JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3518.
Mercredi, 18 Juin 1851.
34me année.
7?B.ŒS, 18 JUIN.
DE BOCARMÉ.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne a Y près, rue de Lille, io, près la Glande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX L'ABONNEMENT, par trimeatre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° 25.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaquesemaine, (insertions 19 centimes la ligne).
REVUE POLITIQUE.
La Chambre des Dépniés du Pie'inont a défait,
dans sa séance du 12, ce qu'elle avait fait la veille
relativement au port franc de Nice.
Le 1 1 elle avait décidé que le port franc serait
supprimé en 1854, mais que déjà en i853 l'on
adopterait une nouvelle révision des tarifs. Par le
vote du 12, cette dernière disposition a été main
tenue, mais non connue condition de l'abolition du
port franc; de sorte que l'abolition devra avoir
lieu en i854 quand même la révision des tarifs
n'aurait pas été votée en 1853.
Deux des soldats romains condamnés mort
pour crime de tentative d'assassinat sur des milli-
taires français ont été fusillés, le 10, Rome. Les
autres condamnés mort obtiendront, dit-on, une
commutation.
Les quatre condamnés mort dans l'affaire du 5
mai se sont pourvus eu révision.
Le Sénat de Hambourg a publié un avis pour
engager tous les habitants éviter tout nouveau
conflit avec les soldats autrichiens. Il rend compte
en même temps des démarches qu'il a faites pour
décider le commandant autrichien retirer les
nouvelles troupes dont il a renforcé la garnison.
Il est arrivé le 16 des nouvelles d'Alger du 10.
Elles annoncent la fin de la campagne entreprise
contre la petite Kabylie.
M. de Block, régent de l'école des orphelins
Ypres, est nommé vicaire de l'église de St-Pierre,
de la même ville.
M. de Rycke, coadjuteur Arseele, est nommé
vicaire Anseghem.
UNE DÉESSE.
Suite.
Sans tenir compte du découragement profond du digne
vieillard Étienuette le prit par les deux mains, et, l'obligeant
se baisser, le guidant avec précaution, réchauffant ses doigts
entre les sien3, elle parvint, sa us trop de peiue, le faire
sortir de la grotte. Alors elle lui donna le bras, se dépouilla de
sa maiute pour l'en couvrir, et le conduisit, sans accident,
jusqu'à la ferme où elle entra après lui, le front rayonnant,
le cœur agité, mais joyeux.
C'est nous, Marcel, dit la jeune fille en frappant la
porte de la chambre où son fiancé s'était réfugié, la course est
faite, ouvrez.
Marcel ouvrit, et, serrant la main d'Éticnuette, il la remercia
avec effusion. Lorsque la mère Guiraud vint s'informer des
proscrits, elle les trouva près d'un bon feu et réparant leurs
forces épuisées une table que la jolie fermière avait garnie des
meilleures provisions de sou garde-manger.
Eli bien! monsieur le marquis, demanda Marcel, êles-
vous uu peu plus solide sur vos jambesmaintenant
Oui, mon fils, mais ce n'est pas ce bon feu qui m'a
réchauffé, ce n'est pas cet excellent pain qui m'a nourri, ce
n'est pas ce vin pur qui m'a ranimé... c'est la vertu de nos
hôtesc'est la joie d'avoir enfin rencontré des âmes honnêtes
comme la tienne. On nous avait doue trompés sur le compte
de ce pauvre brave Guiraudhein où est-ilGuiraud
Notre homme est au village, monseigneur, répondit la
fermière, et comme ce serait offenser Dieu que vous tromper
Nous avons appris, non sans une vive satisfac
tion, que la plupart des députés des Flandres par
tagent notre opinion, et sont décidés a s'opposer
au principe d'un droit quelconque sur les succes
sions en ligne directe.
Le ministère n'ignore pas cette disposition des
Flandres et semble peu rassuré sur le succès d'un
vote de confiance. Depuis quelques jours, les re
présentants appartenant b la majorité, ont été l'ob
jet de bien de cajoleries et d'obsessions; rien n'a
été négligé pour faire revenir les députés récalci-
frans des meilleurs serniinens (pour nous servir
de l'expression d'un haut fonctionnaire.
{Journal des Flandres.)
AFFAIRE DU COMTE ET DE LA CORTESSE
Résumé de l'audience de samedi soir.
A cinq heures et demie l'audience a été ouverte
et la parole a été donnée Me Harmignies, second
défenseur de Mme de Bocarmé.
M° Harmignies s'est attaché suivre pas pas
M.'le procureur du roi dans sa réplique et a ré
futer tout ce qui était la charge de sa cliente.
A huit heures et demie, M" Harmignies a ter
miné sa plaidoirie.
M. le président a alors posé au jury les ques
tions sur lesquelles il aurait répondre. Les voici
1 "question. Alfred-Julien-GabrielGerard-
Hippolyte Visart comte de Bocarmé, ici accusé, est-
il coupable d'avoir Bury le 20 novembre i85o,
commis un attentat b la vie de Gustave Foiigmes
sou beau frère, par l'effet de substances qui peu
vent donner la mort.
