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JOURNAL
J'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
J\o 3401.
33m® année
REVUE POLITIQUE.
CATHOLIQUES ET LIBÉRAUX.
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VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'aboune Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Ptoyaume.
PRIX DE LMROXXEMEVT, par trl»ie*tre,
Ypres fr 3. Les autres locàlilés fr 3 5o. Uu n° a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne).
7PP.3S, 4 Mai.
Le journal ministériel de Madrid confirme, sous
la date du 25 avrilla nouvelle que nous avons
déjà donnée, du rétablissement des relations di
plomatiques avec le gouvernement de S. M. Bri
tannique.
Une dépêche télégraphique d'Erfurt en date du
29 avril, annonce la clôture du Parlement.
Les nouvelles de Berlin annoncent qu'un congrès
de princes de VUnion y sera ouvert le 8 niai la
Prusse veut s'opposer au congrès dont l'Autriche
a provoqué la réunion 'a Francfort. Ces deux as
semblées ne ferool que mieux dessiner la position
des partis.
L'Empereur de Russie est attendu Varsovie
pour le 7 mai. La présence du monarque moscovite
dans la capitale de la Pologne servira de texte a
bien des nouvelles plus ou moins hasardées.
La bourse du 5o avril a été désastreuse comme
on devait s'y attendre. L'élection de M. Eugène
Sue a produit sur les fonds publics l'effet d'un
coup de foudre.
Mardi, sur la demande du général Oudinot, l'As
semblée nationale a maintenu au budget les crédits
nécessaires a trois escadrons de guides.
La discussion s'est engagée ensuite sur une ré
daction de la commission adoptée par le Ministre
delà guerre et qui doit avoir pour résultat la sup
pression de deux escadrons du train des parcs. M.
Aymé a combattu cette proposition et le général
Lamoricière lui est venu eu aide.
Le parti conservateur paraît enlin avoir compris
la situation que le triomphe du candidat socialiste
vient de faire la France, du moins ses organes
dans la presse parisienne, reconnaissent-ils fran
chement aujourd'hui la défaite que l'opinion mo
dérée vient de subir.
Tous les journaux conservateurs distinctement
ont renoncé a la misérable tactique, adoptée un
instant par eux, et qui consistait déprécier la
valeur de l'élection de M. Eugène Sue, en l'attri
buant aux imprudences du pouvoir ou d'autres
causes.
Le bruit d'une modification ministérielle prend
de la consistance a Paris. Des noms sont mis en
avant dans le public, niais nous croyons qu'il est
bon de ne pas les accueillir la légère; d'ailleurs
ils sont si nombreux qu'il y a évidemment erreur
de part ou d'autre.
On allait jusqu'à annoncer la formation d'un
ministère de la gauche, composé des hommes les
plus avancés de la Montagne; nous n'avons pas
besoin de faire ressortir l'absurdité de ces conjec
tures qui n'ont d'autres fondements que des désirs
impatients de se réaliser. On disait anssi que M.
Dufaure, actuellement h Lyon, venait d'être appelé
h Paris oùle Président de la République réclamerait
son concours pour la formation d'un nouveau
cabinet.
Enfin, il paraît qu'il serait aussi question de
l'entrée au ministère de M. Victor Foucher, pro
cureur de la République.
S'il faut en croire certains bruits, il ferait partie
d'un cabinet exclusivement présidentiel.
On n'est pas encore reinis*à Paris de l'érnotion
causée par l'élection du 28 avril. L'agitation des
esprits est toujours a son comble; dans les rangs
des conservateurs aussi bien que dans les concilia
bules socialistes, on se familiarise avec l'idée d'un
mouvement d'insurrection. Une ctise paraît inévi
table et tout le monde s'y prépare.
Pendant les 48 heures qui ont suivi l'élection,
dit une correspondance parisienne, de nombreuses
intrigues se sont engagées au sujet de la crise mi
nistérielle. Il h été réellement question un moment
d'un iniuistère de la gauche. Des offres ont été
faites, des réunions se sont tenues chez M. Bixio,
l'un des représentants destinés entrer dans celte
combinaison. D'un autre côté on avait pensé up
ministère de droite ou quasi-droite, pris exclusi
vement parmi les membres bonapartistes et les
ardents et intimes de l'Elysée, ceux qui veulent,
comme M. de Persigny, faire de l'ordre sans les
anciens partis, et même eu se pôsaut hostilement
vis-a-vis de certains de ces partis.
On avait déjà prononcé plusieurs noms de cette
couleur et même un peu plus avancés vers la
gauche.
L'Assemblée législative a eu le 2 mai une séance
assez orageuse. Les montagnards ont saisi le pré
texte d'une demande de crédit destiné l'armée
d'Italie pour maudire solennelletneut le gouver
nement français de la part qu'il a prise dans le
rétablissement du pouvoir temporel du S'-Siége.
M. Gustave de Beaumont cl *p;ès lui le général
Oudinot ont réfuté éuergiquement les allégations
mensongères l'aide desquelles les citoyens de la
Mon.tague s'efforcent de décréditer le gouverne
ment de Pie IX.
