9 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3465. 34me année. 7??.3S, 14 Décembre. ÉLECTION DE DIXMUDE. UNE MYSTIFICATION LIBÉRA LISTE. VÉRITÉ ET JUSTICE. On s'aboiiiie a Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PHIX DE l/%IIOV\Elli:*T, par trimestre, Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Uu n° a5. Ee Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine (insertions 19 centimes la ligne). L'élecliou de Dixmude a été remarquable par le grand nombre de billets marqués portant M. De breyne. Au bureau de l'intérieur de la ville et des communes voisines, il n'a pas été reçu dix votes au profit du candidat libéral qui ne portassent pas le cachet de la contrainte du parti. Voici comment l'oppression de toute liberté électorale était organisée. Sur chaque bulletin le nom du candidat était précédé d'une épithète dif férente. Ainsi on proclamait successivement Den magtîgen heer Debreyne, Den deugdzamen heer Debreyne, Den zachtmoedigen heer Debreyne, Den godvruchtigen heer Debreyne, Den vermaerden heer Debreyne, Den heldhaftigen heer Debreyne, Etc., etc., etc. Les chefs du libéralisme dixmudois se tenant autour du bureau avec des contre-listes, vérifiaient les désignations qu'énonçait chaque billet sortaut de l'urne, et s'assuraient ainsi s'ils étaient obéis d'une manière absolue par la remise identique du billet qu'ils avaient imposé. Malheur au bourgeois ou au cultivateur, quand même il eut voté pour M. Debreyne, s'il s'était permis seulement de déranger l'épithète, ou de s'émanciper jusqu'à remettre un billet de sa façoD. Quelles conséquences attendaient l'outre teu- dance de l'électeur de se croire gucore en pays de liberté sous la domination du libéralisme? C'est ce qu'il est impossible de préciser pour chacun, bien qu'on puisse augurer de quelques exemples jus qu'où doivent aller les rancunes. Ainsi que nous l'avons déjà dit, M. le chirurgien Vanbiervliet, père de famille, a été mandé devant les présidents réunis des commissions des Hospices et de la Bienfaisance, pour lui prescrire le vote eu faveur de M. Debreyne sous peine de destitution. M. le sénateur Cassiers a dû être protégé par les gendarmes, cause des démarches qu'il avait faites en faveur de la candidature de M. Desmaisières. M. le curé Lampe, qui s'était aussi osé prononcer en faveur du caudidat conservateur, a été poursuivi de huées dans les rues et sur les places publiques. On prétend que des immondices ont été jetées sur un prêtre. Des caricatures si inconvenantes avaient été commandées, que le peintre yprois qui demeure Dixmude a refusé de s'en charger. Il a fallu re courir Ypres, où moyennannt de l'argent, on a obtenu ce que l'on désirait. On Citait nu peintre de transparents comme ayant montré une grande com plaisance eu celte occasion. Ici figurait un curé, là une religieuse avec des attributs grotesques. C'est sous l'influence de ces honnêtes moyens que M. Debreyne a pu compter soixante quinze vont au delà de la majorité absolue, cent cinquante voix de plus que sou adversaire dans 1a lutte. Il eut sans doute voulu rebattre quelque chose de ce chiffre, pour pouvoir l'attribuer un système différent. Grand propriétaire, M. Debreyne avait l'immense avantage d'être natif et habitant de la localité, d'être en ontre le premier magistrat municipal du chef-lieu, il avait en sa faveur l'infatigable zèle de M. le Commissaire du District, d'importantes re lations de famille et la puissante protection du pouvoir. Il n'était donc aucunement besoin de lui venir en aide avec des procédés qui déconsidèrent son triomphe plutôt qu'ils ne le rendent plus com plet. Si la légalité est admise d'élections bulletins marqués où le votant se fait clairement connaître aux meneurs qui votent par lui, du moins la mora lité d'un tel fait est-élle qu'il n'y a plus de choix ni de représentation véritable là où une pratique de ce genre vient prévaloir. La volonté de la consti tution est expressément faussée. Sans doute l'adjonction d'un mot ne peut pas être toujours un motif d'annulation, une raison d'imputer au votant qu'il a voulu se faire plus ou moins directement conuaitre, mais lorsque l'en semble de l'opération accuse indéniablement une série convenue d'indications intelligibles pour ceux qui sont dans le secret, la chose change entièrement de oature. La fraude est au comble quand elle est exercée au profit d'un parti notoirement discipliné. Si l'on retranche