JOURNAL I) YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT. fto 3140. Mercredi, 3 Novembre 1847. 31me année. La différence qui existe entre l'esprit de parti et le dévouement la chose publique, la distance de l'un l'autre, les dangers de l'un et les avantages de l'autre, viennent de se manifester d'une manière très pal pable dans deux faits récents, qui sans avoir aucune liaison entr'eux, montrent une application fort utile de ce que nous avons exposé dans quelques uns de nos derniers articles. Un rêve surprend un officier supérieur du parquet. Sans autre mobile qu'une idée fortuite qui lui passe par la tête, ce magis tral provoque une inquisition judiciaire dans la rédaction d'un journal. Comme il n'y avait aucun délit punir, ces actives recherches ressemblaient beaucoup quant leur but, au désirdesalisfaireplusqu'une vaine curiosité. On se rappelle en effet que le Courrier d'Anvers, apprenant la démis sion de M. Colins comme juge d'instruction, avait simplement, après tant de disgrâces de ce genre, attribué également celle-ci des motifs politiques. M. Colins est dé missionné pour opinions politiques. Voilà les seuls mots qui ont mis en mouvement tout l'attirail de la justice. La presse indé pendante s'est émue de cet excès de suscep tibilité, elle a blâmé hautement ce qu'elle considérait comme une violation de la li berté, et selon l'adage qu'il est bon de s'opposer au commencement des abus elle a éveillé courageusement l'attention publique sur cette tentative de mauvais augure. Nous nous empressons de recon naître que quelques feuilles libérales, le Journal de Liège enlr'autres, ont eu la bon ne foi de se joindre ces légitimes récla mations. Mais d'autres, plus inféodées aux théories d'exclusivisme qu'elles professent, l'Indépendance, l'Observateur, et leur queue le malingre Progrèsd'Ypres, n'ont rien com pris au mécontentement qu'excitait l'équi pée ministérielle, mécontentement qu'ils laxent de ridicule exagération. D'où vient celle différence d'appréciation? D'où vient cette médiocre importance attachée au vio- lement d'une des libertés que le libéralisme vante d'ailleurs le plus, et dont il a fait un ample usage? D'où vient le peu de cas fait actuellement d'une garantie constitution nelle qu'on a voulue en dépit de tous les inconvénients qui devaient nécessairement l'accompagner? C'est que l'esprit de parti ne laisse entrevoir aux journaux qui font défection que les intérêts les plus étroits de leur faction du moment que ces inté rêts sont couvert, du moment que c'est de leur camp que partent les coups et qu'ils tombent sur des adversaires, cela suffit, la chose ne les regarde plus; plus il y aura inquisition, poursuite oppressive, intimi dation rétrograde, plus ils applaudiront. Qu'on ne s'avise plus d'atténuer l'affaire du Courrier d'Anvers, en alléguant que son rédacteur n'a été cité que comme témoin, et non comme coupable, car le public com prend facilement que l'excuse objectée est précisément ce qui constitue la gravité du fond. Cité comme prévenu, le rédacteur n'aurait eu rien craindre aucune cham bre du conseil, aucune chambre de mises en accusation, aucun jury de Belgique, ne l'eut déclaré punissable pour avoir taxé de politique une mesure précédée de vingt cinq autres du même genre. Mais en le for çant déposer comme témoin, on le pla çait dans une position embarrassante laquelle tout homme d'hojineur, eut pré féré celle d'accusé. On l'exposait non pas au crime de faux témoignage (il n'y a au cune éventualité, aucune menace qui puis se entraîner dans cet abîme un publiciste intègre); mais au délit de refus de déposi tion, ou bien des déclarations compro mettantes pour autrui, et toujours fort regrettables quand un intérêt social ne s'y trouve pas nécessairement engagé. On enlevait adroitement la question son véritable terrain, pour lui donner des pro portions vulgaires, sur lesquelles l'opinion pouvait prendre le change. Après avoir vu avec combien d'indul gence l'esprit de parti, implacable envers ses adversaires, passe l'éponge sur tout