9 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3512. 34ime année. 7PS.SS, 28 Mai. Le maintien du ministère devient de jour en jour moins douteux. Les combinaisons nouvelles dont il a été question ne pou vaient aboutir, devant la résolution bien arrêtée du cabinet de se maintenir au pou voir. Quant au parti libéraliste, il s'est prêté de bonne grâce cette manœuvre de politique nouvelle, et c'est agir sensément, puisqu'il Jui serait difficile de rencontrer des hommes préposés aux intérêts de la nation qui prissent plus cœur que nos ministres les intérêts du parti lui-même. Ses batteries sont donc toutes prêles, et le maintien du cabinet Rogier-Frère, arrêté l'avance, n'exige plus pour devenir un fait accompli que quelques jours de délai. On transformera alors ces hommesd'Etat en personnages indispensables; la soif de gou verner s'appellera dévouement, et ministé riels et libéraux dissidents scelleront leur nouveau pacte aux dépens de l'hydre clé ricale, convaincue d'être cause de tous ces maux. Cependant les récriminations l'encon- tre du parti conservateur vont bon train; nos libéralisles qui ont coutume de lui at tribuer touteequ'ils craignent ou détestent; affirment que les représentants de la droite espèrent d'arriver la dissolution des Chambres. Sans reconnaître l'exac titude de cette assertion, il ne nous répugne guère d'avouer qu'une dissolution parle mentaire n'a rien qui nous effraie. Que les auteurs de la loi sur les successions éprou vent plus de soucis,cela se conçoit; et si le scrutin électoral venait condamner un système, une mesure fiscale que condam na, il y a vingt ans, une révolution émi nemment nationale, quoi de plus simple, de plus naturel? Mais les hommes du pou voir n'auront garde de tenter cette épreuve; tout l'annonce, ce n'est pas la nation, c'est le parti libéral seul, qui sera consulté. faWWMUM. [M ACTE ACCUSATION. Le procureur-général près la cour d'ap pel de Bruxelles expose que la cour, par arrêt du 16 avril 1851, a envoyé devant la cour d'assises de la province du Hainaut les nommés 1° Alfred-Julien-Gabriel-Gérard-Hippo- lyte Visart, comte de Bocarmé, âgé de 32 ans, propriétaire, né au camp de Welte- vreden, Java, et 2° Lydie-Victoire-Josèphe Fougnies, âgée de 52 ans,épouse dudit comte de Bocarmé, née Péruwelz et demeurant tous deux Bury. Accusés des crimes prévus par les arti cles 301, 502, 59 et 60 du code pénal. En conséquence, le procureur général soussigné a rédigé le présent acte d'accu sation, par lequel il expose qu'il résulte des pièces du procès les faits eulétails sui vants Le comte Hyppolite Visart de Bocarmé, appartenant par sa naissance l'une des premières familles du Hainaut, avait épou sé en 1839, Péruwelz, la fille d'un ancien épicier qui n'avait que deux enfants et dont le fils, amputé de la jambe droite, n'annon çait pas une bien forte constitution. Aussi l'accusé, avant même de contrac ter ce mariage, entrevoyait-il déjà la fin plus ou moins prochaine de Gustave Fou gnies, son beau-frère; et après s'être assuré plus tard les biens de sa femme par un testament, il n'hésita pas consulter le docteur Semet sur les chances de vie ou de mort que Gustave pouvait avoir. Mais Gustave songeait également se marier. Il en avait déjà eu l'idée en 1846, et il était sur le point de le faire au mois de novembre dernier, lorsqu'il mourut tout-à-coup au château de Bitremont, qu'habitaient les accusés, et dans la cham bre même où il venait de dîner avec eux. Ceux-ci en informèrent, le lendemain, M"" de Dudzeele et sa fille, arvecjjui Gustave devait se marier et la comtesse elle-même chargea un domestique d'aller dire ces deux coquins que son frère était mort d'une apoplexie. L'état du cadavre indiquait cependant une mort'toute différente puisque l'autop sie a constaté sur la partie antérieure du nez une profonde contusion, sur la joue gauche de nombreuses égralignures qui paraissaient fournies par des coups d'on gle; sur la région maxillière gauche une corrosion entamant l'épiderme, et qui sem blait produite par un