Il est des hommes altérés d'ambition, saturés de
haine et d'orgueil, qui du haut de leurs dédains
superbes toisant leurs adversaires, n'ont su leur
jeter la face que l'épilbète de catholiquesou
pour variante injurieuse, celle de cléricaux, c'est-
à-dire, partisans du clergé. Car ils ont compris, ces
hommes, l'immense corrélation qui lie le prêtre
au culte; ils ont compris la force que puisent les
idées dans une institution qui les représente.
Nous subîmes, mais nous n'acceptâmes jamais
le titre honorable dont il leur plût de nous grati
fier: il nous répugnait trop profondément d'en
exclure, pour ainsi dire, les dupes souvent hon
nêtes, qu'ils traînaient la remorque.
Le nom de libéraux, dont ils s'affublent, est de
leur choix nom sonore et préieotieuxqui com
porte une idée de générosité et d'iudépendance.
Mais qu'est-ce qu'un nom? Peut-être les souve
nirs du passé et les leçons du présent uous en di
ront-ils davantage? Car ce n'est pas d'aujourd'hui
que nous nous trouvons en présence: dès les pre
miers âges du christianisme, uue lutte s'engagea
terrible entre le principe religieux et ce Protée,
aux mille figures, qui sans cesse se perd dans les
téuèdres du néant, pour renaître sous une face
nouvelle. Oui, nous acceptons avec une légitime
fierté le titre de catholiques, voire même de cléri
caux, qu'ils nous imposent; nous l'acceptons avec
tous les souvenirs qui s'y rattachent. Ces souvenirs,
ce passé qui ne les sait
Avant que la semence salutaire du catholicisme
eut fait germer l'arbre superbe de la civilisation
moderne, la terre n'offrait de toute part que le
spectacle d'une immense désolation. L'esclavage
le plus abrutissant consacré par les lois; la femme
avilie, immolée aux caprices barbares de l'homme;
la débauche et l'oppression régnant sans frein aux
palais des empereurs; le crime divinisé, offert
aux adorations d'une foule abrutie; en un mot, le
vice au fond des âmes; le vice au foyer domestique;
le vice sur le trône; le vice sur les autels On sait
pssez ce qu'étaient ces vertus, taDt admirées au
temps du paganisme; vertus pleines d'ostentation
et d'éclat, et que pour la plupart l'homme le plus
ordinaire rougirait de ne pas pratiquer, même dans
ce siècle de dépravation. Ainsi était-ce du monde,
quand sur ce sol aride et sablonneux la doctrine
catholique se répandit en semence féconde, en rosée
vivifiante. Alors telles qu'une floraison prinlanière,
les vertus douces, les vertus héroïques s'épanoui
rent de toute part dans ces masses inertes, qui se
nommaient encore des nations.
Etonuante métamorphose! Le monde antique se
relève de sa fange, et l'esprit domine enfin la ma
tière. Désormais les intelligences ont pris un essor
incoDnu. Les barbares du Nord envahissent
flots pressés l'empire d'Occident. Sur la trace de
leur passage tout s'écroule, trône, lois, antique
civilisation, culture intellectuelle. Mais le catholi
cisme est debout il fait entendre sa voix ces âmes
d'airain, et le règne de la justice a bientôt refleuri
sur la terre, et de ces hordes féroces se forme la
chevalerie du moyen âge, ce rêve euchanteur du
poète. Il fait entendre sa voix, et de toute part se
répand la vie cénobitique, qui ressuscite l'agricul
ture sur un sol désert et dévasté et qui conserve
précieusement le dépôt des lettres et des sciences.
Il fait entendre sa voix, et chez des peuples accou
tumés l'esclavage, soumis au despotisme féodal
surgissent les franchises communales, et les grandes
idées de liberté et d'égalité étendent leurs pro-
foudes racines. 11 appartenait d'autres de per
vertir les uolions de la plus bante justice! Il fait
entendre sa voix, et parmi ces hommes aux mœurs
implacables et grossières, la charité étend le réseau
de ses bienfaits et de ses prodiges. A d'autres, que
l'on sait, il était réservé de nos jours de la tarir dans
sa source. Mais l'action salutaire de l'église ca
tholique ne se borna nullement ces temps anté
rieurs; plus tard, lorsque le protestantisme éut
brisé l'élan de la civilisation et relâché les liens so
ciaux, elle poursuivit infatiguablement sou œuvre
de salut et sut opposer une digue puissante aux
débordements des intelligences.
Ainsi elle traversa les âges, répandant sur ses
pas lumières, prospérité, indépendance, vertus!
Cependant le long du chemin, tantôt l'aveugle
despotisme lançait un trait sans portée la fille
du ciel; tantôt le schisme et l'hérésie hurlaient en
blasphémant le langage de l'enfer. Le règne de
la force brutale et les violences de l'hérésie fana
tique sont tombés dans l'opprobe. Une race de
sophistes a recueilli leur héritage avili. La doc
trine du libre examen proclamée par les protes
tants, est la base de leur système, base mouvante
au gré des passions du cœur humain. Ces hommes
ne sont pas nés d'hier; toujours il s'en rencontra
de loin en loin; mais le dix-huitième siècle vit se
multiplier et s'étendre leur essaim dévastateur.
Au milieu des débordements d'un siècle perdu de
mœurs et voué au plus abject matérialisme, une
lotte antireligieuse s'organisa sourde mais acharnée.
Une voix s'élevait sans cesse, spirituelle, moqueuse