JOURNAL D YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
]\o 3113.
Samedi, 31 Juillet 1847.
31me année.
PRIX. DE L'iBO^EMEXT,
par trlmeatre,
La chambre des Représentants est divisée
en deux partis, dont les forces numériques
sont peu près équivalentes. Quel que soit
le drapeau qu'ils suivent, tous les élus de
la nation n'ont pas les principes également
tranchés, également absolus. Les opinions
de l'extrême droite et de l'extrême gauche
vont en se modifiant jusqu'à ce qu'elles se
confondent dans le centre. Ces modifica
tions sont beaucoup moins nombreuses et
sensibles le long de la droite que le long
de la gauche entre les catholiques, il n'y
a pour .ainsi dire qu'une seule distinction,
les uns admettent franchement que la reli
gion se concilie avec tous les progrès utiles
et sages, d'autres ne se rendent qu'en hé
sitant et en quelque sorte avec regret
celte manifestation sociale, parce qu'ils
craignent la reproduction des abus effroya
bles dont ils furent témoins et victimes;
il y a donc les catholiques conservateurs et
les catholiques progressifs. Les libéraux au
contraire se subdivisent l'infini parmi
les plus avancés on compte les radicaux,
les orangistes, les républicains; puis vien
nent les doctrinaires qui voudraient la
fois combattre l'influence des clubs et pros
crire l'influence religieuse; puis enfin les
libéraux modérés qui, dans de justes li
mites, ne refuseraient point de faire la part
de la Religion et de ses ministres. Et ici
viennent se toucher les deux opinions qui
se partagent le Pays et la Chambre, qui se
disputent le Gouvernement, qui l'ont exercé
d'abord conjointement, ensuite alternati
vement, dont l'une vient de descendre du
ministère, dont l'autre s'apprête y mon
ter toute l'étenduede laChambreselrouve
entre M. Verhaegen et .M. Eloy de Hurdinne,
mais entre M. Dedecker el M. Dolez, la
seule différence que l'on puisse découvrir
consiste en ce que le premierestcatholique-
libéral tandis que le deuxième est libéral-
catholique. Telle est la situation exacte des
partis dans la chambre des Représentants,
et le Ministère Detheux aurait encore une
suffisante majorité si les doctrinaires ne
s'étaient laissé endoctriner par les mécon
tents et les brouillons de toutes les cou
leurs, s'ils n'avaient accepté un moment
le patronage des clubs dont ils cherchent
maintenant secouer le joug, s'ils n'avaient
par leurs imprudences prêté aux associa
tions politiques une extension menaçante
pour tout ce qui s'appelle autorité, gou
vernement, pouvoir. C'est l'action des clubs
qui a enlevé successivement aux Ministères
mixtes et au Ministère Detheux les votes
des doctrinaires, des libéraux modérés et
quelque fois même des catholiques pro
gressifs; ce sont les manœuvres des clubs
qui ont préparé et frappé les coups élec
toraux du 8 juin. De même que les minis
tères plus ou moins catholiques ont eu
besoin de trouver un point d'appui parmi
les libéraux, de même le ministère plus ou
moinslibéral dontl'avènementest prochain
aura besoin d'un point d'appui parmi les
catholiques. Si M. Rogier, le chef des doc
trinaires jetait les yeux vers l'extrême gau
che, il rencontrerait dans l'opposition les
libéraux modérés combattant coté des
catholiques, et leurs efforts simultanés ne
larderaient pasàculbu ter ses combinaisons;
il va donc sans dire que M. Rogier devra
recruter ses collègues parmi les doctri
naires et surtout parmi les libéraux mo
dérés l'exclusion des fauteurs de clubs,
pour qu'il parvienne rallier au moins
tous les catholiques progressifs. De cette
manière seule un ministère libéral peut
espérerde conquérir une majorité sérieuse;
sur toutes autres bases, il s'éleverait sans
aucune chance de viabilité. Du reste, M.
Rogier sentira plus que jamais la force de
cette vérité qu'en politique il est plus aisé
de vaincre ses ennemis que de triompher
de ses amis.
