JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3351.
33me année.
TPBiSS, 10 Novembre.
Aux temps de l'antiquité payenne le
travail était humiliant et l'industrie n'avait
rien que d'abject. Il était en effet réservé
au christianisme de faire sentir ce qui
constitue la véritablegrandeurde l'homme;
lorsqu'aux vives lueurs de cette religion
divine le genre humain comprit sa destinée
réelle ici-bas. Dès lors il embrassa le
travail avec joie, et l'industrie fille du
travail lui procura un bien-être jusqu'alors
inconnu. Ce fut elle qui établit les premiers
liens de fraternité entre des peuples dont
la guerre avait jusques là constitué les
seuls rapports; ce fut elle qui peupla au
moyen âge ces villes superbes où les na
tions du globe venaient échanger leurs
produits divers, et dont les Hottes puis
santes rendirent la sécurité aux mers
qu'infestaient les pirates. Si les républiques
Italiennes, si les communes flamandes
marchèrent jadis au même rang que les
empires les plus redoutables; si notre
belle cité offre encore aux regards du
voyageur des traces si nombreuses de sa
grandeur passée; personne n'ignore ce qui
les éleva ce haut point de gloire.
Depuis, quoique déchue de sa première
splendeur, la Flandre a gardé de respec
tueux souvenirs de son antique industrie
et une sollicitude aussi vive que bien
fondée pour son industrie nouvelle. Aussi
lorsque le gouvernement, ouvrit Gand
l'exposition industrielle des Flandres, cha
cun a pu se dire que notre industrie
n'avait pas dégénéré, que nos travailleurs
étaient bien les dignes fils de leurs.dévan-
ciers. Ypres, comme aux temps anciens,
s'est placée aux premiers rangs entre les
villes de Flandre.
Que nos fabricants dont les produits lui
ont mérité cet honneur, reçoivent ici nos
chaleureuses félicitations. Nous signalons
avec un sentiment de légitime fierté la
maison Duhayon-Brunfaut et Ci# et M.
Brunfaut-Bourgeois, qui dans l'exposition
des dentelles de Valenciennes ont obtenu
la première la médaille d'or et le second,
la médaille de vermeil; et M. Denis-De
Bisschop, qui pour les tissus en laine pure
a obtenu la médaille d'argent.
Mais, comme, l'a si bien senti M. le
ministre de.l'intérieur, il était juste que
l'ouvrier qui avait si bien secondé ces
succès eut part aussi au même triomphe.
La médaille de seconde classe a donc été
accordée aux ouvriers et aux ouvrières, qui
excellant dans leurs métiers, sont dans
leur vie privée l'abri du reproche. Ici
encore nous rencontrons les noms de
plusieurs Yprois: le tisserand Charles-
Louis Debruycker et les ouvrières dentel
lières Rosalie Calmein, Catherine Wil-
lems, Annette Nevelstyn, Adélaïde Leuri-
dan, Nathalie Vandamme, Regine Doperé
et surtout Justine Griffon, dont le rapport
du jury parle en ces termes Elle est
considérée par ses chefs comme la patroneuse
la plus intelligente et la maîtresse la plus
capable des deux Flandres; elle a contribué
depuis nombre (Tannées au succès des chan
gements qu'ils ont introduits dans la dentelle.
Puissent ces témoignages bien mérités
de respect et d'estime, inspirer une utile
émulation toutes les classes laborieuses!
CHAT ÉCHAUDÉ CRAINT L'EAU FROIDE.
L'expérience pour les animaux n'est
point un vain mot le chien, le chat, du
moment que telle ou telle chose leur a été
nuisible en craignent la seule vue et la
simple apparence. En est-il de même de
l'homme, cet animal raisonnable, qui dans
toutes ses actions devrait agir selon les
conseils de la prudence et de sa sagesse
intérieure? Voyons plutôt la marche de la
société et les funestes tendances des peu
ples et qu'on dise, après cet examen, si la
société, si l'homme individuel en faisant
de l'expérience en acquièrent en même
temps.
