Un orage tel que de mémoire d'hom-
me on n'en avait vu Cherbourg a éclaté
sur cette ville dans la nuit du 20 août. La
foudre est tombée en huit endroits diffé
rents dans la ville; elle est également tom
bée en divers lieux dans les environs de
Cherbourg, notamment dans un clos,
Nonainville, où elle a tué une vache.
La nue électrique était si hasse, que les
éclairs rasaient littéralement la terre et
aveuglaient les personnes qui se trouvaient
dehors. C'est tel point que plusieurs fac
tionnaires ont été obligés d'abandonner
leurs guérites; celui de la nfaison d'arrêt,
entre autres, s'est vu forcé de rentrer au
corps de garde, où il est resté près d'une
demi heure avant de recouvrer complète
ment la vue.
Le douanier qui était en surveillance sur
le quai Napoléon a failli être asphyxié par
la foudre et aveuglé aussi par les éclairs.
Les bestiaux couraient effrayés dans les
champs; les oiseaux nocturnes même
étaient saisis d'épouvante. Le facteur de
Beaumont a pris, en venant Cherbourg,
un chat huant que la peur de l'orage avait
fait tomber presque sans mouvement sur
la route.
Un suicide, qui a eu lieu samedi
Paris, vient de jeter la désolation dans une
famille très-honorable. On lit ce sujet
dans le National
Le bruit s'était répandu d'abord que
M. Anatole Montesquiou, pair de France et
chevalier d'honneur de la Heine, avait mis
fin ses jours en se poignardant. On se
trompait, ce n'est pas M. Anatole, c'est M.
Alfred de Montesquiou, officier de la Lé-
gion-d'llonneur, et frère du premier, qui
s'est suicidé l'hôtel Montesquiou, rue
Monsieur, 12. Au moment où ses domesti
ques sont entrés dans sa chambre cou
cher, ils l'ont trouvé privé de vie et noyé
dans son sang. Il s'était armé d'un couteau
indien qu'il possédait depuis longtemps, et
il l'avait enfoncé dans sa poitrine.
Les gens de la maison, frappés d'effroi,
ont cru d'abord un assassinat; mais il
paraît que les recherches faites par le com
missaire de police, et quelques lettres aussi,
écrites, dit-on, par ce malheureux, n'ont
laissé aucun doute sur le cuicide. On nous
a fait connaître les causes qui ont porté M.
Alfred de .Montesquiou cet acte de déses
poir; nous ne voulons pas les reproduire,
de peur de quelque erreur; il est probable
que la justice sera moins discrète, parce
qu'elle sera plus assurée de la vérité.
M. Alfred de Montesquiou n'était plus
jeune; il touchait la soixantaine, et ce
qu'il y a de plus triste, c'est qu'il est père
de sept ou huit enfants.
Une feuille de celle ville parle d'une
tentative d'assassinat commise par le fils
d'un maréchal de l'Empire sur une femme
avec qui il entretenait des relations.
Les journaux de Paris ne disent rien de
cet événement.
FRANCE. Paris, 24 août.
On écrit d'Eu, le 26 août: LL. MM.,
accompagnées des généraux Gourgaud,
Aymard, Friant et d'Audenarde, du préfet
du déparlement, du maire de la ville d'Eu,
sont sorties pied trois heures pour aller
visiter l'hospice, les salles d'asile et l'éta
blissement des Sœurs de Charité. Le Roi a
fait ensuite une promenade en voiture et
n'est rentré au château qu'à sept heures.
Le bruit se répand qu'une instruction
spéciale va être dirigée contre le médecin
de la famille de M. le duc de Praslin,comme
accusé d'avoir aidé le duc dans l'empoison
nement qui a mis lin ses jours.
On annonce que les enfants de Pras
lin doivent présenter une requête au garde-
des-sceaux, Ministre de la justice, afin d'être
autorisés changer leur nom patronimique
en celui de Choiseul-Sébastiani.
Plusieurs journaux annoncent que
M. de Beauvallon est renvoyé devant la
cour d'assises comme accusé de faux té
moignage, et qu'il s'est pourvu en cassation
contre l'arrêt de la chambre des mises en
accusation.
Ces deux faits sont inexacts. La chambre
des mises en accusation n'a pas prononcé
sur cette affaire.
On lit dans la Gazette des Tribunaux:
Ce soir 8 heures, au moment où la foule
des promeneurs se presse sur les boulevarls,
une violente explosion a eu lieu devant le
café de Paris. Cetteexplosion était produite
par l'infiainmation d'une boîte de bois de
chêne recouverte de papier, laquelle con
tenait, indépendamment de la poudre ful
minante (nitrate d'argent) des projectiles
de différente sorte, des tessons de bouteil
les, etc.
L'individu qui avait fait éclater cette
boîte incendiaire, en la jetant sur le trot-
loir, a été aussitôt arrêté par les prome
neurs et par des sergents de ville. C'est un
homme d'une trentaine d'années, propre
ment vêtu. Ne me laites pas de mal s'est-il
écrié lorsqu'on l'asaisiau collet;conduisez-
nioi au poste.
La commission de la Cour des Pairs
chargée de l'instruction de l'affaire Praslin,
a continué encore ses opérations.
De nouvelles perquisitions ont été faites,
et ont amené la saisie de nouvelles lettres
soit du duc de Praslin M"e Luzy Desportes,
soit decelle-ci au due. Cette correspondance
est de nature, dit-on, nécessiter un nou
vel interrogatoire de M"e Luzy-Desportes.
