FRANCE. Paris, 20 janvier.
devant les assises du Brabant ou de la province
d'Anvers. 11 paraît peu près décidé maintenant
qu'il n'en sera point ainsi et que les personnes
impliquées dans cette affaire seront poursuivies
devant leurs juges naturels, devant le jury du
Haiuant. Aucun motif sérieux, du reste, n'aurait
pu légitimer une décision contraire.
Courrier de CEscaut.)
Ces jours dernier un véritable phénomène,
cause de la saison où nous sommes a été remarqué
au-dessus de la ville de Huy le ciel était obscurci
par une énorme quantité d'oiseaux que l'on sup
pose être des grues on des oies; ils se dirigeaient
juste vers le nord, et venaient directement du sud
leurs cris étaient si forts, qu'ils ont annoncé ainsi
leur passage.
On lit dans un journal Une fois encore les
faits paraissent devoir donner raison a nos faiseurs
de remarques atmosphériques. Dès le mois d'octo
bre, on nous prédisait uri hiver peu rigoureux; et
jusqu'à ce moment, en effet, la douceur de la tem
pérature a été telle, qu'on voit, dans nos environs,
des feuilles nouvelles a certains buissons de char
milles et de bouleaux.
Pour beaucoup, cette particularité h de quoi ré
jouir, car
Hiver doux présage une année
Toute précoce et fortunée.
Un de nos vieux conteurs prétend que les
proverbes des anciens ont leur origine fondée en
tant d'expériences, qu'enfin ils ont gagné cours et
acquis lieu de vérité. Nous sommes de cet avis,
et nous trouvous dans les annales séculaires assez
de similitudes atmosphériques pour justifier notre
croyance. Ainsi, 1822, 1801 et 1781, aimées des
plus heureuses pour les récoltes en tous genres il
n'y eut point d'hiver.
Les années 1692, 1657, 1619, 1613, 1690,
1607 furent également abondantes, et il n'y eut
ni gelée ni neige.
En i54o, i526, i5o6, il gela a peine quelques
jours, et l'on fil la moisson au commencement de
juin; beaucoup d'arbres, les cérisiers entre autres,
donnèrent en octobre une seconde récolte.
En i8o5, la veille de Noël, on voyait des bou
quets de violettes et de primevères; en i5oo, le i5
avril, il y avait des fraises sur le marché de Metz;
et ces années comptent parmi les meilleures.
En 1583 et i42i, années également fortiinées,
on vit dès le i4 mars, des épis de blé dans toutes
les terres de la rivière d'Aisne; et dans 99 localités
de l'Anjou, les raisins étaient mûrs au mois de mai.
Enfin, les aunées i4oo, i5o4, 1289, 1236 et
1172 furent remarquables par la supériorité de
leurs vins, et dès le mois de février les arbres s'é
taient couverts de feuilles, les oiseaux avaient com
mencé leurs couvées!
On rapporte un singulier cas de somnambu
lisme qui vient de se produire, il y a deux ou trois
jours a peine, dans une des communes voisines de
Bordeaux.
Dans cette commune, il y a une famille de cul
tivateurs, composée du père, de la mère et de
deux enfants, famille curieuse s'il en fut, dont
tous les membres jouissent au plus haut point de
la double-vue et du sommeil magnétique le plus
lucide. De père en fils, cette génération de labou
reurs a présenté des phénomènes du somnambu
lisme le plus extraordinaire. On raconte encore
dans le pays des histoires merveilleuses sur l'aïeul
et le bisaïeul, qui se donnaient souvent le plaisir
de parcourir nuitamment tout le village, non point
dans les rues, mais bien sur les toits, et cela avec
la prestesse et la légèreté d'un chat. Les descen
dants, comme ou va le voir, n'ont pas dégénéré des
ancêtres.
Vendredi soir, le père de famille, après la veillée
près de l'âtre et la pipe obligée, était allé se re
poser des fatigues de la journée; sa femme et ses
enfants l'avaient bientôt imité, et, a onze heures,
toute la maison était plongée dans le plus profond
sommeil. Les bcenrs dormaient paisiblement sur
la litière de l'étable,
A minuit, heure étrange, qui prête ses ténèbres
aux mystérieuses apparitions, le laboureur ouvre
l'œil bâille, tend les bras comme un homme qui
secoue le sommeil, et descend de sa couche. Il passe
son pantalon et sa veste de travail, noue sa cra
vate de coton autour de son cou, chausse,ses sa
bots, tire la chevillette de sa porte, et sort. La
femme, habituée aux évolutions nocturnes du som
nambule, son mari, entr'ouvre peine l'œil et
laisse faire. Notre laboureur va droit son étable,
saisit l'aiguillon, et, un juron aidant, il reveille ses
bœufs pour le travail. Ces bons animaux, tout ani
maux qu'ils sont, comprennent que l'heure d'aller
au champ n'est pas encore venue, font la sourde
oreille, se roulent un instant encore sur la litière,
puis enfin se décident se lever. Les voilà partis
pour la vigne, traînant le soc au clair de la lune.
Le laboureur suit par derrière, la gourde la main
et l'aiguillon sur l'épaule. On arrive au champ;
les instruments du travail sont disposés; la charrue
est emmanchée, et voilà la glèbe qui se retourne et
le sillon qui se creuse droit et profond. Il était six
heures environ, et le jour commençait poindre
quand la besogue fut achevée. Le laboureur tourna
la rue, attacha le cordon de sa gourde vide au
bouton de sou gilet, rerail l'aiguillon sur l'épaule,
et ramena ses bœufs l'écurie.
Temps il était qu'il arrivât, car la maison était
dans un désordre indescriptible; tout était sans
dessus dessous. La femme se lamentait et les en
fants couraient le village, cherchant les bœufs et
la charrue qui avient disparu pendant la nuit.