M. Debreyïfè lés voles de ce' genre, il est loin d'avoir la majorité strictement voulue. On peut donc dire que tout ce qu'il y a eu de réellement brillant dans cette élection, c'est l'illu mination du soir qui l'a suivie: Sur lout le reste il vaut mieux de tirer un voile. La tranquillité matérielle a été maintenue. Les troupes sont restées consignées jusqu'à leur départ après la proclamation du résultat. Au bureau des communes plus éloignées qui ne sont pas sous le poids si immédiat et la pression du centre, le Dombre des votes se balançait peu près. Ainsi mesure que la liberté était plus grande, les chances du candidat libéral perdaient de leur aspect favorable. On lisait dernièrement dans le Journal de Brugescette phrase d'un comique achevé Si nous voulions donner uo bon conseil telle feuille, ce serait d'empruuter son confrère d'Ypres (le Progrès) un peu de loyautéun peu de savoir-vivre s comme il en est bien pourvuil pourrait faire cette charité la dite feuille qui en est si pauvre. Eu voilà-t-il pour le coup de la loyautédu savoir-vivre libéralistes. Déjà nous avions vu nos honnêtes libéraux s'affubler en amis de la liberté, en bienfaiteurs du peuple, eu politiques unique ment soucieux du bien public; enfin nous croyons résolus les plus hardis problêmes de prestidigi tation libérale. Il nous restait voir le Progrès métamonphosé en type de loyauté et de savoir- vivre.... Est-ce une scène du monde renversé que nous ménage la la feuille brugeoise, on bien sa cerveille seule se trouve-t-elle l'envers? Le Progrès, un trésor de loyauté et de savoir-vivre! Mais que signifient donc ces mots dans une bouche libéraliste? Jamais l'impudence de la sottise adressa- t-elle un plus cynique défi la bonne foi bublique? Chez d'autres on croirait la plus éboourriffante des plaisanteries; mais le Progrès (journal l'un des plus sagement libéral du pays s'il faut s'en rapporter l'honnête Journal de Bruges) a pris au grand sérieux cette pompeuse mystification qu'il reproduit gravement dans ses colonnes. Stimulé sans doute par ces étranges suffrages, le confrère s'est mis la besogne avec une ardeur nouvelle. Or voici, en fait de loyauté et de savoir-vivre, quelques échantillons pris au hasard dans soti der nier n° (car chez lui on n'a que l'embarras du choix)* Une pétition fut envoyé tout récemment aux chambres par quelques électeurs de l'arrondisse ment de Dixmude, demandant au nom de la liberté de suffrages, des mesures de sûreté contre les excès auxquels les élections du 12 dé ce mois pourraient donner lieu. Les scènes déplorables dont Louvain, Diest, Bruges furent les théâtres lors des dernières élections, et celles qui ont effectivement signalé le 12 la nomination du candidat ministériel, justifient suffisamment la craintive prévoyance des pétition naires. Mais le Progrès, ce miroir de loyauté et de savoir-vivre s'écrie avec amertume admire^ la rouerie de ces pauvres agneaux du clérica- lisme, menacés par les loups du libéralisme. Ainsi, manifester de médiocres sympathies pour la lanterne où l'on menace de pendre Coppins, et la rivière où l'on voulut jeter Havermans, en langue libéraliste s'appelle une rouerie 1... Poursuivons encore quelques lignes. Allons donc, messieurs de la représentation nationale, vous qui avez annulé comme frau- duleuse l'élection de Léandreordonnez etc. etc.» Toujours, comme on voit, de la loyauté, du savoir-vivre. De la loyautécar qui ne sait que l'élection dont il s'agit, fut annulé, non comme frauduleuse, puisque tout s'était passé dans les formes; mais comme irrégulière, par suite de la négligence d'un fonctionnaire libéral, qui n'avait pas fait rayer officiellement de la liste électorale cinq électeurs dépourvus de ce droit. De savoir-vivre. En effetdénommer un an cien député, ex-ministre, ex-gouverueur, un hom me enfin du talent et de la considération de M. Desmaisières, du simple prénom de Léandre, dénote un savoir-vivre exquis, une aménité de caractère digne d'un fier-à-bras de la démagogie libérale. Nous n'avons garde de suivre la piste les traits de loyauté et cfe savoir vivre dont fourmille la p'olé&iique de la feuille doctrinaire. Il nous suffit de corroborer par quelques exemples les éloges excentriques du Journal de Bruges. L'élection d'un membre de la Chambre, Dix mude, n'a pas repondu notre attente. La cabale,

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Le Propagateur (1818-1871) | 1850 | | pagina 1