ce qui tendrait leur nuire, voyons par anti thèse si le dévouement au bien public suit en pratique les mêmes errements. Un mi nistère est renversé, M. Jules Malou en fesait partie, sur lui semblaient s'amonce ler toutes les colères des vainqueurs, tous les dédains d'un parti affichant le divorce avec tout ce qui l'avait précédé au pouvoir. Aux clameurs succèdent les œuvres, les nominations du précédent cabinet sont ré voquées,les clubs de toutes les nuances,les organes du libéralisme ministériel tous les dégrés, font chorus et bondissent de joie chaque destitution fulminée. Cepen dant une question difficile et compliquée se présente le ministère distrait par les importunités de ses créatures qui sollici tent faveurs sur faveurs, n'a le temps ni de l'approfondir, ni de la mûrir; on sait seu lement qu'elle est d'une immense portée pour le pays, et qu'elle peut intéresser vi vement le trésor public on est forcé de recourir au talent et aux éludes de M. Malou. Nous voulons parler de la question des assurances. Que fera M. Malou dans cette conjonc ture? Rejetlera-t-il au loin des avances qu'ont précédées tant d'hostilités? L'esprit de parti l'eut conseillé; un journal imbu d'exclusivisme libéral, considérait telle ment cette conduite comme la seule possi ble, qu'il hasarda d'imprimer que M. Malou avait soigneusem en t caché ses successeurs tous les matériaux qu'il avait rassemblés sur la question des assurances. Les libéraux avaient refusé de traiter sur un pied d'éga lité avec les conservateurs parla formation d'un ministère mixte un ancien ministre conservateur pouvait-il sans que des avan tages d'aucun genre l'y engageassent, met tre ses talents purement et simplement la disposition du cabinet libéral? 11 y avait un service rendre au pays, M. Malou n'est pas entiché de l'esprit de parti dès lors il n'y avait pas hésiter, et la commission offerte a été acceptée avec empressement. Le rapprochement est frappant l'esprit de parti consent une violation commise par ses patrons au préjudice d'une liberté publique; le dévouement opposé l'esprit de parti immole sans balancer toute répu gnance personnelle, et refuse d'écouter au cun ressentiment, de peur qu'un intérêt public ne souffre le moindre dommage. II n'y a pas un ordre de fonctions, pas une série de faits historiques, pas une épo que, où nous ne puissions signaler des éléments analogues de comparaison, qui condamnent l'esprit de parti, et préconi sent l'esprit d'union comme pouvant seul cimenter les libertés constitutionnelles, et activer les progrès administratifs, législa tifs, commerciaux et intellectuels. On lit dans le Progrès: Tout le monde ignore l'institution que le Progrès indique bien que l'idée qu'il sug gère mérite réflexion et ne manque pas d'actualité. Nous ne savons ce qu'il y aurait de plus repréhensible dans la formation d'un fonds pour le soutien delà bonne presse, que dans la souscription pour une médaille commémorative l'honneur de la Régence, ou en faveur de l'académie. Toutes les bon nes choses méritent d'être soutenues, sur tout dans un siècle où il ne manque pas de dévouements pour secourir fut-ce le Progrès ou le Aiéphisiophêlès. Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur rue de Lille, 10, Ypres. Le Propa gateur parait le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. l'HIV DES 1VSERTIOVS. 9 centimes par ligue. Les ré clames, ti centimes la ligne. On s'abonne Ypres. rue de Lille, u® io, près la Grand'place, et cbe* les Percepteurs des Postes du Royaume. 1*111 RI! L'AIOWEMEJIT, par trimestre, Pour Ypresfr. 4OO Pour les autres localités 4S® Prix cTuu numéro. VÉRITÉ ET JUSTICE. TPP.SS, 3 Novembre. Personne n'ignore que les évêqties ont institué une confrérie de S'-Joseph pour le soutien de la bonne presse; presque toutes les feuilles cléricales sont subsidiées sur ce fond de S'-Joseph, qui ne laisse pas que d'avoir une drôle de destination, quand on considère les instruments qu'on paye a l'aide de cet argent.

HISTORISCHE KRANTEN

Le Propagateur (1818-1871) | 1847 | | pagina 1