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JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
K<> 3489.
34me année
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TPK3S, 8 Mars.
Quiconque a suivi la polémique que dé
puis quelque temps nous soutenons contre
le Progrès au sujet du mandement de Mgr
de Paris, doit se sentir révolté de la mau
vaise foi de cette feuille. Du premier jour
nous déclarâmes que, diocésains du siège
de Druges, il nous fallait obéir notre
propre évêque, sans nous inquiéter d'une
mesure appliquée un autre diocèse. Si
l'archevêque de Paris prétendait (ce qui
est absurde) étendre ses prescriptions hors
du cercle de son archevêché, il se trou
verait en opposition non seulement avec
nos évêques nous, les seuls que nous
dussions reconnaître, mais même avec une
multitude de prélats français. Du reste, la
mesure prise par M*' Sibour est tellement
locale, que les évêques ses suffragants,
qui composaient le concile de Paris dont
l'archevêque déclare ne publier que les
résolutions, n'ont pas étendu celle mesure
leurs propres diocèses; cette mesure,
disons-nous, est tellement locale et tempo
raire, que Mgr Sibour, lui-même, étant
évêque de Digne, siégea l'assemblée con
stituante!
Or, moins que le Progrès nous sache
démontrer que l'archevêque de Paris est
investi de l'autorité sur toute l'Eglise,
moins qu'il sache démontrer que nous de
vons obéissance ce Prélat et non l'évê-
que de Bruges, suffrageant de l'archevêque
de Malines, nous tenons le vertueux con
frère, malgré tout son respect pour le digne
LE DUEL DU CURÉ.
(Suite.)
et saint Prélat, Monseigneur Sibour, malgré
toute l'indiguatiou dont nous menace sa
dévotion outragée, nous le tenons, non pas
tant pour un schismalique, quoiqu'il se
sépare de ses pasteurs légitimes, que pour
un janséniste hypocrite, puisque tout en
prétendant rester dans le giron de l'Eglise,
il combat les décisions de ses*supérieurs
ecclésiastiques et en appelle aux idées,
aux sentiments particuliers de quelque
personnage, qui bien que respectable, n'a
rien décider chez nous. C'est; en ce sens
que nous appliquâmes au Progrès les épi-
thètes de janséniste, d'hypocrite, que malgré
tout son courroux, il nous semble avoir
bien mérité. Nos lecteurs en décideront!
Mais il est faux, ainsi qu'il l'imprime mé
chamment, que nous n'ayons eu que ces
mots répondre son argumentation pré
tendue. Encore une fois, nos lecteurs sa
vent quoi s'en tenir sur ce chapitre.
Mais que dire du passage suivant de la
feuille libéraliste Il nous peine, dit-elle,
néanmoins d'apprendre que c'est un prê-
a tre, qui abuse si largement du vocabu-
a laire des injures notre égard; si nous
n'en avions la preuve d'ailleurs, nous la
a trouverions dans l'article même du Pro-
pagateur. Comment, s'écrie notre adver-
a sa ire, nous dont la mission est déclairer ce
même peuple, nous garderion^un lâche si-
lence! Aveu naïf! réponse compromet-
a tante etc.
Examinons les diverses allégations que
contient cette malencontreuse réplique, la
seule (si c'en est une) qu'on ait pu fournir
au n* du Propagateur du 1" Mars. Notre
adversaire, s'il fallait l'en croire, aurait
les preuves en main que l'auteur de cet
article est un ecclésiastique. Eh bien, nous
défions hautement le Progrès d'établir celte
allégation.
D'ailleurs, dit-il, nous la trouverions
(cette preuve) dans l'article même du
Propagateur et puis il se met repro
duire (comme on a vu plus haut) une
phrase isolée dessein et la travestit en
une prétendue apologie du clergé, tandis
qu'elle ne fut tracée que pour la justifica
tion propre du Propagateur. Voici le fait
Le n° 1025 du Progrès appliquait un
passage du mandement de Mgr de Paris
aux rédacteurs de notre journal. Certes
cette singulière prétention ne méritait
guère qu'un dédaigneux silence; nous vou
lûmes bien répliquer en ces termes
Mgr Sibour, au nom de la charité chré-
tienne, conseille son clergé la raodé-
ration en matière politique. Mais ce con-
seil pieux de l'archevêque de Paris, que
peut-il avoir de commun, ainsi que le
Progrès le prétend, avec le langage sévère,
la juste indignation que n'ont su que
trop souvent nous arracher les vues peu
secrètes, la polémique par trop transpa-
rente de la feuille voltairienne?