C'est le mercredi de la kermesse, 4 août,
que sera remise la médaille offerte par
souscription la Régence en signe de gra
titude pour l'activité qu'elle a déployée et
les mesures de prévoyance qu'elle a mises
en œuvre dans l'approvisionnement de la
ville pendant la disette. Le carillon se fera
entendre, la musique des pompiers et celle
de la garnison accompagneront le cortège:
diverses sociétés défileront devant l'Admi
nistration Municipale, des discours seront
prononcés. C'est M. Vandenpeereboom
échevin, qui portera la parole au nom de
ses collègues pour remercier le public. On
illuminera le soir, et les cabarets, comme
aux autres jours du Tuindag, resteront
ouverts durant toute la nuit. Cette dernière
particularité devrait disparaître du cadre
des fêtes publiques dans une cité civilisée.
Nous osons croire que les pauvres ne
seront pas exclus de la cérémonie aux
Halles; ce sont eux en effet qui y sont
principalement intéressés, et qui ont le
plus profité de la paternelle sollicitude des
Magistrats. Mettre au ban la blouse et la
veste ronde serait faire perdre la fêle son
caractère patriotique et de civique frater
nité. Il serait du meilleur effet d'organiser
une députation de prolétaires intelligents
et proprement vêtus, qui viendraient offi
ciellement exprimer les sentiments de la
classe ouvrière. Cette population pauvre,
qui a tant souffert, s'est par son admirable
résignation acquis le droit de dire en face
du pays aux chefs de la cité, qu'elle sait
qu'on n'a pas été indifférent son égard.
Quand 1'enchérissement rapide des cé
réales fit peser sur l'avenir de sombres
jours, l'administration communale ne se
contenta pas d'établir une boulangerie
prix réduit en faveur des nécessiteux, elle
envoya de plus un employé Anvers pour
acheter du grain meilleur compte, et le
livrer au prix de revient aux boulangers.
Un de MM. les échevins se rendit égale
ment Anvers pour surveiller les achats.
Pour faire face aux dépenses, des fonds
furent levés la caisse des Hospices. Les
membres de la Régence se constituèrent
aussi personnellement garants des obliga
tions de la ville. Ce dévouement n'a pas
atteint le degré de zèle que déploya autre
fois M. Wullems, aïeul de M. le secrétaire
Decodt, lorsque pendant la disette de 789,
ou vers cette époque, il acheta seul ses
propres risques un chargement entier de
grains pour compte de la ville; ni la rare
abnégation de M. Debeir, curé Lendelede,
qui a distribué tout ce qu'il possédait aux
pauvres, jusqu'à vendre son argenterie.
Mais néanmoins les efforts de nos Ediles
ont mérité d'unanimes éloges, et personne
ne conteste l'opportunité de l'espèce d'ova
tion qui leur est préparée. La situation ne
réclamait pas ici cette générosité poussée
jusqu'à l'héroïsme que d'autres temps et
d'autres lieux ont mise en évidence.
La théorie du servilisme des fonction
naires publics émise par le Journal des Bazi-
leset les révélations qui lui sont échappées
cette occasion, ne manqueront pas d'en
traîner des désertions dans les rangs de
ses plus fermes soutiens. On peut s'être
habitué n'apprécier beaucoup de choses
qu'à travers le prisme des préjugés, sans
avoir l'àme vile et le cœur de boue.
On veut avec raison l'indépendance du
pouvoir civil les Baziles du Progrès en se
ront pour leurs frais d'avoir voulu enchaî
ner les fonctionnaires tous les caprices
d'un ministre, qui souvent, après quelques
bordées d'injures parlementaires, se retire
en boudant, dès qu'il a atteint le terme re
quis pour la pension.
Il suffit déjà d'avoir tous les deux ans un
apprentissage de nouveaux ministres, l'es
sai d'un nouveau système: il ne faut point,
par la même mobilité des gouverneurs, des
commissaires de district, des bourgmestres
etdes autres agents du gouvernement, faire
de toute administration un véritable chaos,
On s'abonne Ypreu, rue de
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clames, *5 centimes la ligne.
vérité et justice.
31 Juillet.