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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3486
34me année.
Depuis quelques semaines nous appre
nons par la voie des journaux qu'à l'occa
sion du jubilé Mgt l'évèque de Bruges a
chargé M. l'abbé Bossaert, vicaire de S'
Martin, de donner des missions dans plu
sieurs localités de son diocèse, et que par
tout les efforts et les travaux de ce pieux
et de cet estimable ecclésiastique produi
sent les effets les plus merveilleux et se
voient couronnés d'un éclatant, d'un plein
succès.
A cette occasion les mêmes journaux
rendent hautement hommage aux talents
incontestables de l'éloquent et du zélé mis
sionnaire, qui sait se faire admirer dans
ses humbles missions des campagnes, com
me dans ses prédications plus brillantes
en ville.
M. l'abbé Bossaert a reçu de Dieu un
rare talent pour annoncer la parole sainte;
il réunit éminemment toutes les qualités
qui recommandent l'orateur sacré une
élocution facile, une voix sonore et per
çante, une onction capable de captiver et
d'émouvoir tous les cœurs, une noble sim
plicité de langage, le geste facile et naturel,
une logique claire et profonde.
Les personnes, qui assistent régulière
ment aux instructions que le respectable
vicaire donne l'église de S1 Martin doi
vent se souvenir l'avoir entendu traiter
éloquemment et avec érudition plusieurs
matières intéressantes, entr'autres l'in
fluence de la Religion sur la société, l'in
fluence delà confession en particulier sur
les intérêts matériels des nations, le devoir
LE DUEL DU CURÉ.
rigoureux des grands de donner leurs
enfants une éducation religieuse. Derniè
rement encore, il s'est surpassé lorsque
prêchant sur la lecture des mauvais livres
et sur les dangers du théâtre, il attira
l'attention d'un immense auditoire par la
citation de documents nombreux et con
vaincants. Ypres peut donc se glorifier de
posséder en la personne de M. i'abbé Bos
saert, un des prédicateurs les plusdistingués
du diocèse, qui depuis plusieurs années
annonçant la parole sainte la cité toute
entière, se fait toujours encore écouter
avec un nouvel intérêt.
QUELLE LOGIQUE!
On lit dans le dernier n° du Progrès:
Dans son dernier n°, le Propagateur,
en défendant un acte posé en 1847, par
M. Malou, nous décoche, en son joli style
ordinaire, une accusation de servilisme
en due forme; la diatribe du Progrès,
dit-il, se trouve entièrement calquée sur
les sornettes de ses chefs de file; et puis,
pour prouver que lui n'est jamais cou-
pable de copier ses chefs de file, il copie
p littéralement un article, en trois colonnes,
du Journal de Bruxelles: Quelle logi-
que! a
Quelle logique! s'écrie l'honnête folli
culaire, et cependant voyons un peu de
quoi il est question.
11 y a quinze vingt jours, que faisant
mention des indignes calomnies dont MM.
de Theux et Malou furent l'objet de la part
du Progrès, h propos d'une convention con
clue en 1847 avec la ville de Gand, nous
écrivions la phrase suivante, objet des in
criminations que l'on vient de lire:
Commela diatribe du Progrès se trouve
entièrement calquée sur les sornettes de
ses chefs de file, il nous suffira pour en
faire justice de reproduire la réplique
du Journal de Bruxelles ces derniers.
Yoilà pourtant la phrase bien simple,
bien claire, qui fait jeter les hauts cris au
Progrès! Eh bien notre tour et avec plus
de raison, nous nous écrions: quelle logi
que! Car il est faux (ainsi qu'on peut le
voir) que nous ayons adressé au journal
libéraliste le ridicule reproche de copier
ses chefs de file: l'unique blâme dont nos
paroles le frappent (et encore n'est-ce pas
en termes formels) c'est de s'être rendu
l'écho servile de leurs mensonges; men
songes que nous réfutâmes en empruntant
un article au Journal de Bruxelles. Le sim
ple sens commun doit suffire, ce nous sem
ble, pour faire justice du singulier reproche
de contradiction que nous adresse ce pau
vre Progrès aux abois.
