HYPOCRISIE LIBÉRALE.
On nous écrit de Messines en date du
27 mai
Voici le résultat de l'élection qui vient
d'avoir lieu aujourd'hui pour le conseil
provincial
On tété élus conseillers au premier tour
de scrutin MM. Jacques Carpentier, avocat
Ypres, et Désiré lîicquier, receveur com
munal Warnèton.
Des deux membres sortants un seul
se présentait aux suffrages des électeurs.
Il a appris ses dépens qu'il n'est pas tou
jours prudent de hurler avec les loups.
Puisse-t-il profiter de la leçon que la ma
jorité des électeurs vient de lui donner!
sinon, viennent les élections communales,
et les Messinois feront comprendre qui
de droit que s'ils n'ont pas la prétention
d'être gouvernés précisément par des ai
gles, ils ne veulent plus être la risée de
leurs voisins en se laissant bêtement me
ner par un loup et encore par un loup de
la pire espèce.
se trompe. Car le corps électoral qui avait été dupe
d'une méchante rouerie du parti du Progrès, a
voulu, en élisant M. Malou père au Sénat, saisir
la première occasion de protester d'une manière
solennelle contre les indignes manigances qui
avaient précédemment faussé ses intentions. Si
la circonstance que M. le sénateur Malou étant
père de l'évêque nouvellement intronisé n'a pu
lui nuire, c'est néanmoins au mérite personnel et
a la volonté prononcée d'une première réparation
que cette élection est notoirement due. Ce qui a
été commencé alors, sera actuellement consommé.
11 était impossible qu'il en fût autrement. MV1. les
Électeurs, après avoir promis de venger une injus
tice odieuse, après avoir scellé leur engagement
par un signal que chacun a compris et auquel le
pays entier a applaudi, ne vont point se dédire
pour complaire aux patrons rancuneux du Pro
grès, encore indécis par quelles nullités nouvelles
ils tâcheraient de remplacer leurs nullités usées.
Présenter des hommes sans principes, gaspiller
les deniers publics, s'enrichir aux dépens des con
tribuables, faire régner le népotisme, le cumul, la
bureaucratie et tous les autres vices d'une adminis
tration oppressive, chicaner contre la religion ca
tholique et ses ministres, pervertir l'instruction
publique et ne pas épargner des promesses qu'on
n'exécute pas, telles sont règles de conduite que
le libéralisme du jour a suivies, parmi nous comme
partout. Des actes trop récents et trop graves out
manifesté ces tendances pour qu'on s'y méprenne
encore.
A Ypres, une clique oligarchique et hautaine
n'a-t-elle pas accaparé a son bénéfice tous les
pouvoirs et tous les honneurs?
Pourquoi maiutenant l'envie s'oppose-t-elle
l'élection de M. Malou et de M. Van Renynghe
par des efforts désespérés, en galvanisant tous les
ressorts de sa vieille tactique?
On ne peut se résoudre laisser élire M. Malou
sans une opposition stupide de crétinisme, parce
que l'avènement de cet homme émiuent est le
triomphe de l'honneur sur la fourberie, la réhabi
litation do talent sur l'ignorance, l'aurore du jour
où il sera demandé compte par le peuple des spé
culations sur la fortune publique pour assouvir la
cupidité d'un parti aux dépens des intérêts gé
néraux.
Bientôt le patriotisme étourdi un instant re
prendra courage. Aux fables de la dîme, aux
terreurs de la main-morte, aux contes sur Retsin,
aux chimères de l'influence occulte, aux jongleries
des sauveurs ou plutôt des saltimbanques libérâtres,
succéderont la vérité sur les calomnies débitées, la
vérité sur les intrigues ourdies, la vérité sur les
moyens de corruption qu'on a fait agir sur le
peuple. L'orage précurseur de leur chûte jette
déjà parmi les cluhistes une confusion qui fait
pitié et qui tranche avec leur morgue d'autrefois.
