JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
i\o 3252.
Mercredi, 29 Novembre 1848.
32me annee.
Les personnes qui ont visité ce matin,
l'église de S'-Martin, se demandaient pour
quoi on avait placé dans le chœur, un ca
tafalque couvert d'un drap rouge armorié.
Nous leur dirons que c'est aujourd'hui 29
novembre l'anniversaire de meurtre com
mis en 1503, par les émeutiers, qui jettè-
rent les membres de la magistrature par
les fenêtres des halles voir l'ouvrage pu
blié par M' J.-J. Lambin archiviste, en 1831
et notre feuilleton du 29 novembre 1813,
N" 2,729.
Plusieurs vols viennent d'être commis
en ville avec effraction. On a forcé les vo
lets et le buffet l'estaminet de la Pomme
d'Or. Une somme de GO fr. a été enlevée.
Un autre vol de même genre bien que
moins important a été perpétré YEsta-
minel d'Anvers, et un troisième chez le Sr
Lecluyse, boutiquier rue au Beurre.
-OGhii im -■
M.Vanheule,étudianten droit Louvain
vient sur la proposition unanime du tri
bunal d'être nommé commis greffier en
remplacement de son père. Celte nomi
nation sera généralement applaudie. Elle
est un hommage légitimement rendu la
mémoire du père, en même temps qu'elle
honore le fils qui est trouvé digne, par une
incontestable capacité.
La petite vérole continue ses ravages.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, io, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
■•ItIX ui: L'%H<»\XEYIEXT, par triinentre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Uo n° i5.
Le Propagateur paraît le SVTIEIII et le nFHCItllIM
de chaque semaine. (Insertion* 19 centimes la ligne).
7??.20, 29 Novembre.
A Monsieur le Rédacteur du Propagateur,
Monsieur,
Dans nn entretien précédent, nous avons donné
une légère esquisse des qualités qui constituent le
maître; il nous reste traiter aujourd'hui, de l'in
struction, élément essentiel de l'éducation publi
que.
La bonne éducation ne consiste pas, h faire en
trevoir l'enfant du peuple, un avenir riant, en
le conduisant sur le terrain élévé des sciences et
des lettres où poussât-on jamais plus loin l'édu
cation qu'a Paris, a Vienne, a Berlin eh bien,
ne sommes-nous pas chaque jour, témoins des
insubordinations, des désordres, des séditions dont
ces capitales sont le théâtre? De même que la
raison humaine seule, ne peut donner h l'homme,
un amour du bien assez constant pourqu'il rem
plisse convenablement ses devoirs, de même, les
sciences en soi, ne sont pas capables de conduire
une société a la paix, an bonheur. Au contraire,
plus l'homme est instruit, mieux sait-il lire et
écrire, si la religion n'est pas son guide, plus se
persuadera-t-îl que son intérêt n'est point d'obéir
aux lois, de vivre indigent h coté du riche, prolé
taire a coté du noble, esclave a coté du bonvivant
toutes ces connaissances éveillent en lui, ces désirs
démésurés qui le tourmentent et le dégoûtent de
son état, et allument dans son cœur, cette soif ar
dente d'une ébulilion révolutionnaire, d'où il es
père retirer une part profitable au détriment de
son ami ou protecteur.
Dans un état, dit le grand Richelieu, où tous
les sujets seraient savants^on y verrait aussi peu
d'obéissance, que l'orgeuil et la présomption serait
ordinaire. Ceci n'est que trop vrai les événements
de nos jours le démontrent n'est-ce pas dans ces
écrits séditieux, dans ces feuilles subversives, que
les insurgés de l'Europe, grâce a leur instruction,
ont nourri leurs sentiments de haine, de jalousie,
de cupidité, de vengeance? ne sont-ce pas ces
romans corrupteurs qui ont aiguisé le fer des as
sassins, armé leurs bras de poignards, dans ces
prétendus centres de la Civilisation Européenne.?
Comme l'a si bien dit un écrivain moderne,
l'iûstrucU'on loin d'arrêter les progrès du mal, le
favorise. Que l'on consulte les relevés statistiques
des hôpitaux et des prisons de l'Europe; et l'on
verra que les infirmités, le meurtre, le suicide, et
tous les autres crimes dont les journaux tiennent
registreaugmentent avec les sciences et le progrès
des lumières.
