Bruxelles, le 11 octobre i85o. M. le général, Sa Majesté la Reine est morte au palais d'Os- tende, aujourd'hui 8 heures 1 o minutes du matin. La Belgique tout entière sera plongée dans la douleur. La garde civique s'associera au regret général, et ce sera pour elle une occasion nouvelle de serrer ses rangs autour du Trône. La garde civique prendra le deuil h partir de ce jour. Le Ministre de l'intérieur, Ch. Rogier. L'ordre a été donné de hisser mi-mât les pa villons h bord des bâtiments de l'État dans les ports d'Ostende et d'Anvers, ainsi qu'à bord des ba teaux-pilotes naviguant ou mouillés dans l'Escaut. La goélette la Louise-Marie a mis ses vergues en croix jusqu'à nouvel ordre. La marine prend le deuil comme l'armée de terre. On écrit d'Ostende, le 12 octobre, minuit J'ai peu de renseignements ajouter ceux que je vous ai envoyés ce soir. Après le départ de MM. les Ministres pour Bruxelles, le Roi, accompagné de M. le colonel de' Moerkerke, est allé rejoindre les princes sur la digue et s'y est promené avec eux jusque vers cinq heures. La Reine Amélie et la duchesse d'Orléans se sont rendues dans la soirée YHotel Fontaine près de M. le duc de Nemours. L'indisposition du prince se trouve aggravée par suite d'une cbute qu'il a faite dans la funeste nuit de jeudi dernier. A l'occasion de la mort de la Reine, le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Gand a décidé que les théâtres seraient fermés et toutes les réjouissances publiques interdites jusqu'à "nouvel ordre. TRANSLATION DU CORPS DE 8. LA REIXE D'OSTESDE A LtEKEX. Ostende, 14 octobre, onze heures. Le convoi funèbre qui doit transporter Laeken la dépouille mortelle de la Reine, n'est arrivé que ce matin six heures. Il se compose de deux dili gences, deux chars-à-bancs, drapés de noir, et le catafalque dans lequel repose le cercueil. Ce char, formé d'une voiture fermée et de deux trucs qui s'attachent aux extrémités, est entière ment recouvert de drap noir, frangé d'argent. Sur les teutures funèbres se dessinent le chiffre de la Reine, et des écussons portant le lion belge avec cette inscription: Obiit ît octobris i85o. Dans l'intérieur du waggon du centre on avait ménagé une chapelle ardente. Des cierges brûlaient tout autour et au fond était un autel tendu de noir. Quatre prêtres aux différentes stations devaient y rester en prières. L'inscription a été placée sur le cercueil. Elle est ainsi conçue: SA MAJESTÉ louise-ma.rie-thérèse-caroline d'orléans, Reine des Belges, Née Palerme, le 3 avril 1812, Décédée Ostende, Le 11 octobre i85o. Il est onze heures. Un coup de canon retentit. La Reine a, pour toujours, quitté Ostende. Lundi. (Bruges, onze heures trois quarts.) La station est encombrée. Tout le mondé est en deuil. Quand le train s'est arrêté, sur l'ordre des ingénieurs, on détache pour les reculer, les dernières voitures un escalier est adapté l'extrémité du char funèbre; la chapelle ardente s'ouvre en même temps et Mgr I'évêque de Bruges, aceoin- pagné de son chapitre, procède l'absoute et au De Profundis. (Gand, une heure et quart.) La cérémonie faite Bruges a été répétée ici avec un plus grand éclat. Mgr Delebecque, évêque de Gand, fait l'absoute, assisté par Mgr Malou et un nombreux chapitre de chanoines. Après le récit des prières, I'évêque de Bruges descend du convoi f unèbre. Le prélat reste Gand, et Mgr Delebecque accom pagne le cercueil jusqu'à Malines où S. E. e cardinal-arche vêque le remplacera son tour pour suivre le corps jusqu'à LaekenQuatre chanoines se mettent en prière dans la chapelle. (Malines, 3 heure».) Au moment où le convoi s'arrête, S. Em. le cardinal-arche vêque de Malines, la mitre en tête et la crosse la main, s'avance suivi de son chapitre et des prêtres du séminaire. La cérémonie de l'absoute se répète une quatrième fois. C'est le cardinal qui officie. Mgr I'évêque de Gand l'assiste. Tous les chanoines répètent en choeur les versets du De Pro fundis Mgr Delebecque et M. de Jaegher