On ne peut se résoudre a laisser élire non plus
M. Van Renynghe sans opposition, surtout en pré
sence du coup de pied vigoureux qu'il a lancé en
dernier lieu contre la domination de la franc-ma
çonnerie. La maçonnerie voulant l'enseignement
sans instruction religieuse obligatoire. Qu'importe
en effet la religion aux francs-maçons et a leurs
adeptes du congrès libéral? Que la religion ait
un titre d'autorité sur les vieilles femmes, la
bonne heure; mais quelle autorité spirituelle peut-
il exister aux yeux des protecteurs de feu Helsen
et de Van Meensel, aux yeux des colporteurs des
Mystères de Sue et des enthousiastes de ses doc
trines, qui ont échangé contre des plumes d'or ses
impudiques saletés?
M. Van Renynghe et ses collègues, ont décon
certé en partie les plans d'un libéralisme honteux
sur la jeunesse nationale, l'espoir et la force crois
sante de la patrie: de l'a la rage baveuse qui gri
mace devant lui par la gueule du Progrès.
Du courage et de l'union, alliance des esprits
honnêtes et indépendants, exactitude au poste, et
les catholiques ainsi que les libéraux de coeur, non
en paroles menteuses, renverseront un système qui
n'a déjà que trop fait brèche h la prospérité du
pays. Un jour peut-être, les hommes, placés main
tenant au faîte du pouvoir, se rappelant les prin
cipes de i83o et secouant le patronage qu'ils ont
trop complaisamment subirendront justice au
revirement de l'opinion. Quoi qu'il en soit, le
revirement existe, l'engouement a cessé, les illu
sions sont dissipées, et il ne suffira point cette fois
pour faire avorter des choix arrêtés de crier sur
tous les tons que M. Malou est le frère d'un
évêque, et que M. Van Renynghe n'est que de
Poperinghe. y
L'approche de la lutte électorale du 11 Juin
explique l'effervescence croissante des journaux
clubistes. Aujourd'huiplus que jamais, ils se li
vrent, a des déclamations furibondes h des sar
casmes menaçants contre tous ceux qui ne se
laissent pas (rainer la remorque de leurs prin
cipes destructeurs. Dernièrement les pétitionnaires
étaient traités d'ignorants, d'agitateurs, d'hommes
de partie; l'heure qu'il est la Belgique, h les en
croire, est insultée, déshonorée, voir même trahie
par ceux qui sont ses fils les plus dévoués. Par
contre, jamais les louanges a l'adresse du gouver
nement et de ses chers acolytes ue furent poussées
aussi-loin; tout est nouveau, tout est parfait
sous I'administratiou de nos Colbert du 12 août.
L'instruction nationale, comme un autre flambeau
va duper les ténèbres que les obscurantius, les
jésuites, et les cléricaux ont fait surgir sur le sol
de notre patrie; l'agriculture est relevée, le com
merce, l'industrie voient renaître leurs plus beaux
jours de gloire; dans les Flandres plus de disette,
plus de mendicité, pins de vagabondage!... En
vérité, ce serait rendre le monde entier libéra-
liste si les roueries de nos prétendus sauveurs ne
nous étaient connues depuis longtemps, et que
nous ne les avions signalées au bon sens et l'é
quité du public! Ce qui nous choque surtout dans
la polémique de la coalition, c'est la grossièreté de
sou langage, c'est l'hypocrisie de sa conduite, c'est
son appétit désordonné pour tout avoir, pour tout
commander pour tout faire k sa guise.
