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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3382.
33n><- année.
7PP.SS, 27 Février.
Le Progrès ne puise jamais qu'à deux
sources les griefs qu'il articule contre le
parti catholique. Diffamer les institutions;
formuler tort et travers d'absurdes
condamnations qui retombent aussi bien
sur le libéralisme que sur ses adversaires.
Ainsi les Représentants des deux nuances,
amis de la protection agricole, qu'il pour
suivit de clameurs incessantes, reçurent
également la qualification de catholiques
et participèrent sous ce nom ses diatribes
ridicules. Ainsi encore, dans son dernier
N', il suspecte les feuilles catholiques, pro-
tectionistes, de n'avoir voulu qu'amener
un conflit entre les deux Chambres, lors
de la discussion devant le Sénat sur les
denrées alimentaires. Quant nous, nous
avons toujours cru du devoir de tout or-
ganesérieux de l'opinion publique, de faire
prévaloir les idées qu'il juge essentielles au
bien du pays. Il n'y avait pas lieu ici de re
courir des interprétations gratuitement
méchantes.
Mais les allégations du Progrès ne sont
pas seulement injustes et mensongères;
elles portent le cachet d'une grossière
étourderie. Parmi les hommes respecta
bles, qu'il honore de sa malveillance, au
premier rang il compte de longue date M.
le sénateur De Neckere. Homme loyal, in
dépendant de caractère, jamais il ne sut
transiger avec ses convictions et, ce qui
pour les patrons du Progrès est un re
proche cruel, jamais il ne renia son dra
peau. La feuille pseudo-libérale n'ignore
pas que ses sympathies ne .seront jamais
acquises aux hommes qui confisquèrent la
liberté de la bienfaisance privée et les
droits de l'enseignement libre; aux hom
mes qui viennent de léser dans leur bien-
être 3 millions de campagnards, et se
proposent d'attenter aux franchises com
munales et provinciales dans la question
de l'enseignement moyen, comme ils l'ont
déjà fait Grammont dans la nomination
d'un membre des Hospices. Fidèle encore
aux intérêts de ses commettants, M. De
Neckere vient de voter au Sénat contre la
loi sur les denrées alimentaires.
Qua ce sujet, le moniteur voltairien
d'Ypres déverse sa noire bile sur l'hono
rable sénateur de Roulers; rien de plus
simple et de plus conséquent de la part du
Progrès. Mais ce qui est plus grave; l'objet
de ses rancunes est surtout l'arrondisse
ment que représente M. De Neckere. Celui-
ci, dit-il, n est que le mandataire fidèle de ses
commettantsIl a été élu Roulers, bourg
pourri du parti catholique-politique. Quand
on tient son mandat d'un collège électoral
aussi rétrograde, il est défendu d'approuver
une amélioration quelconque, ni rien qui res
semble une innovation, sous peine de se
trouver en désaccord avec les électeurs et
surtout avec les meneurs du troupeau.
Ainsi, sans se voir exposées aux plates
insultes d'un folliculaire fanatique, les po
pulations ne pourront plus envoyer aux
Chambres de mandataires de leur choix?
Voilà pourtant ce respect, ce zèle envers la
liberté dont se targuent nos soi-disant li
béraux. Aux sentiments hostiles dont ils se
montrentaniméscontrelapremièred'entre
elles, la liberté des suffrages, il est facile
d'augurer ce qu'elle deviendraitentre leurs
mains le jour où la Belgique abusée ajou
tait foi leurs fallacieuses paroles.
Que les électeurs d'Ypres en particulier
comprennent tout ce que le langage du
Progrès contient de fiel et d'arrogance.
Comme le sénateur de Roulers, MAI. Van
Renynghe et Vanden Peereboom n'ont pas
voulu delà loi sur les céréales, telle qu'elle
est adoptée. Le Progrès qui range les pro
tectionnistes dans le parti catholique, ne
peut manquer d'étendre ses analhèmes et
ses injures l'arrondissement qui envoya
la Chambre ces deux représentants. A
chacun d'eux il est permis d'appliquer les
paroles agressives que nous citons plus
haut.
C'est avec un sentiment de satisfaction
bien légitime et de fierté patriotique que
nous nous plaisons signaler les pétitions
qui se signent de toute part en faveur de
la langue flamande. Confiants dans la jus
tice de leur cause les signataires deman
dent: que, dans les provinces flamandes,
l'étude de celle langue soit rendue obliga
toire dans les collèges, qu'on s'en serve
dans les conseils communaux et provin
ciaux, et devant les tribunaux si les par-
lies le désirent; qu'une chaire de litté
rature flamande soit érigée l'université
de Gand; etc.
