sou
lagement sa détresse, une occasion de signaler
ce courage que vantait O'Connell. L'ombre du
grand homme animerait les chevaleresques soldats
de la perle de l'Atlantique. Une lutte sérieuse
contre la Porte concilierait parfaitement l'intéiêt
de Méhémet-Ali.
Peut-être l'Occident a-t-il besoin de retremper
sa foi ébranlée par l'incrédulité toujours vivante
du dernier siècle, de fixer son inquiétude vague
résultant des petits partis qui pullulent tracas-
sièremcnt chez la plupart des nations, de régénérer
son énergie par un effort immense et d'ensemble
dans une lutte pour Dieu contre l'infidèle, qui
évincerait définitivement les Tartares mahoraétans
du territoire européen et achèverait l'œuvre de
Charles Martel. Ainsi s'affranchiraient enfin les
peuples chrétiens de la honte de laisser le tombeau
de leur chef, la pierre angulaire de leurs espé
rances, le sceau des promesses éternelles sur les
quelles leur confiance repose, entre les mains
barbares de leurs plus acharnés ennemis et con
tempteurs. Dans cette tempête seraient étoufie's,
foulés, balayés et oubliés, le communisme, le
cabralisme, le libéralisme, la franc-iuaçonnerie, le
rongisme, le fouriérisme, le paupérisme, le radica
lisme, tristes nains avortés d'une époque où, depuis
!a chute de Napoléon, la médiocrité et la gêne
débordent sur la religion, sur la littérature, sur la
philosophie, sur le commerce, sur l'industrie, sur
la stratégie, sur la politique, sur tout. Devant la
croix catholique marchant la gloire, un boura
général d'enthousiasme et de ralliement ferait
vibier les cœurs du nord au midi. L'hérétique,