Tout le quartier était soulevé. On parlait de vo
leurs, de gendarmes, que sais-je encore
Pas n'est besoin de dire que celte scène de dé
solation se chaugea soudain en un immense éclat
de rire, quand ou vit entrer dans la cour les grands
bœufs roux, suant et fumant comme s'ils sortaient
d'un bain la vapeur, et précédés du laboureur
nocturne, lequel, secouant enfin le sommeil magné
tique, s'aperçut, sa grande surprise, qu'il avait
gagné sa journée quand les autres l'avaient
peine commencée.
Depuis ce jour ou plutôt cette nuit, la femme
du somnambule a, chaque soir, le soin de cade-
naser le portail de la cour, et d'en emporter la clef.
Ou dit daus le village que les deux fils de cet
étrange laboureur sont doués de la faculté mys
térieuse de leur père, et qu'il leur arrive parfois
de travailler la nuit.
Voilà une famille admirablement organisée,
j'espère. 11 est impossible qu'elle ne prospère
rapidement. Si la Jùrlune vient en dormant,
comme le dit le proverbe, que tant de gens pren
nent si bien la lettre, que sera-ce donc si l'on
travaille quand ou dort?
Le ministère a donné sa démission qui a été ac
ceptée hier daus la soirée, Le Président a fait de
grands efforts pour déterminer ses Ministres
conserver leurs portefeuilles, mais MM. Baroche,
Rouher et Reguault de Saint-Jean-d'Angely ayant
vivement insisté pour se retirer, la démissiou du
cabinet tout entier a été acceptée après un conseil
tenu dans l'après-midi.
Plusieurs journaux annoncent ce matin que M.
Odilon Barrot a été appelé former le nouveau
cabinet. Cette nouvelle n'a aucun fondement. Le
Président n'a encore fait appeler personne; ses
amis prétendent qu'il hésite beaucoup entre un
ministère pris dans la gauche ou un ministère
choisi dans les rangs du parti conservateur. Je crois
pour mon compte que les réflexions du Piésident
le porteront rester fidèle la politique modérée
qu'il a suivie jusqu'à présent. S'il hésite en ce mo
ment, ou plutôt s'il veut se donner l'air d'hésiter,
c'est pour que la situation grave qui résulte du vote
de l'Assemblée se prolonge assez pour peser sur
tout le monde.
La commune de Bazoches (Seine-et-Marne)
vient d'être le théâtre de graves désordres.
M. de B.... propriétaire, demeurant Bray-sur-
Seine, possède, sur le terrain de Bazoches, une
certaine quantité de terrains qui sont enclavés dans
les biens communaux. Après avoir obtenu l'auto
risation de faire procéder la délimitation de ses
terrains, M. de B..., assisté de M. l'ingénieur du
département, se rendit le i5 Bazoches pour pro
céder cette opération. Il venait peine de la
commeucer qu'il fut entouré par une centaine de
paysans, qui lui reprochèrent de vouloir leur voler
leurs biens commnuanx.
M. de B... voulut faire quelques observations,
mais il fut saisi par plusieurs individus, frappé d'un
coup de couteau qui lui fit la tempe droite une
grave blessure, et l'on commençait le traîner en
l'accablant de coups, lorsqu'arrivèrent quelques
gendarmes qui le délivrèrent. Il fut transporté la
mairie, où l'on s'empressa de lui prodiguer les
secours que réclamait sa position, qui est grave.
Quelques instants après, les habitans de Bazo
ches réunis au nombre d'environ neuf cents,
entourèrent la maison commune, poussant d'ef
froyables clameurs, criant qu'ils voulaient tuer
M. B..., et qu'ils allaient employer la force pour
le prendre. Déjà ils avaient mis leurs menaces
exécution, en tentant d'ébranler, pour l'ouvrir, la
porte de la mairie, lorsqn'arriva M. le lieutenant
de gendarmerie Contaut, la tête de la brigade de
Bray, composée de douze hommes. La force pu
blique se raugea en bataille sur la place, devant la
mairie, et M. Contant essaya par des paroles con
ciliatrices de calmer l'exaspération de la multi
tude; mais, oomtne les menaces d'enlever M. de
B... ne discontinuaient pas, le lieutenant ordonna
ses soldats de charger les armes, et déclara ferme
ment qu'il était décidé repousser la force par la
force. Cette attitude parut imposer quelques in
dividus, et donna le temps M. le procureur de la
République et M. le juge d'instruction, qu'on
avait prévenus, de se rendre sur les lieux, où ils
arrivèrent escortés d'un escadron du 4" régiment
de dragons, en garnison Provins.
Les magistrats entrèrent dans la mairie et com
mencèrent aussitôt une instruction judiciaire, la
suite de laquelle des mandats d'amener ont été
décernés contre plusieurs individus. Quatre des
inculpés ont pu être arrêtés le même jour par la
gendarmerie, et, après avoir été interrogés, ils ont
été placés dans une voiture qui, escortée par les
chasseurs et les gendarmes, les a conduits Provins,
où ils ont été écroués la maison d'arrêt.
Une foule considérable a poursuivi cette voi
ture en proférant des menaces jusqu'à l'entrée de
Bray, sept kilomètres de Bazoches. On voulait
enlever les prisonniers, mais toute tentative dans
ce but avait été rendue impossible par les mesures
prises par la force publique.
Le lendemain, M. le préfet du département s'est
rendu Bazoches, afin de calmer l'effervescence
qui régnait encore dans la population.
L'instruction judiciaire relative cette affaire se
continue en ce moment.
M. de B... a été reconduit son domicile, son
état inspire, dit-on, de sérieuses inquiétudes.