JOURNAL D YPRES ET DE ARRONDISSEMENT. Ko 3156. 31me année. On s'abonne Apres, rue de Lille, il® 10, près la Grand'place, et cbe* les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE I/ABDWWEMEAT, par trimestre, Ponr Ypresfr. 4O© Pour les autres localités 4— 50 Prix d'un numéro. to Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur rue de Lille, 10, l'pres. Le Propa gateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. PRIX DES IXSERTIO*S. 4 9 centimes par ligne. Les ré clames, Sft centimes la ligne. VÉRITÉ ET JUSTICE. T??.2S, 29 Décembre. l'impôt de succession en ligne directe. Parmi les raisons nombreuses qui milileot contre l'augmentation des impôts en général, et notam ment contre ceux projetés par le ministère en ma tière de succession, il en est quelques-unes qui ont jusqu'ici échappé h l'attention publique, ou qui du moins ne l'ont que médiocrement éveillée, et que par cela même il importe de rappeler, ou de mettre dans un plus grand jour. Nous ne nous oc cuperons ici que d'une seule objection contre une des innovations proposées la législature. L'impôt sur les successions dévolues en ligne directe n'a pas seulement paru immoral dès la chute du despotisme français, et été abrogé comme tel par le gouvernement établi au nom des Puis- sancesalliéesen t8i4, il n'est pas seulement odieux par sa nature et par son caractère vexatoire de fiscalité iuquisitoriale s'iuterposant entre le'pèreet l'enfant, c'est-à-dire venant troubler d'un regard cupide les relations les plus intimes de la société humaine; mais il contrarie encore spécialement aux yeux des Belges les mœurs propres a ce peuple, ses coutumes les plus honorables, et il teudrait di rectement les fausser et les détruire. En Belgique, l'autorité paternelle est encore fortement respectée. Taudis qu'eu France, le prin cipe pervers que les enfants appartiennent avant tout a l'état» principe professé par Thiers, a fait tomber l'éducation publique dans une déplorable et servile dépendance de bureaucratie, en Belgique le respect dû aux droits de la paternité a fait pro clamer la liberté de l'enseignement. Par une con séquence de la puissance instinctive et cultivée de cette autorité, il arrive très souvent, pour ne pas dire généralement, que dans nos provinces, en ville comme la campagne, les parents ne négli gent aucun soin, aucun sacrifice pour l'éducation de leurs enfants; et que par contre ceux-ci, soit qu'ils se chargent insensiblement de tous les détails du commerce paternelsoit qu'il exercent même des professions distinctes, continuent pendant fort longtemps a laisser tous les bénéfices, tous les gains, tous les profits en commun et c'est ainsi que le patrimoine de la famille,se maintenant, se refesant, se consolidant, s'augmentant graduellement par le labeur, le talent et les industries diverses des en fants, par l'extinction des charges et de nouvelles acquisitions, ne cesse pas de réposer exclusivement sur la tête du père comme chef, souvent jusqu'à sa mort. La sage sollicitude du vieillard la piété filiale, la reconnaissance et un intérêt bien entendu, ont chacun leur part dans cette habitude patriar cale, et véritablement belge. Elle a des racines si profondes dans le pays, que même longtemps après le décès d'un père ou d'une mère, et en dépit de l'innovation législative qui a aboli les conti nuations légales de communautéon voit bien des fois les acquisitions continuer an nom seul du sur vivant. Les chefs de lamille trouvent une jouis sance et une satisfaction 'a rester ainsi la tête de la fortune commune cet hommage de déférence re lève la dignité de leurs cheveux blancsils en recueillent plus d'honneur auprès des étrangers; par la leur prévoyante affection ménage l'égalité entre des sœurs et des frères chez qui la différence de capacités et de moyens vient toujours assez tôt altérer profondément le niveau des conditions sociales. Cette honorable solidaritéqui augmente les forces d'acquisition parle concours de plusieurs, mérite évidemment d'être entretenue et favorisée, comme basée sur une inspiration vertueuse, et présentant sons une forme antique un coté très saisissable et frappant du peuple belge. Le projet de MM. Rogier et Veydt d'imposer les successions dévolues en ligne directe n'est rien moins qu'une déclaration de guerre irréfléchie contre la pratique noble et pieuse que nous venons de signaler. Imposer la succession en ligne directe, c'est dire; par l'enseignement d'un nouveau ca téchisme social la suite d'une politique nouvelle, que