SUPPLEMENT AU A MM. LES MEMBRES DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS. DU 3 AVRIL 1850. N° 3,392. Messieurs Dans quelques jours sera soumis h votre déli bération définitive un projet de loi qui touche plus que tout autre aux intérêts les plus vitaux du pays, aux droits du père de famille, h l'avenir de la Pa trie, h son honneur, h sa dignité, h ses ressources financières, aux prérogatives communales, une liberté consacrée par la Constitution, h l'intérêt sacré de la Religion. Une alarme générale se répand dans le royaume, dans la crainte que vous n'accordiez vos suffrages h un système qui aux yeux des soussignés et d'un grand nombre de leurs concitoyens, léserait des droits certains, créerait une source féconde de dé penses toujours croissantes, amènerait la ruiue de tous les établissemeuts d'instruction privée, et por terait aux familles, sous le rapport religieux, le plus déplorable préjudice. La Constitution autorise sans l'ordonner une instruction publique donnée aux frais de l'État: cette instruction, quand elle existe, doit être réglée par une loi. La Constitution décrète absolument la liberté dans l'enseignement, elle veut qu'elle soit res pectée l'enseignement aux frais de l'État n'en est que le complément ou l'appendice. C'est qu'avant tout la Constitution a élevé l'en seignement au rang d'une liberté publique et fon damentale. Cette liberté doit être une vérité. 11 n'est pas plus permis de la rendre illusoire par un réseau d'entraves, que de l'abolir par un décret de suppression directe. La législature d'un peuple franc et sérieux ne voudra point réduire h une lettre morte les principes pour lesquels il a com battu. Dix athénées, cinquante établissements d'instruc tion moyenne, trois sortes d'autres institutions sous le patronage et la dépendance du gouvernement, pèseraient évidemment d'une manière tellement forte sur toute la surface du pays, qu'ils absorbe raient toute la jeunesse studieuse, qu'ils écrase raient tous les établissements libres, qu'ils ren draient toute concurrence impossible, qu'ils en lèveraient au père de famille toute liberté de choix, qu'ils asserviraient les générations h un esprit de commande, aune direction ministérielle,b des idées imposées, qui sont précisément l'opposé de la li berté. Les efforts privés peuvent devenir insuffisants, la concurrence peut être nonchalente, l'enseigne ment libre peut être irrégulier dans sa marche. Voilà pourquoi la Constitution a sagement agi en autorisant un enseignement aux frais de l'État. Les institutions privées peuvent tomber ou laisser des lacunes: voiib pourquoi il est h désirer qu'une loi rende l'enseignement aux frais de l'État per manent et stable. Mais il ne faut pas que le correctif ou le modèle destiné h donner au régime du libre enseignement dans son ensemble le fini et le lustre du perfectionnement le plus avancé, batte au con traire le principe en brèche, et le fasse disparaître en s'étendant indéfiniment sur ses ruines. Le Congrès qui succédait h des pouvoirs de plus en plus envahisseurs, avec des intentions diamé tralement opposées, a refoulé et abattu les empié tements de toute nature qui avaient étouffé toute espèce de liberté, mais il n'en a pas commis ni préparé lui-même. Ainsi il n'a pas entendu pré coniser la confiscation du droit imprescriptible des pères de famille sur l'éducation de leurs enfants au profit d'une centralisation quelconque des idées, centralisation dont l'État serait supposé le foyer exclusif. Le Congrès qui proclamait la liberté des opinions en toute matière a coté de la liberté de l'enseignement, n'a pas pu être dominé par une telle prétention. Telle serait pourtant le résultat d'une loi qui ne donnerait aux pères que le choix de laisser leurs enfants sans instruction, ou de les envoyer aux écoles gouvernementales, dont les doctrines tant par le servilisme de leur organisa- sation, que par l'absence de garanties morales et religieuses ne répondront point a la sollicitude de la plupart des familles. Des impôts odieux tels que la mouture et l'a battage étaient tombés récemment sous la désap probation universelle, lorsque la Constitution fut publiée. Un de ses principaux soins dut être de ménager par une sage économie les dépenses pu bliques. D'où il suit qu'eu affranchissant l'enseigne ment de toute sujétion, tout en y adjoignant une mesure de progrès et de stabilité, elle devait né cessairement, pour répondre au vœu de la nation, n'admettre l'enseignement aux dépens de l'État que dans les bornes les plus étroites, selon les besoins. Le projet fait l'inverse: il donne l'extension la plus forte qu'il peut l'instruction charge du trésor. Les traitements seront innombrables. Plus tard, le sort des membres du corps enseignant en parti- ticulier, d'abord modeste, devra être amélioré, comme il en a été pour les magistrats et pour d'autres foctionnaires. Aux traitements se join dront les pensions; des locaux devront être bâtis, reconstruits, restaurés, entretenus, des terrains achetés pour construire. On sollicitera des bi bliothèques, des cabinets de physique, des subsides pour concours et distribution des prix. L'inspec