ANGLETERRE. Londres, 29 mai.
ALLEMAGNE.
le procès qui s'instruit par suite des événements du
i5 mai. Il paraît que la justice avait été conduite
par ses investigations demander la mise en ac
cusation de M. Louis Blanc. M. Crémieux ou M. le
procureur général Portaiis devait, dans la séance
de samedi, solliciter de l'Assemblée l'autorisation
nécessaire pour exercer des poursuites contre un
de ses membres. On assure qu'une interdiction
formelle de la commission exécutive est venue ar
rêter l'action de la justice. Cette nouvelle a produit,
et on le comprendra, une très-vive émotion.
Nous ajouterons que l'arrestation de M. Louis
Blanc n'était pas la seule que MM. Portalis et
Landrin eussent jugée nécessaire a la bonne instruc
tion de l'affaire du i5 mai. Il en est une autre que
l'Assemblée nationale n'avait point autorisée et
qn'ils réclamaient en même temps.
Il paraît que les travailleurs des ateliers na
tionaux de la Seine se refusent a retourner dans
leurs départements respectifs, même avec l'assu
rance que de l'occupation leur y sera donnée.
D'autres, qui pourraient trouver de l'emploi dans
des ateliers privés, se refusent a sortir de l'état de
doux loisir que M. Louis Blanc a organisé a leur
profit. Toutefois, la grande majorité de ces hom
mes, qui ont si souvent exprimé l'humiliation
qu'ils ressentaient a recevoir un salaire qu'ils ne
gagnaient pas, paraît disposée accepter avec re
connaissance la nouvelle organisation qui se pré
pare.
On affirme que, dans le club des Pyramides,
on aurait demandé que tous les membres de la
nouvelle réunion s'engageassent, par écrit, sou
tenir la commission exécutive et le ministère. Près
de deux cents membres, dit-on, auraient adhéré
cette proposition. Si le fait est vrai, M. Guizot ne
peut plus être considéré comme un uovice dans la
pratique de la stratégie parlementaire, M. Guizot
ne demandait sa majorité que des promesses
verbales; nos nouveaux ministres exigent des signa
tures. Verba volant, scripta manet. (Presse.)
Le projet de loi sur le rétablissement du di
vorce excite une répulsion peu près générale. Il
a été examiné avant-hier dans les bureaux de
l'Assemblée, et la plupart des orateurs l'ont re
poussé comme inopportun et anti-social. Par con
tre, il a valu M. Crémieux les remerciments
d'une députation de femmes libres.
L'importance qu'on a donnée a M. Emile
Thomas, directeur des ateliers nationaux, les me
sures mystérieuses prises son égard dans la nuit
de vendredi, mille bruits étranges jetés dans l'opi
nion publique, avaient occasionné hier au soir des
rassemblements dans les quartiers populeux de
Paris, chacun commentait cette affaire sa manière.
En général, les rassemblements étaient des plus
inoffensifs. Vers les onze heures seulement un
conflit a eu lieu la porte Saint-Denis entre des
gardes nationaux et quelques individus, sans doute
pris de vin, qui ont gravement insulté un officier en
lui arrachant, dit-on, ses épanlettes.
Dans la crainte d'une manifestation violente, le
rappel a été battu de très-bonne heure dans tous
les quartiers de Paris. A huit heures, les treize
légions se sont ébranlées et ont été se placer en
bataille dans les postes désignés dans l'ordre du
jour.
On raconte dans la salle des Pas-Perdus qu'un
banquet d'ouvriers a eu lieu St-Maodé; ce mo
deste banquet ne s'élève qu'a ciuq sous par tête et
se compose seulement de fromage, pain et vin;
ce dîner tout spaitiate n'est pas fait pour échauffer
les têtes.
M. le général Cavaignac, Ministre de la guerre,
en uniforme et portant la croix de commandeur
de la Légion-d'Honneur, a parcouru dès midi les
rangs de la garde natiouale et des troupes. Le
général Négrier, questeur de la Chambre, le gé
néral Tampoure, commandant de la garde mobile,
le général commandant la première division mi
litaire, tous en uniforme, ont successivement par
couru les rangs.