caustique liquide; enfin sur la langue, dans la bouche, dans la gorge et dans l'estomac, des traces nom breuses qui indiquaient le passage d'une semblable substance. Les médecins-légistes ont conclu de ces observations qu'un liquide corrosif avait été ingéré pendant la vie, dans la bouche de Gustave Fougnies et avait produit la cautérisation de celte cavité et d'une partie du pharynx; qu'une portion de ce liquide, épanchée ou rejelée, avait cautérisé la par tie latérale gauche du cou, et que les vio lences exercées sur la face provenaient des efforts que l'on avait dû faire pour opérer l'ingestion et pour étouffer les cris de la victime. Le comte présentait d'un autre côté, la main gauche et la seconde phalange du doigt du milieu, une double plaie qui entamait le dernier, et qui était évidem ment le résultat d'une morsure, puisque deux dents se trouvaient encore emprein tes dans la plaie inférieure plus profonde que l'aute quand la justice se rendit, le 22 novembre, au château de Bitremont, il avait également conservé aux doigts et au dessous des ongles une teinte rosée, qui n'avait que trop de rapport avec les égra lignures dont le visage de Fougnies offrait de nombreuses traces. Tout cela deman dait une explication qui fut loin d'être sa tisfaite, et l'analyse chimique ne tarda pas démontrer que Gustave Fougnies était mort empoisonné par de la nicotine, al cali narcotique, provenant du tabac et qui forme l'un des poisons les plus violents. L'instruction acquit ensuite la preuve que l'accusé faisait depuis dix mois une étude particulière de ce poison, dont il avait obtenu par ses travaux, quelques jours avant la mort de Gustave, deux peti tes fioles qu'on n'a plus retrouvées depuis cette époque. Aussi la comtesse accuse-t-elle formelle ment son mari d'avoir empoisonné son frère, et quoique le comte lui-même recon naisse aujourd'hui avoir fabriqué la nico tine qui a tué Gustave, sans toutefois s'ex pliquer sur la main qui la lui aurait administrée, nous ne croyons pas inutile de rappeler sommairement les faits qui ont provoqué, préparé, accompagné et suivi le crime du 20 novembre. En épousant Lydie Fougnies, dont on exagérait le patrimoine, le comte de Po- cariné était loin de se créer une position opulente, puisqu'il ne recevait de son beau-père qu'une pension de deux mille francs, et qu'il n'apportait, de son côté, que 2,400. D'aussi faibles ressources ne s'accordaient pas avec un grand train de maison, avec un domestique nombreux, ni surtout avec les dérèglements de l'ac cusé, qui ne tarda pas avoir un second ménage dans les faubourgs de Bruxelles. 11 se vit donc bientôt obligé de recourir des emprunts journaliers chez son notai re, qui il doit environ 4,300 fr. de ce chef. Et quoique M. Fougnies père, décédé en 1845, eut laissé sa fille un revenu de 5,000 fr. en biens-fonds, cet accroissement de fortune était loin d'assurer l'avenir des accusés, puisque leurs dépenses allaient tous les jours en augmentant et qu'elles ont même provoqué, depuis 1846, des alié nations sans emploi pour une valeur de 95,000 fr. Tout cela ne l'empêchait pas d'avoir encore pour 7,000 fr. de dettes criardes, dont quelques unes remontent la même époque, et dans lesquelles nous voyons figurer des domestiques ou de simples journaliers pour des sommes de 30, 15, 10 et 3 fr. Ils avaient enfin si complètement perdu leur crédit que le comte s'était vu réduit engager pour 400 fr. au mont-de-piété, Bruxelles, une parure qui s'y trouve en core et qui appartient sa femme. La ruine des accusés était donc immi nente, si la mort de Gustave sur laquelle on comptait depuis longtemps, ne venait VÉRITÉ ET JUSTICE. Ou s'aboune Y près, tue de Lille, 10, près la Grande Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. Pltl\ DE L'%ROV\EME*T, par trimestre, Ypres fr 3. Les autres localités fr 3-5o. Un n° q5. Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine (insertions 19 centimes la ligne).

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Le Propagateur (1818-1871) | 1851 | | pagina 1