descendent du convoi Malines. Bruxelles, six heures. A trois heures un quart, deux voitures de la cour entière ment tendues de noir et attelées chacune de quatre chevaux ont amené de Laeken le Roi, le duc de Brabant, le comte de Flandre, le duc de Nemours, le prince de Joiuville et le duc d'Aumale, qui venaient recevoir l'entrée de ce village où taut de jours heureux s'étaient écoutés, les restes si chers d'une épouse, d'une mère, d'une soeur. Immédiatement après le char, suivaient pied Le Roi, ayant sa droite M. le duc de Brabant, sa gauche M. le comte de Flandre; MM. le duc de Nemours, le prince de Joinville, le duc d'Aumale et le prince de Saxe-Cohourg Cohary, arrivé d'Os tende par le convoi funèbre Les ministres; Le corps diplomatique. Pour les autres parties du cortège, il a été impossible de suivre l'ordre indiqué par le programme. Généraux, magis trats, officiers, fonctionnaires civils, public même tout le monde a suivi pêle-mêle, en ordre toutefois, sans bruit, sans tumulte entre les deux baies de garde civique ou de troupes échelonnés depuis la coupure jusqu'à l'église de Laeken. Le cortège s'arrête la porte de l'église. Le Roi et les princes entrent et vont prendre place derrière le catafalque, du eôté du choeur. Les ministres, le corps diplomatique et les officiers de la maison du Roi eutoureut le funèbre monument. Alors les sous-officie"rs qui avaient opéré le transbordement du cer cueil du chemin de fer sur le char, l'enlèvent de nouveau et, précédés de Mgr l'archevêque de Malines qui s'était arrêlé la porte de l'église, mitre en tête et crosse la main, ils vont dé poser leur précieux et triste fardeau sous le catafalque. Le chant des morts a commencé aussitôt avec accompagne ment d'orgue. Puis, l'absoute donnée, Mgr l'archevêque est allé chercher le Roi dans le choeur et l'a accompagué proces- sionnellement jusqu'à la porte de l'église où S. M. est remontée avec les princes dans les voilures de la cour, qui les ont recon duits au château. Cette triste cérémonie n'a pas duré plus de dix minutes. Il était plus de cinq heures lorsque le cortège était entré daus l'église; cinq heures et un quart tout était âui, et la foule s'écoulait triste et, s'il est possible, encore plus doulou- reusememeul impressionnée qu'elle ne l'était au moment de l'arrivée des précieuses dépouilles la Coupure du chemin de fer. La Reine Marie-Amélie, que tant de,si cruelles douleurs viennent successivement accabler, a ma nifesté, dit-on, le désir de ne se séparer qu'au der nier moment des restes mortels de sa fille chérie. i -MB Nous empruntons une correspondance de VIn dépendance les détails suivants sur les derniers moments de la Reine. On écrit d'Ostende ce journal, en date de vendredi soir Nos plus iristes prévisions se sont réalisées. La Reine n'est plus! S. M. a succombé ce malin huit heures. Comme on croyait pouvoir espérer hier soir que ce fatal événement ne serait pas aussi prompt, les princes parents de la Reine avaient quitté le palais vers onze heures pour rentrer prendre quel que repos. A quatre heures, l'état de Kauguste ma lade allait en s'empirant, tous les membres de la famille ont été appelés se réunir auprès d'elle, tous s'y sont immédiatement rendus, y compris M. leduo de Nemours qui s'est fait porter de l'Hôtel- Fontaine au palais. A ciuq heures, les aide-de- camp, les dames d'honneur et les personnages amis de la famille royale, qui 'se trouvent en ce moment Ostende, étaient aussi tous au palais. A six heures, M. le doyen de Sainte-Gudule a dit les prières des agonisants, car on voyait s'ap procher rapidement l'instant de la séparation sur la terre. La Reine a conservé jusqu'au dernier moment sa présence d'esprit et n'a pour ainsi dire pas eu d'agonie; elle s'est éteinte dans les bras du Roi en lui tenant la main, sa mère ses côtés, ses enfants, ses frères, ses sœurs genoux et pleurant autour de ce lit de suprême douleur. La seule autorité gouvernementale supérieure Ostende étant le