11 faut bien le reconnaître, trop long
temps nous endurâmes la dédaigneuse
influence de nos voisins du midi. Les re
lations nombreuses que la position géogra
phique de notre pays n'a pu manquer
d'établir avec eux; la réaction anti-hol
landaise, suite des événements de 1850,
semblaient nous avoir fait totalement ou
blier tous les maux que les hostilités per-
ALDOVRANDUS HI A G NU S.
m.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'AHDANEMETT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 19 centimes la ligne).
SON HISTOIRE.
(iSuite.)
Charmées de sa conversion, les sœurs l'en
tourèrent de plus de soins encore, et pour leur
témoigner sa reconnaissance, Jans résolut de re
venir a son ancien métier de peintre et de faire
pour la chapelle des pieuses filles uri tableau qu'elles
se trouvaient trop pauvres pour payer un peintre
de renom. Il leur fit part de son projet, et quoi
qu'elles ne comptassent pas trop sur le tableau du
soudard, elles ne lui procurèrent pas moins ce qu'il
demandait des couleurs, des pinceaux, de l'eau
d'œuf, un panneau et ses deux volets. Jans se ré
fugia dans un recoin abandonné de l'hospice et se
mil a l'œuvre, tâchant de se rappeler de son mieux
les enseignements de maîtreRogers. Quelques mois
s'écoulèrent au bout desquels arriva la solennité de
Pâques. Jans venait de terminer la peinture du
panneau et de ses volets; mais fatigué, découragé
il eût volontiers jeté au feu son ouvrage s'il n'eût
craint qu'on ne lui reprochât d'avoir perdu et con
sumé trois belles planches de chêne d'un bois sec
et qui pouvait être employé divers bons usages.
11 sortit donc malade du lieu qu'il avait choisi pour
son laboratoire et vint se mettre au lit dans un état
de malaise et de fièvre qui tenait du désespoir la
conscience de son manque de talent et de son in
capacité, dans un travail qu'il avait vaniteusement
et follement entrepris, l'accablaient d'humiliations
et de chagrins.
Or le célèbre Jean Van Eyck, inventeur de la
peinture l'huile, se trouvant Bruges, où il était
veuu apporter un tableau qui lui avait commandé
le comte de Flandres, vint le jeudi saint, selon
l'usage des personnes de haut rang, faire des œu
vres pies l'hôpital, servir les malades au réfec
toire et leur laver les pieds. Par hassard, il passa
près de la chambre que Jean avait choisie pour en
faire son atelier, et voyant terre des pinceaux et
des couleurs, par un instinct de peintre, il poussa
la porte et vit le panneau.
La pièce du milieu représentait l'adoration
des rois; sur l'un des volets on voyait la présen
tation de Jésus au temple; sur l'autre, l'eu fan t-
Dieu couché dans l'élable sur un pan du manteau
de la Vierge. Jans avait peint son propre portrait
dans la pièce du milieu; il s'était représenté en 1
costume d'hôpital et la tête couverte d'un bonnet,
sous les traits d'un homme qui regarde par la
fenêtre.
Jean Van Eyck resta surpris et muet devant le
panneau.
Qu'est-ce qui a peint cela, demanda-t-il
Ah répliqua une sœur en haussant les épau
les, c'est un pauvre malade que l'on craint de ne
pouvoir guérir et qui passe son temps barbouiller
des planches. Du reste c'est par un bon motif il
nous sait trop pauvres pour acheter un tableau pour
notre maître autel, il a voulu nous en peindre un, ce
a quoi il n'a guère sans doute réussi, le pauvre hère.
Où est cet homme? interrompit Van Eyck.
L'a-bas au fond de cette salle! Vous le
verrez couché avec la fièvre, tant il a de regret de
n'avoir pas mieux réussi, je crois.
Van Eyck vint Jans et se déchaperonna
devant lui.
Frère, lui dit-il, que la sainte Vierge et
saint Luc, notre illustre patron, soient bénis, car
vous êtes un grand peintre.
Jans le regarda, frappé de stupeur, comme hé
bété et craignant de faire un rêve.
Oui, reprit le généreux Van Eyck, oui, la
fortune et la gloire vous attendent. Levez-vous
donc. Sortez, comme Lazare, du sépulcre de la
pauvreté pour ressusciter 'a la fortune et au bon
heur. Vous avez besoin d'argent, en voici vous
me le rendrez sur le prix du premier tableau que
vous ferez, car Adoration des mages appartient
l'hôpital Saint-Jean, auquel vous l'avez donné.
Que vous dirai-je? Jans se leva Jans suivit