A la suite d'un conseil qui a été tenu au
Luxembourg, un courrier extraordinaire, porteur
de nouvelles instructions, a été expédié a l'amiral
Baudin.
On lit dans YÊcho de Valenciennes On
organise a Cambrai une partie de la garde nationale
en garde nationale mobile, destinée a se porter
sur Paris au premier signal. Toutes les villes de
la province ne tarderont pas imiter cet exemple;
de cette façon, de chacun des quatre points car
dinaux il pourra se diriger une armée sur la capitale
si le moindre danger se manifestait. La direction
du Nord jetterait facilement cinquante mille hom
mes sur les factieux de Paris en quelques heures.
Les rassemblements traditionnels de la porte
Saint-Denis et Saint-Martin ont tenté hier de
désarmer une patrouille. Des cris de: Vive Henri
Vont été proférés aux alentours de l'Hôtel—de—
Ville, et, dit-on, par d'anciens gardes du corps.
Le général Cavaignac aurait fait lui-même, hier
soir, de nombreuses arrestations d'ouvriers.
On a remarqué que le ministre qui avait été
chargé de présenter l'Assemblée le décret de
bannissement contre la famille d'Orléans, M. Re-
curt, s'est abstenu de voter.
Un citoyen de Paris, qui indique ses noms
et domicile, vient de faire afficher dans Paris une
proposition aux électeurs de la Seine, pour la can
didature de l'ex-prince de Joinville l'Assemblée
nationale, dont il respecte les décisions et les dé
crets; en faisant observer toutefois que les pouvoirs
de cette Assemblée dérivant de la souveraineté
électorale qui les prime, les représentants ne sau
raient s'élever contre une souveraineté incontes
table.
Les banquets h 25 centimes par tête parais
sent avoir du succès. A peine celui de Saint-Mandé
a-t-il eu lieu, que la Réforme en annonce un se
cond Montmartre.
Il est question de supprimer, au ministère des
finances, la division de la comptabilité générale,
dont le service rentrerait désormais dans les attri
butions de la Cour des comptes.
Un journal annonce que l'on a arrêté hier au
matin l'ancien maire de Passy, et M. Larger, chef
de la garde nationale de la banlieue.
L'instruction relative 'a l'attentat du i5 mai
se poursuit avec beaucoup d'activité. Hier, M.
Louis Blanc a été interrogé comme témoin. Blanqui
a également subi un interrogatoire; il paraît qu'il
était dans un état profond d'accablement.
Ou annonce que le gouverneur général de
l'Algérie a écrit au ministre des affaires étrangères
pour lui donner avis que des agents anglais cher
chaient fomenter des troubles sur le littoral de
l'Algérie et sur différents points des côtés de la
Barbarie.
Paris, 3i mai.
Les derniers événements de Naples ont donné
lieu mercredi a des interpellations au sein de
l'Assemblée nationale. On pensait qu'elles seraient
l'affaire importante de la séance. Mais l'Assemblée
y a prompteraent mis fin par l'ordre du jour, après
avoir entendu un discours de M. Xavier Durrieu,
et la réponse du Ministre des affaires étrangères,
M. Bastide.
Un réquisitoire du procureur-général près la
cour d'appel de Paris et du procureur de la Ré
publique est venu donner une toute autre tournure
aux préoccupations de la Chambre. On y demande
l'autorisation de poursuivre M. Louis Blanc, com
me prévenu d'avoir pris part l'envahissement
et l'oppression de l'Assemblée dans la journée
du 15 mai.
Après avoir entendu quelques observations du
ministre de la justice, M. Crémieux, l'Assemblée a
renvoyé la demande en autorisation de poursuite
a l'examen d'une commission, et elle s'est immé
diatement retirée dans ses bureaux.
Nous ne savons pas encore a quelle mesure s'est
arrêtée la commission.
Le rapport de la commission sur l'attentat
du i5 mai incrimine notamment MM. Caussidière
et Courtais.
Une prévention d'assassinat plane h charge
d'un ex-commissaire délégué de M. Ledru-Rollin
en Normandie. Riancourt n'est pas son vrai nom,
il est forçat libéré, et la victime est son secrétaire,
un ancien compagnon de ses méfaits dont il pa
raissait redouter le bavardage et les indiscrétions.
