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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3445.
34me année.
INTOLÉRANCE LIBÉRALE.
Pour peu qu'on ait parcouru les colonnes
des feuilles soi-disant libérales, on aura
remarqué le ton de froid mépris dont ils
traitent toute idée conciliante, toute pensée
d'union les ministères mixtes sont en pre
mier lieu le sujet de leurs phrases sarcas-
tiques. Les ministères mixtes ont leurs
yeux le tort grave de gouverner au nom
de la nation toute entière et non pas d'un
parti. Ils ont le tort de représenter les in
térêts de tous, puisqu'ils se recrutent dans
les deux grandes opinions qui divisent le
pays: l'opinion modérée, puissante par le
nombre, et l'opinion soi-disant libérale,
puissante par son audace et ses exigences.
Les mi nislères mixtes enfin on t le tort d'être
issus des traditions de 1850, alors que l'u
nion des catholiques et du libéralisme de
cette époque, assura l'indépendance de la
patrie; souvenir poignant pour un parti
dont la majorité actuelle comptait alors
parmi cette catégorie d'intrépides budgé-
tivoreset de Voltairiens serviles, rivés sans
vergogne la politique orangiste. On sait
de quoi se constitue de nos jours le soi-
disant libéralisme: l'ambition inassouvie
de quelques libéraux leur fit quitter le
drapeau de l'Union: ralliant sous leurs en-
lignes les anciens partisans des Nassau et
les anti-catholiques de toute nuance, leur
coterie, réceptacle effrayant des doctrines
les plus anarchiques, ne craignit pas d'as
pirer la domination de la Belgique régé
nérée; payant d'audace ils identifièrent
dans leur personne l'opinion libérale dont
ils n'étaient que les transfuges ou les ad
versaires.
Nous ne reviendrons pas ici sur les bri
gues et les manœuvres, qui leur valurent
de présider au gouvernement de l'Etat.
Examinons plutôt si parvenus au but de
leurs convoitises, ils ont au moins su garder
les dehors d'une opinion qui se respecte.
Personne n'ignore que les ministères taxés
de rétrogrades et de cléricaux par nos Ii-
be'ralistes, avaient sans cesse dispensé les
places sans distinction de principe poli
tique. Cette conduite, d'ailleurs si hono
rable, aiguillonnant la voracité naturelle
de nos honnêtes libéraux, peupla de ces
derniers les administrations et les postes
honorables el lucratifs. Dans ce sens de
loyale et patriotique abnégation les mo
dérés entendaient le libéralisme; leurs
adversaires ne surent pas apprécier leur
généreuse délicatesse. A peine assis au
pouvoir, ils se ruent la curée des places;
ce fut un branle-bas général; une foule
de fonctionnaires capables et dévoués se
voient brutalement renvoyés. Car il s'agit
de caser les frères et amis; il s'agit d'inau
gurer un ministère homogène, ou minis
tère de parti.
Dès l'abord la presse modérée frappa
de sa vindicte ces actes d'un libéralisme
si équivoque. Longtemps sa voix fut mé
connue; mais aujourd'hui la vérité com
mence se faire jour et les libéraux eux-
mêmes viennent corroborer de plus en
plus par leurs aveux ces justes protesta
tions. Laissons la Tribune de Liège, feuille
peu suspecte de cléricalisme, dévoiler quel
ques-uns des actes de ses amis politiques:
A peine arrivés au pouvoir, les pre
miers actes des nouveaux ministres libé
raux furent en tous points semblables aux
républicains du National, en 1848. Us at
tribuèrent toutes les fonctions publiques
leurs amis qu sectaires, de près ou de loin,
pourvu qu'ils s'inclinassent devant leur
coterie, ou se fussent bien posés comme
courtiers électoraux. Ainsi, pour ne parler
3ue de notre province, la rédaction du
ournal de Liège n'a pas seulement eu son
Marrast au pouvoir, il fallut encore qu'on
accordât des fonctions publiques toutes
les personnes qui avaient écrit deux lignes
dans ce journal, ou avaient servi les inté
rêts de ses sectaires, depuis le fameux ré
dacteur de la lourde Revue de la semaine,
de couleurorangiste, qui passa par les plus
hauts grades des ponts et chaussées, jus
qu'au prote. Enfin, comme si ce n'était pas
assez de tant d'impudeur, il n'y eut aucune
fonction élective politique ou de bienfai
sance que les faiseurs de ce journal ne
bourrèrent de leurs créatures, qu'elles
eussent les capacités ou non.