l'enfant doit bien se garder de mettre ses fa cultés, son industrie, ses sueurs a la disposition de sou père ou de sa mère; qu'il doit bien se garder d'être assez fort de gagner pour le commun de la famille, pour un père qui ne sait plus travailler, pour une mère qui u'a jamais été au courant de la profession, pour une sœur qui n'a point de qualité cet effet; c'est dire qu'il faut que chacun travaille exclusivement ponr soi; c'est traduire en réalité l'apothéose de l'égoïsme vanté par M. Sigart; car quiconque aura travail lé en commun, quiconque aura laissé faire des acquisitions au nom de ses parents se verra frappé de la pénalité du droit de succession a raison de ce fait- La générosité, le désintéressement, les senti ments nobles qui montrent chez une nation qu'on y porte le cœur haut, seront donc mis au ban réprimés et punis. Les pères usés par le travailet qui espéraient de l'assistaoce des enfants qu'ils avaieut formés la rémunération de leurs peines, ne devront point s'en prendre l'ingratitude de ceux-ci de voir leurs vœux frustrés, mais au raffi nement d'une fiscalité se prétendant libérale au paravant les enfantsacquéraient pour leurs parents, maintenant, pour éviter les droits, ils devront s'empresser d'acquérir chacun pour lui-même, sauf h fournir aux auteurs de leurs jours et leurs frères ou sœurs des secours calculés qui déconsi dèrent. 11 ne s'agit donc pas uniquement de savoir si le trésor, véritable tonneau des Danaïdes tant que la voie des économies sera dédaignée, absorbera un million ou deux de plus, sués au cœur même de toutes les familles on demande si des cartons mi nistériels sortira une hydre pestilentielle destinée corrompre la sève vitale de la Nation, et si h défaut des ministres épouvantés du fruit de leurs veilles, les Chambres ne se hâteront pas d'étouffer une si menaçante monstruosité. La loi sur les successions est jugée le ministère n'ose pas la faire discuter; il est effrayé de la ré pulsion générale que cette mesure fiscale a excitée dans le pays. Et cependant notre organe des clu- bisles dont le dévouement est sans limites et sans bornes, prend la défense du projet de loi. Ce zèle serait édifiant partout mais dans notre ville, on peut dire qu'il est héroïque. Les dernières discus sions de la Chambre ont prouvé que l'administra tion pouvait marcher sans nouveaux impôts; que le service ordinaire du trésor pouvait avoir lieu, sans nouvelles charges publiques. Le ministère ne de mande donc des resources nouvelles que pour faire exécuter des travaux publics, tels que la dérivatiou de la Meuse et le chemin de fer de Gand Brux elles. Ce sont là des dépenses de luxe, que l'on veut faire aux frais du pays entier, en faveur des grandes villes déjà privilégiées. Eh bien, on trouve de braves patriotes Yprois, libéraux et très libéraux, qui défendent la loi sur les successions, pour plaire M. Rogier et M. Frère, c'est dire, qui trouvent bon, qu'on fasse peser sur notre arrondissement des charges nouvelles, afin d'exécuter des travaux de luxe dans le pays Wallon et cela au moment où le ministère nous a réfusé l'emprunt d'une couple de millions! Les patriotes de ce calibre sacrifient évidemment leurs affections politiques, les intérêts les plus importants de notre arrondis sement. Pour faire rapporter sa loi sur les successions, Guillaume lui avait donné pour sanction, le ser ment. C'était un impôt sur la conscience. En i83o M. Rogier supprima le serment comme une immo ralité. En 1847 M. Rogier propose de rétablir le serment comme une mesure morale; il recule de 17 ans, pour nous soumettre de nouveaux la douce fiscalité du régime hollandais. Voilà encore un fait qui prouve que la politique nouvelle est vieille, et même très vieille. Elle n'en est pas plus aimable pour cela. Nous avons dit, d'après des renseignements, qui nous paraissaient fondés, que le ministre des tra vaux publics avait bien acceuilli la députaiion qui s'est rendue Bruxelles pour obtenir l'appui et le coucours du gouvernement en faveur de notre chemin de fer. Nousapprenons aujourd'hui de bien bonne source, que le ministre s'est montré peu bienveillant pour une entreprise qui intéresse au plus haut degré notre arrondissement, et qu'il a fait entendre la députaiion que le gouvernement ne ferait jamais rien pour l'exécution de ces utiles travaux. Tout eu rendant hommage au zèle et la bonne volouté des citoyens qui out fait des déutar-

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Le Propagateur (1818-1871) | 1847 | | pagina 1