Evidemment il ne peut être question ici
que de l'application forcée faite par notre
adversaire des paroles du Prélat français
aux actes, la conduite propre des rédac
teurs du Propagateur. Ensuite nous conti
nuâmes en ces mots
Eh quoi! nous verrions un peuple trop
confiant s'engager sur la foi des apôtres
de l'erreur dans une voie pleine de périls
n et de désastres, et nous, nous dont la mis-
sion est d'éclairer ce même peuple, nous
a garderions un lâche silence
Mais ces derniers mots, que nous sou
lignons, et d'où le Progrès infère la colla
boration d'un ecclésiastique la rédaction
de notre feuille, nous semblent si peu
significatifs, qu'ils frisent le lieu commun.
En effet, la mission, l'unique mission de la
presse toute entière, quoique bien souvent
méconnue par elle, n'est-elle pas d'éclairer
le peupleQu'est-il donc besoin d'endosser
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PHIX DE L'AROUIEHENT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 -5o. Un n° a5.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 19 centimes la ligne).
Dans un n® précédent nous en démontrâmes l'opportu
nité, sans que le Progrès ai su nous répliquer.
Cependant, après avoir réfléchi quelques
instans, allons! allons! c'est égal, se dit-il réso
lument, il ne me convient nullement de passer
ici pour un sot ou pour un poltron, dût-il m'en
coûter la vie. Essayons les pistolets, peut-être
que la chance sera meilleure. Et il ouvrit les deux
boîtes.
Par ma foi, voilà de belles armes, on voit
que le maître s'y connaît. Aussitôt il se met les
charger toutes les quatre, les tire successivement
contre la cible, paraît médiocrement satisfait de
son adresse, recommence et recommence encore.
11 en était 'a la quatrième épreuve quand le curé
revint.
Eh bien monsieur, êtes vous content de
ces armes
Des armes, oui, répondit le tireur,il faudrait
être difficile pour dire non mais de moi, cela dé-
pend, et si vous maniez les pistolets aussi bien que
l'épée....
Votre observation est juste, dit le enré, je
dois vous faire connaître mon savoir. Ayez la com
plaisance, je vous prie, de charger les quatre pis
tolets, pendant que je vais aller placer ces quatre
figurines au fond du tir, pour me servir de but.
A cette demande, notre héros se sentit comme
fasciné par tant de sang-froid. Néanmoins il com
mença charger les armes, sans trop savoir ce qu'il
faisait. Il avait peine terminé quand il se trouva
nez nez avec l'abbé, qui venait de ranger ses
poupées en ordre de bataille, 'a deux centimètres
l'une de l'autre.
Vous avez fini, monsieur, vous n'avez pas
oublié les balles; c'est très bien, je vous remercie.
Et saisissant, k deux reprises, un pistolet de chaque
main, il se mit k compter une, deux, trois, quatre,
en faisant voler quatre têtes, suivant le numéro
indiqué.
Pour le conp le jeune homme pâlit malgré lui.
Le curé n'eut pas l'air de s'en apercevoir.
Monsieur, lui dit-il, je conviens que j'ai un
peu l'habitude de ces armes k feu. Mais j'en ai
d'autres là haut qui me 6ont moins familières;
ayez la bonté de venir choisir vous même. Nous
allons remonter ces deux boîtes; veuillez en pren
dre une et moi l'autre.
Sans attendre la réponse il rentra vivement dans
le pavillon et se dirigea vers l'escalier, suivi de sou
adversaire qu'on aurait pu comparer, eu ce mo
ment, k un somnambule agissant sous l'empire du
magnétiseur.
Parvenu au sommet de l'escalier, l'abbé poussa
une petite porte déjk enlr'ouverte, souleva un ri
deau k larges rayures, mi-partie rouge et blanc, le
retint avec son bras, fit signe au jeune homme de
passer le premier, entra derrière lui en laissant
retomber le rideau.
C'est alors seulement que celui-ci sortit de sa
stupeur pour tomber dans une antre.
La pièce, de même que celle du bas, avait toute
la dimension du bâtiment. DaDs le fond, vis-a-vis
de la croisée du milieu, se trouvait un prie-Dieu