Toutes nos feuilles libéralistes n'en sont
pas reconnaître la justice de nos plaintes,
et vrai dire les paroles de la Tribune elle-
même ne sont qu'un de ces aveux passa--
gers que commande tôt ou tard la force
de la vérité. Tout comme le lendemain
des élections de 47 et 48, les défenseurs
des ministères de parti s'époumonnent
exiger des proscriptions nouvelles et des
places grassement rétribuées pour leurs
sordides créatures. N'avons-nous pas en
tendu dernièrement le vertueux organe
du parti dans notre cité, reprocher au
ministère sa longanimité et ses ménage-
ments pour les fonctionnaires dévoués
l'opinion cléricale. En définitive,
disait-elle ce sujet, on rend la vie dure
ses propres amis (naïf), ceux qui dé-
fendent, non pour des places ou des
d récompenses (sic!), les principes que le
ministère doit faire prévaloir, mais par
conviction (sic! sic! sic!) Puis s'achar-
nant sur la personne de M. Smits, gouver
neur du Luxembourg, qui semble peu
franc de collier, en d'autres termes, peu
servile; nous avons la conviction morale,
dit le même journal, que pour l'applica-
lion du programme du ministère libéral,
il ny met du zèle que tout juste. 11 nous
semblequepour des fonctionnaires de celte
catégorie, le pouvoir a le droit d'exiger
des allures franches décidées, et qu'une
révocation doit atteindre le titulaire qui
ne peut se résoudre une coopération
franche et sans arrière-pensée.
Est ce assez d'audace? assez de cupidité?
assez d'impudence? Nous ne suivrons pas
la feuille éhontée dans les passages qu'elle
emprunte avec éloge YÊclio du Luxem
bourg, autre pamphlet libéràtre, qui, au
nom du salut de l'Etat,demandel'expulsion
des catholiques de tous les emplois publics,
du même ton que les cannibales de 95 de
mandaient du sang el des têtes en vertu
de la loi desjsuspects.
Mais l'intolérance des thuriféraires de
la politique nouvelle ne s'arrête pas vio
lenter la conscience du fonctionnaire; elle
s'étend celle du simple électeur. Jamais
on ne mit plus d'ardeur que sous son règne
travailler la pâte électorale; jamais la li
berté des votes ne fut moins respectée. On
se rappelle encore le beau dépit des feuilles
de cette couleur, lors de l'élection Char-
leroy du candidat modéré, M. de Dorlodot,
et les reproches acerbes qu'eut essuyer
le ministère pour n'avoir pas fait mentir
le scrutin électoral en assurant le triomphe
du parti exclusif. "Voilà, s'écriait un de
ces folliculaires, voilà comment le gou-
vernement soutient la cause du libéra-
lisme. Voilà la politique du cabinet! Elle
est jolie.
Détournons lesregardsdeces turpitudes.
EJIes déshonorent le pays où leurs auteurs
donnent la loi. Mais ayons foi dans le bon
sens, dans l'équité naturelle de la nation.
Un jour viendra sans doute, où poussée
bout, elle saura enfin se faire justice de
ces vulgaires ambitieuxqui dans l'homme
de mérite ne reconnaissent qu'un redou
table concurrent, et dans son patriotisme
que le reproche personnifié de leur avide
égoïsme.
INDIFFÉRENCE RELIGIEUSE
On serappellel'art. de la loi sur l'instruc
tion moyenne, qui consacre l'invitation
adresser au clergé touchant l'enseignement
de la religion. Cet appaisement dérisoire
aux vœux des pères de famille, cette mi
croscopique concession aux intérêts les
plus sacrés, le ministère n'a pas encore
daigné l'exécuter. Quoique la loi n'ait pas
encore reçu sa pleine organisation, on
sait que déjà dix athenées de l'État s'ouvri
ront cette année en vertu de ces prescrip
tions.
Les cours du collège S' Vincent de Paul
se sont ouverts le 5 de ce mois. Comme
nous l'avions annoncé, Mgr l'évêque de
Bruges a célébré celte occasion la messe
du Saint-Esprit enl'église S1 Jacques. Après
l'évangile l'auguste Prélat a adressé au
VÉRITÉ ET JISTIfE.
On s'abonne Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PUIX DE LURO.lNEnEWT, par trimestre,
YpreS fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur paraît le SAMEDI el le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 11 centimes la ligne).
7P3.SS, 5 Octobre.
Otes-toi de là, que je m'y mette.
DU MINISTÈRE.