Que n'a-t-il eu au moins le bon esprit de
se taire et de laisser là celle convention du
1" juin 1847, évoquée si malencontreu
sement par nos ministériels. On avait cru
créer des embarras aux honorables chefs
du cabinet de Theux; le parti et la presse
libéraliste touteentière poussaient déjà des
crisde jubilationet de triomphe; mais leur
joie fut de courte durée et les explications
fournies la Chambre par MM. de Theux
et Malou furent tellement convaincantes
que Y Indépendance elle-même se vit réduite
convenir que le cabinet du 51 Mars avait
bien fait ({accepter la responsabilité de cet
acte etc., etc. (Voyez notre n" 3485.,) En pu
bliant cette éclatante rétractation nous ex
primâmes le vœu suivant:
Sans doute le Progrès qui déploya tant
de bonne volonté et d'ardeur repro-
duire les assertions calomnieuses dont
M. J. Malou fut l'objet, s'exécutera d'aussi
bonne grâce, maintenant que les mêmes
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Ou s'abonne Y près, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, t*l chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIT HE L'ABOIXENKIIT, par trimestre,
Y près fr 3. Les autres localités fi 3 5o. Un n° 25.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine (insertions 19 centimes la ligne).
26 Février.
Vers la fin et par une des plus belles matinées
du mois d'août 1849, le soleil planait sur les ad
mirables massifs de la forêt de Fontainebleau,
dardant ses rayons et les retenant tour tour, au
moyen d'épais nuages blancs que la brise semblait
apporter tout exprès sous la voûte du ciel.
La grande route qui traverse la forêt, pour aller
Moret et k Villeneuve-la-Guyard, était a peu
près déserte, ainsi que cela a lieu sur beaucoup
de points, depuis l'existence des chemins de fer.
Les rares piétons que leurs affaires ou un but de
promenade attiraient de ce côté, avaient soin de
choisir les sentiers couverts qui avoisinent la route,
afin d'éviter la chaleur et la poussière.
Dans un de ces sentiers bordés de chênes et ta
pissés d'une courte verdure, on apercevait, séparés
par un intervalle de cent-cinquante pas environ,
deux personnages de tournure et ,de mine bien
différentes. L'un était un ecclésiastique de belle
Vous nous avez promis une politique
nouvelle, mais non uue logique nouvelle.
C'est trop de moitié. (Paroles de m.
Malou.)
Deux ou trois numéros avaient déjà parus.
corpulence, d'une attitude presque juvénile, quoi
qu'il eût passé la cinquantaine. L'autre pouvait
avoir vingt-cinq ans, mais on lui en aurait donné
un peu plus, eu juger par sa longue barbe, sa
chevelure flottaute que surmontait un chapeau
quelque peu excentrique, et une mise passable
ment en désordre. Il portait sous le bras gauche
un modeste paquet envelopéd'un foulard.
Tout deux lisaient en marchant et paraissaient
absorbés entièrement dans leurs réflexions. Le
prêtre tenait un livre, et le jeune homme des pa
piers qu'on pouvait supposer être des lettres.
Engagés sur la même ligne, en sens diamétrale
ment opposé les deux peuseurs arrivaient, leur
insu, droit a la rencontre l'un de l'autre. Bieu que
la distance entre eux diminuât de seconde en se
conde, le retentissement de leurs pas déjà amorti
par l'herbe humide de rosée, achevait de se perdre
au milieu d'un léger bruit de vagues que le vent
entretenait a la cime des arbres. Quiconque a fré
quenté les forêts, a dû éprouver plus d'une fois
combien cette sorte de mugissement aérien dispose
l'âme k s'isoler des objets qui semblent frapper les
yeux. I! devenait donc évident qu'une conjonction
allait s'opérer entre ces hommes qu'on aurait pu
comparer a ce moment, deux corps célestes qu'une
puissance invisible pousse fatalement k s'entre-
heurter. C'est ce qui ne manqua pas d'arriver.
Telle fut la puissance du choc que le livre vola
d'un côté, pendant que le paquet enveloppé d'un
foulard roulait sur la pelouse.
Arrêtés brusquement du même coup, les corps
célestes se mirent k se toiser de l'œil. Puis, après un
moment de silence, consacré de part et d'antre k
la stupéfaction, l'homme k la soutane allait ouvrir
la bouche quand son antagoniste, froissant ses pa
piers avec colère, lui lance brutalement cette apos
trophe:
Pardieu l'abbé, vous êtes bien maladroit
Monsieur, répliqua celui-ci, avec beaucoup
de douceur, je crois que la faute est réciproque.
Néanmoins je me disposais k vous faire mes excuses
en ce qui me concerne, et je m'acquitte de ce devoir
bieu volontiers, quoique k la rigueur, votre nia-