Sans nous occuper de l'état des esprits
chez un pays voisin qui, peine retiré de
cette mare de sang où la plus effroyable
révolution que l'histoire consigne dans ses
pages l'avait plongé, se livre de nouveau
aux étreintes des passions ennemies de
toute autorité, de toute liberté et de tout
principe religieux, pour se retrouver peut-
être un jour, fasse le ciel qu'il n'en soit
ainsi en pleineépoque de 1793 d'effroyable
mémoire; portons nos vues sur le spectacle
qu'offre notre patrie et là nous verrons
aussi un tableau qui, sans-être aussi rem
bruni et sombre qu'en France, n'en est pas
moins alarmant et digne de l'attention pu*'
blique.
Depuis l'époque jamais funeste où la
Belgique si fière, si forte, si imposante par
l'union étroite de ses enfants dans un mê
me but, dans une même pensée, celui de
sauvegarder sa jeune nationalité basée sur
la,religion-et la liberté; depuis ce jour fa
tal où quatre millions de fils' d'une même
patrie ne vivant que d'un seul cœur se
virent classés en deux opinions distinctes
par une coterie qui, sous le masque d'un
vrai libéralisme, porte aujourd'hui de si ru
des atteintes la liberté de l'enseignement
et compromet si fortement les libertés
religieuses en matière de charité privée,
cette fille céleste, cette ange consolatrice
dont la main généreuse seule sauva les
Flandres de leur ruine complète; quels
sont constamment les sujets qui se dé
roulent sur la scène? Le vaisseau de l'État
en proie de fréquentes tempêtes!.. Les
rameurs dont la main expérimentée et
sage tend prêter ses forces, ignoblements
immolés au stylet des passions imprù*
dentes, grâce un pouvoir né leur esclave,
devenues sans frein ni retenue.
Ici c'est le citoyen désintéressé qui, com
battant l'ambition envahissante, que l'on
se permet de siffler; là c'est le prêtre usant
d'une légitime influence en travaillant
exterminer les herbes parasites dans notre
sol bien cultivé que l'on considère en proie
aux invectives clubistes. Ailleurs c'est une
presse dégradée, qui traine dans la fange
le commerce, l'industrie et toute personne
dont le libéralisme exagéré parait suspect.
On sait la part.active que prirent les jour
naux de certaine couleur dans la guerre
déclarée contre le champion courageux
dfe la bienfaisance flamande. On se rap
pelle quels excès se sont livrés les affidés
de la coterie maçônnique-Iibérâtre pour
avilir un nom qui toujours sera cher aux
Belges, et en particulier aux habitants du
district d'Ypres, puisqu'il est celui qui
nous a élevé en réputation religieuse et
parlementaire audessus des autres pro
vinces du royaume. Eh bien! de centaines
de voix ne firent-elles pas chorus aux dé
clamations creuses dont l'ignorance pour
suivit le mérite, et la cupidité et l'égoïsme
intolérant, le désintéressement et le pa
triotisme? Nous savons qu'on nous objec
tera que depuis l'avènement du ministère
sauveur une grande partie des masses se
trouvent guéries de la maladie cléricale;
nous avouons que les phalanges du parti
sensé et raisonnable augmentent journel
lement en nombre; il est pour nous un
fait avéré que depuis les grands tours
joués par nos fameux nihilistes politiques,
dès l'ouverture de leur boîte de Pandore,
le peuple s'aperçoit qu'entre promettre et
faire il y a une immense étendue, et se
dispose user avec plus de prudence dans
l'accomplissement de ses devoirs civiques.
Mais en dehors de ces vérités il n'est pas
moins constant que la coterie séductrice-
libérâtre-, sort par contrainte, soit par
aveuglement du public, trouve maints ad-
VERITE ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, to, près la Grande
Placeet chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DR E'AROAKEMEiVT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 -5o. Un n» aï.
Ee Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)