Au nombre des pièces saisies au château
de Praslin on a trouvé une assez volumi
neuse correspondance de la duchesse. Les
lettres qu'elle adressait son mari sont
empreintes des plus nobles sentiments:
rien n'est plus touchant que l'expression
des reproches qu'elle lui adresse, et qu'elle
savait toujours tempérer par les témoigna
ges d'une profonde affection.
Depuis son arrivé Paris, M. le ma
réchal Sébastiaui n'est sorti qu'une fois de
son hôtel c'était pour visiter la duchesse
douairière de Choiseul-Praslin. La duches
se, qui est atteinte d'une cécité complète,
connaît la mort de sa helle-lille, mais elle
ignore le nom de l'assassin et ne sait pas
encore qu'elle a perdu son fils.
Deux testaments de Mme la duchesse
de Praslin ont été déposés entre les mains
de M. le président du tribunal de la Seine.
Ces deux testaments sont de dates diffé
rentes, l'un de 1841, l'autre de 1846.
Dans le premier, on remarque que la
duchesse parle toujours de son mari dans
les termes les plus affectueux. Dans le se
cond, celui de 1846, la duchesse ne con
fère pas, comme on l'a dit tort, l'usufruit
de tous ses biens son mari; elle lui lègue
une partie de son mobilier, et lui donne
l'usufruit d'une de ses terres.
Dans ce même testament de 1846, se
trouve une clause assez remarquable. La
duchesse lègue ses diamants l'un de ses
fils, seulement elle demande que ces dia
mants soient vendus, et que le produit de
celte vente soit affecté l'achat de renies
sur l'Etat.
D'après le vœu de la testatrice, les arré
rages de ces renies ne devraient pas être
employés, mais bien au contraire capitali
sés pour acheter chaque année de nouvelles
rentes, jusqu au moment où le jeune de
Praslin songerait se marier.
Alors le prix originaire des diamants,
ainsi augmenté par les intérêts annuels,
devrait servir l'achat des diamants des
tinés la nouvelle épouse.
La société entière est coupable, elle est
complice au moins dans un certain sens,
de l'assassinat de \im' la duchesse de Pras
lin. Rassemblez tous vos souvenirs, vous
n'y trouverez rien de comparable depuis
plusieurs siècles. Jadisce n'était point cette
suprême élégance, ce raffinement de déli
catesse où la mort, comme la donnent les
révoltés du bagne, est venue chercher M"4
la duchesse de Praslin. Jusqu'ici, jamais de
pareilles horreurs n'avaient souillé le bla
son des familles vraiment illustres de la
France. Le peuple a raison notre époque
était destinée faire voir des choses que
n'avaient pas montrées les siècles les plus
célèbres par leur effervescence et leur cor
ruption.
Vouloir miliger ou combattre cette im
pression universelle serait donc une lâche
inutile. Depuis dix-sept ans, aucun événe
ment n'a produit unesemblabîeimpression.
Il s'agissait vendredi de transférer le prin
cipal accusé la prison du Luxembourg:
on ne l'a point osé de jour, cause de la
foule immense et soulevée qui assiégeait
les portes de l'hôtel ou reposait le corps
de la duchesse. On a attendu que la nuit
eût dissipé les groupes, et ce n'est qu'à
quatre heures du matin que la translation
a eu lieu. Ne nous déballons donc pas
revendiquer notre innocence. Les classes
supérieures et instruites qui se sont donné
rendez-vous pour rire a gorge déployée aux
représentations de Y Auberge des Adrets; qui
non contentes de ce premier essai, ont en
quelque sorte commandé des gens d'un
esprit infernal l'apothéose aristophanique
de Robert-Macaire; qui il a fallu, pour
ramener leurs goûts blàsés, que les feuil
letons enchérissent sur la Gazette des Tri
bunaux; ces classes supérieures et instruites
qui, depuis 10 ans, n'ont pas cessé d'avoir,
parleurs lectu res de prédilection, l'imagina
tion sou i I léc d un a ffreux mélange de sang et
de débauche; ces classes qui n'ont pas su
désavouer par leurs mépris les suppôts des
bals publics, les souteneurs des Frisette et
des-reùie l'omaré, corryphées, dans un pays
chrétien, de danses plus obscènes que les
orgies du paganisme n'en ont connues; ces
classes, déjà responsables des poésies d'un
Laeenaire, doivent aussi répondre devant
Dieu et devant les hommes de l'assassinat
de M°" la duchesse de Praslin.
C'est une chose inouïe inexplicable au
premier abord, c'est une chose toute sim
ple, quand on y réfléchit, qu'un homme
d'un esprit médiocre, ce qu'on assure,
élevé comme nous l'avons été pour la plu
part dans les écoles de l'Etat, dégradé peu
peu par celte corruption que la richesse
facilite trop souvent, en soit venu, par un
entraînement de monomanie imitatrice,
mettre en action des horreurs qui sont le
pain quotidien des imaginations de notre
époque. Ah! si notre temps ne renfermait
actes du gouvernement.
Le sieur Deschodt (F.-B vérificateur de pre
mière classe de l'enregistrement et des domaines
dans la province de Limbonrg, est nommé conser
vateur des hypothèques h Tongres.
réflexions sur le meurtre de mme de choiseul-
praslin.