La commission de Constitution est unanime
pour le principe de la présidence unique. Mais la
France n'oserait plus aujourd'hui conférer la ma
gistrature suprême au complaisant collègue de M.
Ledru-Rollin.
Le projet d'un banquet populaire a 1 franc est
abandonné. Le club de la Montagne adresse aux
ateliers nationaux l'invitation de concourir un
banquet de 25 centimes par tète dans les fossés
des fortifications de Paris. Chacun devra être muni
de son couteau. On souscrit au bureau du Père
Duchêne.
Le Ministre des affaires étrangères a envoyé
a l'amiral Baudin l'ordre de réclamer auprès du
gouvernement napolitain contre le séjour prolongé
des troupes napolitaines dans les États romains.
L'option lui sera laissée de les envoyer en Lom-
bardie ou de les rappeler. On ajoute même que les
Français de la flotte opéreront un débarquement
h Ancône si les États romains ne sont pas affran
chis d'une occupation napolitaine.
Le pouvoir judiciaire demande h poursuivre
MM. Caussidière et Delescluze.
La place Louis XVI a Lyon doit, par arrêté
de l'autorité, prendre le nom de place Robespierre.
Par suite de cette décision, onze conseillers muni
cipaux de la Guillotière viennent de donner leur
démission.
Quelques instants après son arrivée a Bor
deaux, M. Émile Thomas a été rendu la liberté.
Comment expliquer la dépêche télégraphique
parvenue avant-hier aux autorités de la Gironde,
portant l'ordre d'arrêter M. Thomas, lequel M.
Thomas, parti de Paris sur les injonctions du
gouvernement, était au pouvoir de deux officiers
supérieurs de la police? Comment ensuite expli
quer le contr'ordre qui a rendu le prisonnier h
la liberté? C'est là un mystère que nous ne nous
chargeons pas d'expliquer. Les éléments nous
manquent aujourd'hui, peut-être ne nous man
queront-ils pas toujours.
Le comité des cultes a nommé une sous-
commission de quatre de ses membres pour s'oc
cuper du budget des cultes. Cette sous-commission
secomposede MM. Graverand,évêque deQuimper,
Isambert, Frédéric Arnaud et Kerdrel. On assure
qu'elle est unanime pour le maintien du traitement.
On écrit de Dublin Le jury a rendu vendredi
un verdict de culpabilité contre M. Mitchel.
L'accusé interrogé pour savoir s'il avait quelque
chose dire avant que la sentence fût prononcée,
s'est écrié Ouij'ai a dire que je suis déclaré
coupable par un jury partialpar un jury qui n'a
même pas été constitué suivant les lois de l'Angle
terre, par un jury nommé par un imposteur.
Le tribunal a ensuite prononcé sa sentence et
condamné l'accusé une déportation de i4 années.
Londres, 3o mai.
Hier soir la tranquillité a été troublée dans le
West end de la capitale, par un rassemblement de
quelques milliers d'individus, chartistes et Irlan
dais, qui ont parcouru les rues en criant: Vive
Mitchell, vive la charte, etc. Aussitôt la police et
toutes les troupes de la garnison ont été sur pied,
mais heureusement leur intervention n'a pas été
nécessaire, et minuit, la tranquillité a été entiè
rement rétablie et les habitants du quartier du
West end ont été quittes pour une alerte un peu
vive.
La Gazette universelle autrichiennedu 25,
annonce que l'ambassadeur français a Vienne a reçu
la déclaration officielle que le gouvernement de
la République est résolu garder la plus rigoureuse
neutralité envers l'Allemagne et l'Italie.
Suivant la Gazette universelle allemande,
la Russie aurait déclaré au cabinet prussien que,
si ses troupes n'évacuaient pas immédiatement le
Jutland, elle considérerait leur présence dans se
pays comme un cas de guerre.
Au dire des journaux allemands, la Russie
intrigue plus que jamais dans les pays polonais
et dans toutes les contrées slaves. Ainsi l'on prétend
qu'elle exerce Posen une influence incroyable;
d'un autre côté une lettre de Pesth pense qu'il
y règne une très-vive agitation, parce que le bruit
s'y est répandu que l'Autriche entière est mainte-