Qu'on compare la conduite sage et désintéressée
de nos amis politiques, avec la triple sincérité de
nos adversaires et l'on verra de quel coté se trouve
la bonne foi le véritable caractère national. Rap
peler ce qui a eu lieu depuis février i848, k la
Chambre et au Sénat, n'est-ce pas faire l'éloge de
la conduite sage et patriotique de l'opinion con
servatrice? Nou, jamais ce patriotisme ne resta un
instant en défaut toujours il fut loyal, désintéressé
et se montra k la hauteur des circonstances. Ni
plainte sur les injustices du passé, ni réclamation
sur les injures du présent, ni stipulation sur l'a
venir, ne se fit entendre sur les bancs où étaient
assis des hommes que les passions avaient signalés
a la haine aveugle de la multitude. Le ministère
lui-même rendit hommage k la conduite toute na
tionale et proclama k la tribune nationale que les
partis avaient disparu en Belgique. Bientôt une
occasion prouva toute la sincérité de nos amis: des
hommes aux idées anarchiques et révolutionnaires
menacèrent l'entrée de notre pays, eh bien spon
tanément, avec une abnégation des plus louables,
l'opinion conservatrice se joignit k ses adversaires
de jadis pour vaincre l'ennemi commun elle n'eut
qu'une''pensée: sauver la patrie en repoussant le
drapeau rouge qu'on nous tendait. C'est ce qui lui
valut les félicitations de tous les hommes de cœur.
Mais pendant que nous ne songioos qu'k repousser
les anarchistes, nos adversaires aidés par ce même
ministère qui nous gouverne, prononcèrent l'ostra--
cisme contre les hommes éminents qui figuraient
dans nos rangs: nous vîmes ainsi éliminer de la
Chambre MM. Malou, de Lacoste, d'Hnarl, Bra-
bant, Vandensleen, de Corswarem, etc., etc.
Les organes du ministère clubiste entonnèrent le
chant de triomphe; ses affidés insultèrent aux re
grets que la perte d'hommes aussi éclairés devaient
inspirer k ceux qui aiment sincèrement la patrie;
les étrangers d'outre-Quiévrain, que les ministres
ont attaché k leur char, poussèrent des cris de joie
le juif fanatique que, passées quelques années, M.
Rogier voulut expulser du pays et qui, en devenant
le vil adorateur de M. Frère, a obtenu sa grâce,
s'écriait dans le Journal de Liège:
Il n'y a vraiment qu'k voir, qu'k fouiller dans
les débris qui jonchent la terre. M. Brabant est lk
a coté de M. de Lacoste M. Malou, de M. D'A-
nethan; M. D'Huart, de M. Orban; plus loin
gisent MM. Eloy, Vandensleen, de Corswarem,
etc., etc. car, en vérité, ils y sont tous, les intel-
ligents et les incapables, les muets et les ridicules,
les chefs d'emploi et les compactes, les fanatiques
et les intrigants, tous sont l'a pêle-mêle, brisés
en pièces, ou réduits en poussière.
Tant de perfidie révolta notre vielle loyauté,
et a l'heure qu'il est, la Belgique retentit d'un long
cri d'indignation arraché par ceux qui semblent ne
pouvoir vivre que dans la discorde, qui ont besoin
du clérical pour pouvoir se maintenir dans leurs
fauteuils dorés; le pays est de nouveau menacé de
voir se renouveler ces scènes scandaleuses, grâce
au ministère et k ses imprudents ainis. Car, enfin il
faut bien le dire d'après le Journal d'Anvers,
le cabinet qui promettait solennellement dans la
séance du 17 mars 18x8 (1) d'observer une entière
neutralité dans les élections, qui demandait qu'on
renvoyât aux Chambres ceux qui, d'après lui, s'é
taient montrés les fidèles représentants de la
nation, le cabinet, dis-je, va de nouveau violer sa
promesse, et déployer une profonde hypocrisie. II
n'est donc que trop vrai, que dans les idées du mi
nistère, la libre manifestation des opinions par le
suffrage électoral n'est qu'une fiction.
S'il en est ainsi, il faut bien se résigner a cette
tactique; on nous offre le combat, l'honneur nous
convie a l'accepter.
(1) Le gouvernement prend dès maintenant l'engagement
de laisser l'opinion nationale toute liberté; liberté complète
dans sou expressiou; le gouvernement gardera une entière
neutralité. (Paroles de M. Rogier prononcées dans la séance
du 17 Mars de la Chambre des représentants).