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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3417
33me année
7?2%3S, 29 JUIN.
S'il est pour les peuples un fléau perni
cieux, c'est l'avènement au pouvoir des
pédants et des utopistes. Les traditions
consacrées par le temps, la paix des na
tions, le bonheur même des peuples et
des familles ne sont rien pour ces gens
idolâtres de leurs idées et de leurs rê
veries.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous
avons signaler les aberrations étranges
des songe-creux du libéralisme. Ineptes
autant que présomptueux, ils ont porté
une main sacrilège sur l'arche sainte de
la bienfaisance privée, ce lien sacré entre
le riche et le pauvre; cette planche unique
de salut au jour où la tempête révolution
naire aura brisée la hiérarchie sociale. A
défaut d'un De Haussy, quelque autre so
phiste eut sans doute de gaieté de cœur
assumé l'odieux d'un acte aussi antina
tional qu'anticatholique! Du reste le sens
droit du peuple n'a pas été seul frapper
de .sa vindicte de déplorables mesures.
Déjà un arrêt de la cour d'appel de Gand,
confirmé par la cour de cassation, a con
damné un système subversif de la morale
et de la liberté publiques.
Ce ne sont pas là les seuls intérêts que
la politique nouvelle a indignement mé
connu. Un homme, nommé au ministère
des finances, le lendemain du jour où
il déclara devant les Chambres ne rien
entendre aux attributions de ce dépar
tement, démonétise subitement l'or hol
landais, monnaie légale du pays, et au
mépris des prescriptions les plus simples
de l'honneur et de l'équité débarrasse la
bourse des propriétaires de quelques bon
nes centaines de mille francs. Puis, laisse
les victimes de son étourderie exhaler
leur aise leurs plaintes et leurs doléances,
tandis que traversant la mer du Nord il
s'en va au royaume-uni se reposer de ce
bel exploit!
ExploitDisons plutôt passe-temps.
Eh, qu'est-ce autre chose pour un minis
tère dont la politique ne tend qu'à avilir
le sol et ses produits? S'il est pourtant une
industrie, source de prospérité durable,
une idustrie agissant dans un cercle im
mense, c'est bien l'industrie agricole. Les
théories absurdes du libre échange, ce rêve
d'or de nos libéralistes, l'ont gravement
compromise, et avec elle non-seulement
le sort des cultivateurs et le bien-être du
propriétaire foncier; mais encore les res
sources des populations urbaines dont l'in
dustrie s'alimente d'une part de l'opulence
du riche, de l'autre du bien-être du peuple
des campagnes.
Cependant nos prévisions se réalisent
tous les jours davantage, et tous les jours
les rêves creux des hauts bonnets du mi
nistère reçoivent un nouveau démenti. Le
malaise envahit les campagnes, pour de là
inonder les cités. Bientôt, si l'on n'y ap
porte de prompts remèdes, la dépréciation
imminente du sol portera de rudes atteintes
la prospérité publique.
Voici encore une statistique compromet
tante pour les habiles théoriciens de la
politique nouvellec'est le tableau que pu
blie le Moniteur des importations et des
exportations de grain durant les cinq pre
miers mois ce cette année.
Grains importés: kilogr. 33,539,819
Grains exportés: kilogr. 8,120,446
Importation définitive: kilogr. 25,419,373
A la barbe de nos cultivateurs, dont les
greniers ne se désemplissent pas, la poli
tique nouvelle a donc gratifié le pays de
quelque chose comme vingt-cinq millions,
quatre-cent dix-neuf mille, trois-cent soixante-
treize kilogrammes de grains étrangers! Que
n'avons nous au moins la disette!
Passé quelques jours de jeunes garçons
manifestaient une joie beaucoup trop
bruyante l'Esplanade. Qu'est-ce donc?
dit une femme qui passait paisiblement
avec son mari. Ce n'est rienrépond celui-
ci, ce sont des élèves de la Looye qui re
viennent de leurs classes. Par hasard ces
jeunes gens n'appartenaient pas l'école
communale. L'un d'eux entend le propos
du passant, et l'interpelle Que dis-tu là,
que nous sommes des garçons de la Looye?
Oui sans doute répond l'autre, et si vous
ne l'êtes pas, vous ne valez guère mieux.
Là dessus la quérelle s'échauffe, la femme
crie au secours en fuyant, et son mari
reçoit plusieurs coups qui lui meurtrissent
la figure. Le gamin a expié sur la sellette
correctionnelle la susceptibilité trop vive
avec laquelle il tenait repousser pour lui
et ses camarades la qualification de Looye-
jongens, qu'effectivement on voulait infliger
par mépris. Des scènes de ce genre pour
raient être envisagées comme un symp
tôme de déclin de la primaire communale
dans l'esprit des gens du peuple, puisqu'on
se fâche jusqu'à se battre sur la seule as
sertion d'en être membre, ce dont la vue
d'une polissonnerie inspire de suite l'idée.
Autrefois on fit la guerre dans le comté
de Namur pour une vache; Troye fut dé
truite, d'après les poètes, pour une pom
me; et la voûte antique de la porte de
Menin a retenti du vacarme de la discorde
pour un centime. Deux individus l'un de
Zillebeke, l'autre de Zonnebeke arrivent
du marché hors d'haleine, précisément
l'instant de la fermeture des portes. La
boisson et la chaleur ralentissant un peu
leur course, les voilà haletants devant la
porte fermée. Le vieux grognard colonais
qui fait l'office de portier la porte de
Menin enir'ouvre l'un des battants d'un air
surnois, et demande le palard d'usage.
L'un remet un décime, l'autre ne trouve
que neuf centimes dans son gousset. Il me
faut encore un centime crie le portier.
C'est toi qui doit me rendre un centime
riposte l'un des paysans; et déjà ils se glis
sent travers l'ouverture. Le portier les
relient, de part et d'autre ils se poussent
et tombent dans l'obscurité. La sentinelle
attirée par le bruit survient et les sépare
avant qu'on se fût porté des violences
plus graves. La garde s'empare du manant
qui paraissait le plus exaspéré; rapport
est fait au commandant et la perma
nence, et on conduit le quidam sous es-
escorte, la salle provisoire d'arrêt. D'un
autre coté on va troubler le repos du com
missaire de police, qui heureusement eut
la bonne idée d'ordonner l'élargissement
immédiat du prisonnier. Procès verbal
n'en fut pas moins dressé, et cette affaire
d'un centime vint enfin expirer l'audience
de jeudi sous l'hilarité bien rare des ma
gistrats.
On est occupé depuis plusieurs jours
placer S1 Jacques la nouvelle chaire,
sculptée par un artiste de Bruges. Un tronc
d'arbre s'élevant parmi des rochers sou
tient la tribune ses branches atteignent
l'abat-voix. L'espace entre la roche et l'ar
bre représente une grotte où doit être pla
cée la figure austère d'un de ces grands
hommes dont la science et la vertu ont
fait des colonnes de la vérité. La rampe
du double escalier est des deux cotés une
haie entrelacée d'un beau travail. Chacun
admire ce superbe ouvrage, qui fait la fois
honneur au goût de MM. les marguilliers,
la munificence des bienfaiteurs de l'église
de Jl Jacques, et au talent du sculpteur.
Monsieur Théodore Vanden Jiogaerde est
nommé membre de l'administration des
Hospices, en remplacement de Monsieur
Jacques Van Daele, décédé.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Ou a'ubouue A Yprès, rue de Lille, in, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE UABIIIENCIT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. TJti n° a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions I* centimes la ligne).
—WOldii»