torat et les voyages occasionneront des frais considé rables, les complications administratives exigeront de nouveaux employés au ministère et près des gouvernements provinciaux. Ces nécessités créées a plaisir retomberont sur les contribuables déjà surchargés d'impôts. Une fois le monopole, nous ne pouvons autre ment qualifier le projet, établi ^u prix des plus grands sacrifices, rien n'empêchera de porter, toute concurrence étant brutalement et injuste ment ané3ntie, le prix des minervales, des livres et l'entretien dans les institutions gouvernemen tales a un taux quelconque, même exorbitant, de sorte que le père de famille bourgeois sera sacrifié et vexé dans tous les sens, soit par l'élévation de ses impôts, soit par la hauteur des frais d'éducation de ses enfants, soit par la tyrannie du régime im posé et seul accessible. Nous disons seul accessible, parce que les éta blissements libres b portée manqueront presque partout, de sorte que les familles qui maintenant procurent b leurs fils l'éducation sous leurs yeux, dans leurs propres villesdevront la chercher ailleurs avec des frais décuples. Par là beaucoup de jeunes gens, qui a présent reçoivent l'instruction, ne la recevront pas: d'un coté parce que tous les pères ne sont pas prêts b faire le sacrifice de leurs convictions, ensuite parce que la plupart n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants hors du pays, ou seulement hors de leur ville. En somme, l'instruction sera beaucoup moins répandue qu'a présentet l'ignorance croîtra en raison des abstensions par conviction par insuffisance de moyens ou de facilités, et par indifférence. C'est •un des effets que produisirent les arrêtés despo tiques du gouvernement hollandais. A coté des griefs des particuliers ou des familles contre le projet de loi, doit figurer celui des com munes qui seraient dépouillées de leurs légitimes droits sur l'enseignement public. Les discussions qu'occasionna la loi communale a suffisamment prouvé b quel point le pouvoir des communes tient essentiellement aux bases de nos institutions, et que l'impopularité attendrait les atteintes pro fondes qui y seraient sourdement portées, quand l'expérience et le fonctionnement du système les aurait plus clairement fait ressentir. Mais un intérêt plus respectable que tout autre est, nous le disons avec douleur, gravement blessé dans le projet de loi par l'indifférence qu'il affiche en ce qui concerne l'éducation religieuse. C'est mal interpréter la Constitution de ne voir dans la liberté de religion qu'elle consacre que la liberté de n'en avoir pas. Il y a bien aussi et avec plus d'honneur dans cet article la liberté de professer la Religion librement, activement et sans entraves ouvertes ou dissimulées. Aucune famille ne pro fesse la religion catholique sans vouloir que ses enfants soient élevés daus la connaissance et la pratique de ses préceptesce qui entraîne for cément la participation du prêtre. Par une appré hension non justifiée d'inconvénients, de difficultés imaginaires, le projet ravale l'influence religieuse jusqu'à devenir secondaire, accessoire, jusqu'à ré léguer l'enseignement religieux a la fin des ma tières facultatives dont on peut se passer dans une maison d'éducation'. C'est ici que les soussignés vous supplient surtout de toute l'énergie de leur âme, de vous montrer, Messieurs, b la hauteur de votre mission. En restant dans un calme majes tueux au milieu des orages révolutionnaires, alors que les calamités la tourmentaient a l'intérieur et que les provocations même sanglantes de l'exté rieur ne mauquaieiit pas, la Belgique a prouvé quels fonds, quant b la fidélité envers son Roi et ses institutions, on peut faire sur une nation religieuse, morale, connue comme telle par toute l'Europe b cause des hauts faits de ses ancêtres et des épreuves qu'elle a subies. Ne lui eu faites pas subir une nouvelle en déchirant d'une main sacrilège l'u nion intime qui doit exister entre la religion et la science pour parfaire une éducation digne d'un peu ple catholique, intelligent et libre. Aucuue épreuve ne serait plus cruelle, parce que les autres venaient de l'étranger, et que celle-ci serait suscitée par ses propres enfants. Laissez ces expériences funestes, dont la patrie est sortie victorieuse, mais non sans en porter des plaies meurtrières, aux pouvoirs tyranniques que couvre le dédain de la postérité. Des libertés les plus étendues qui existent, et qui nous ont valu les félicitations et les louanges des autres peuples, ne permettez pas qu'il sorte, par un immense démenti, un régime d'arbitrajre impie, ruineux tracassierheurtant les droits et les con victions, capable de n'aboutir qu'à l'ignorance pour dernier corollaire. En présence de ces considérations, et des défec tuosités radicales dont le projet de loi sur l'in struction publique est entaché, défectuosités qui en exigent un remaniement complet, vous êtes respectusemenl priés, Messieurs, de lui refuser vos suffrages. Ypres. Imprimerie, Librairie et Lithographie de DÉSIRÉ LAMBIN-MORTIER, Éditeur du Propagateurtue de Lille, io.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1850 | | pagina 5