Il faut éclairer le peuple, dit-on certes, nous
'e voulons, contrairement au cynique Voltaire qui
trouve bon que les enfants de manœuvre ne sa
chent que cultiver, parce qu'on n'a besoin que
d une plume pour deux ou trois cents bras. Avec
M. Laurentie, nous croyons que l'homme n'est
jamais trop instruit s'il est bien instruit mais
éclairer le peuple, c'est lui inculquer la science
régulatrice du cœur et de l'iutelligencela reli
gion qui de l'aveu de Jean-Jacquesest seule ca
pable de conduire l'homme a l'accomplissement
de tous ses devoirs: éclairer le peuple, c'est lui
donner la clef de ce trésor universella vertu qui
selon un philosophe de l'antiquité, est le fonde
ment de toutes les sciences, et l'unique source de
tout vrai honheur.
En effet, le pauvre laboureur, sachant lire et
écrire, instruit de son catéchisme, ne passe-t-il
pas, conduire le soc et la charrue, des jours
mille fois plus sereins que tous nos Cicerons de
ville? ne trouve-t-on pas dans la jeunesse cam
pagnarde, si indignement méconnue, parce qu'elle
est élevée au milieu du bêlement des troupeaux,
infiniment plus de raison, de bon sens et de vraie
lumière, que dans la tête dAristole et de Platon?
Il est vrai, l'idée du pouvoir, le désir des riches
ses, le tourbillon des plaisirs n'accompagnent pas
la naissance de l'homme des champs; ce savoir-
faire, ce luxe, celte fatuité ne s'étalent point de
vant son berceau; mais, il n'en possède que plus
de réflexion de prudence de courage de probité,
vertus qui manquent souvent nos jeunes citadins.
Exempt d'ambition, le modeste campagnard sent
son bonheur au comble, quand, 'a la sueur de son
front, il trouve de quoi nourrir et entretenir une
nombreuse famille, et le désir de se mettre au
niveau de son semblable, ne corrompt point sou
âme. Une humble et sage culture de son esprit a
suffi pour lui donner une haute idée de ses devoirs
qu'il aime remplir. Si donc, son éducation est
obscureelle n'en est que plus estimable, parce
que mieux que celle des villes, efle forme d'hon
nêtes fils, d'excellents époux, de braves pères,
des amis fidèles, des enfants dévoués h l'église et
la patrie.
Mais, dira-t-on peut-être, avec une vaste éru
dition, au moyen des belles lettres, l'enfant du
peuple, bien mieux que par le travail des mains,
peut pourvoir tous ses besoins du corps. Admet
tons ceci; mais l'homme est-il seul animal? N'a-
t-il pas nn esprit, qu'avant tout il faut diriger?
La religion ne refuse pas les connaissances scien
tifiques a l'ouvrier; tant de fondations, comme
celle de la Looye en notre ville, en font foi
mais comme une sage mère, elle sait les diriger
avec réserve, selon son état. Elle veut que le
maître s'attache a cultiver, d'une manière harmo
nique, les sentiments religieux de l'enfant, avec
son intelligence, eu prenant pour point d'appui
la morale divine, seule base d'une bonne éduca
tion, unique garant de la paix et du bien être des
peuples.
En donnant cet aperçu rapidej'émets les vœux
les plus ardeuts, pour que les dépositaires du pou
voir et les autorités directrices, mettent partout
la religion la tête de l'enseignement public, et
qu'ils veillent constamment ce que rien ne dimi
nue son action salutaire! Qu'ils forment de bonne
heure la jeunesse au travail et la crainte de Dieu
qui, selon Bossuet, est l'appui de la vie humaine.
On peut en être persuadé tant que les sociétés
ne se placeront sur une base aussi solide, le sol
tremblera sous leurs pieds, les individus seront
malheureux les nations agitées et malades.
Agréez, etc.
Un Yprois.
On assure que le conseil des ministres vient de
statuer sur le sort des condamnés dans l'affaire de
Riscjuons-Toutet que par un arrêté royal récent
la peine de mort a été commuée en une détention
dont la durée varie suivant la catégorie dans la
quelle chaque condamné a été placé. Ils subiront
leur peine dans la prison de Huy.
La Chambre a adopté samedi le budget des
dotations, sauf l'art. 4 relatif aux traitements des
membres de la cour des comptes lequel a été tenu
en suspens. Une proposition de M. Delfosse ten
dante réduire ces traitements a été renvoyée aux
sections.
Par cette décision, la Chambre a résolu affirma
tivement la quesiion de savoir si elle a le droit de
modifier dans les lois de budgets les traitements
fixés par des lois spéciales.
Cette grave détermination a été prise par 3y
voix contre 53.