commandant de place, M. le co lonel Rosolani avait aussi été appelé pour assister au décès. Après le décès, les princesses sont restées au palais et les princes sont rentrés l'Hôtel Fontaine pour se préparer se rendre l'église. La messe a été dite neuf heures et demie par l'abbé Guelle, aumônier de la Reine Amélie. En revenant de l'église M. le duc de Nemours a dû se mettre au lit, tant S. A. R. souffre de l'in disposition dont je vous parlais hier. Un peu plus tard la Reine Amélie et la duchesse de Saxe-Co- bourg sont venues le voir. A dix heures et demie tous les employés de la maison royale, jtisques et y compris les gens de service et ouvriers la journée, ont été. admis voir le corps de la Reine. Les dépouilles mortelles de S. M. la Reine res teront exposées pendant deux jours dans l'église de Laeken, qui sera disposée en chapelle ardente. La garde du corps sera confiée un officier gé néral de la maison du Roi et quatre colonels ou lieutenants-colonels, fournis deux par la garde ci vique de Bruxelles et de la banlieue, et deux par l'armée. Ces officiers se tiendront aux quatre coins du cénotaphe; ils seront relevés de quatre heures en quatre heures par un nombre égal d'officier de leur grade. On a travaillé nuit et jour jusqu'à ce matin (i4) transformer en chapelle ardente l'église de Notre- Dame de Laeken, <jui va recevoir la dépouille mortelle de la Reine Louise-Marie. D'après les dernières volontés exprimées par l'auguste défunte, c'est devant l'autel consacré la Vierge que seront inhumés les restes précieux de cette princesse illustre et jamais regrettée. Le caveau sépulcral sera creusé en cet endroit et l'on assure même que le cercueil renfermant le corps du jeune prince, inhumé S'"-Gudule en 1854, sera déposé là dans la même tombe. L'église paroissiale de Laeken réveille des sou venirs pleins d'intérêt. Bien qu'on ne puisse pré ciser la date de sa fondation, il est certain qu'elle existait déjà il y a huit siècles, mais elle était bien moins graude qu'aujourd'hui ce n'était primiti vement qu'une très-petite chapelle dédiée la Vierge et fondée par deux sœurs sur la tombe de leur frère. L'origine merveilleuse attribuée par la tradition la construction et l'agrandissement de l'édifice fut consacrée autrefois par les magnifiques vitraux dus la pieuse munificence des princes souverains du Brabant. L'infante Isabelle et l'ar chiduchesse Marie-Èlisabetb témoignaient une vé nération toute particulière pour ce saint lieu. L'aspect de la capitale dimanche, était encore plus triste et plus morne que durant les deux jours précédents. Toutes les boutiques et les magasins des Galeries S'-Hubert, de la rue de la Madelaine, de la Montagne de la Cour, etc., sont restés fermés. Une grande partie de la population a pris les habits de deuil, tandis que tous les membres de la milice citoyenne et les officiers de l'armée portent le crêpe au bras. A cause du décès de la Reiue, il n'y a pas en saraede de bourse ni delloyd Bruxelles. On écrit de Cuesmes (Hainaut) Aussitôt que la nouvelle douloureuse du décès de la Reine a été connue, notre conseil communal s'est assem blé d'urgence et il a décidé qu'un service funèbre pour le repos de l'âme de S. M. serait célébré le mercredi 16 octobre, 10 heures du matin dans l'église paroissiale de la commune. L'ÉGLISE DE LAEKEN. L'église paroissiale est restée ouverte toute la nuit. Les cbasseurs-éclaireurs de la garde civique, des détachements des gardes civiques de Laeken et communes environnantes, des compagnies de chas seurs-carabiniers, et des grenadiers se sont relevés tour tour pour faire le service d'honneur auprès du catafalque. Des gardes civiques et des troupes de ligne sont restées postées l'extérieur autour et l'entrée de l'église. L'inhumation aura lieu jeudi avant midi, la suite d'une funèbre célébré sur le corps. De grands préparatifs se font Sainte-Gudule

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Le Propagateur (1818-1871) | 1850 | | pagina 2