2m° question. Alfred-Julien-Gabriel-Gé
rard- Hippolite Visart coinle de Bocariué, ici ac
cusé, est-il coupable de s'être reudu complice du
fait criminel repris et inenliouné dans la question
qui précède pour avoir douné des iustructious pour
le commettre.
3m* question. Alfred-Julien-Gabriel-Gé-
rard-Htppolite Visart comte de Bocarmé, ici ac
cusé, est-il coupable de s'être rendu complice du
je vous dirai que Guiraud ne se conduit pas bien du tout; il
s'est laissé eujolcr par les mauvais sujets du pays, et il fait
bande avec eux contre les royalistes, contre tes prêtres contre
vous... mais c'est égalvous avez bien fait de veuir nous
trouver, nous sommes restéesma fille et moi, les servantes
de madame le comtesse et les servantes du bon Dieu... C'est
un grand houneur pour nous que de vous donner l'hospitalité,
et personne n'osera vous poursuivre ju>que daus cette ferme
qui vous appartient de la cave au grenier.
Le marquis tendit la maiu la mère Guiraud, sans ré
pondre, mais deux larmes coulèrent suj ses joues.
Quand reviendra M. Guiraud? demanda Maroel.
A la uuil, peut-être bien tard, car les citoyens de la
commune sont plus bavards que raisonnableset lorsqu'ils se
chamaillent ça dure longtemps.
Alors, nous partirons dès que la nuit sera venue.
Partir! s'écria Èliennelte, vous n'y pensez pas!
Est-ce que vous craindriez d'être déuoucés par Guiraud?
ajouta la fermière pour ça, je réponds de lui...
Eh! mou Dieu, chère mère, répliqua Marcel Reconnais
les hommes de ce temps, ce qu'ils ue fout pas par méchanceté,
la peur de leur fait faire Nous sommes hors la loi, M le mar
quis et moiet c'est par miracle que nous nous sommes évadés
de la prisou de Voirou; suivis la piste, traqués comme des
loups, toute maison qui nous abrite est livrée la colère de nos
ennemis, toute charité qui nous est faite est punie comme un
crime; nous lie voulous pas vous exposer la fureur de ceux
qui nous donnent la classe nous ue voulous pas mettre
répreuve l'bumanité-du citoyen Guiraud; ainsi, nous partirons
ce soir; mais ne nous plaiguez pas, car nous rentrerons au
château, nous pourrons nous cacher là mieux qu'ailleurs...
faii criminel repris et mentionné dans la 1" ques
tion pour avoir procuré la substance ou tout autre
moyen qui a servi 'a l'action sachant qu'il devait y
servir.
4m° question. Au moins Alfred-Julien-Ga-
briel-Gérard-Hippolite Visart comte de Bocarmé,
ici accusé, est-il coupable de s'être rendu complice
du fait criminel repris et mentionné en la 1" ques
tion pour en avoir avec connaissance aidé ou as
sisté l'auteur ou les auteurs dans les faits qui l'ont
préparé ou facilité ou dans ceux qui l'ont con
sommé.
5m" question. Lydie-Victoire-Josephe Fou-
gnies, épouse dudit comte de Bocarmé, ici accusée,
est-elle coupable d'avoir Bury, le 20 novembre
i85o, commis volontairement un attentat b la
vie de Gustave Fougnies son frère, par l'effet de
substances qui peuvent donner la mort plus ou
moins promptement.
6°" question. Lydie-Victoire-Josephe Fou
gnies épouse dudit comte de Bocarmé, ici accusée,
est-elle au moins coupable de s'être rendue com
plice du fait criminel repris et mentionné dans la
5"1" question pour avoir douué des instructions
pour la commettre.
7™" question. Lydie-Victoire-Josepbe Fou
gnies, épouse dudit comte de Bocarmé, ici accusée,
est-elle coupable de s'être rendue complice du fait
criminel repris et mentionné dans la bm° question
pour a voir procuré la substance 011 tout autre moyen
qui a servi b l'action sachant qu'il devait y servir.
8m° question. Au moins Lydie-Victoire-Jo-
sepfye Fongnies, épouse dndil comte de Bocarmé,
est-elle coupable de s'être rendue complice du fait
criminel repris et mentionné dans la 5m* question
pour en avoir avec connaissance aidé ou assisté
l'auteur ou les auteurs dans les faits qui l'ont pré
paré ou facilité ou dans ceux qui l'out consomme.
Il était neuf heures quand le jury est entré dans
la salle des délibérations. Un quart d'heure après,
b peine, la sonnette s'est fait entendre. Un frisson
b parcouru la foule énorme qui se pressait dans la
salle et refluait jusque dans le prétoire. Une délibé
ration aussi courte paraissait l'indice d'une con-
Et, du moins, si nous y sommes découverts et an étés,
interrompit le vieillard avec uu pâle sourire, nous n'aurons
entraîné personne daus notre ruine. L'nn de mes bourreaux
me fera bien la grâce de m'assassiner au logis de mes pèreset
tout sera dit! il est grand temps que j'en finisse avec les mé-
chans.
Etiennette approuva la résolution des proscrits car elle se
promettait de veiller sur le ohâtrau et de le préserver.
Quant la nuit fut venue, la vaillante j< une fille se chargea
de conduire les réfugiés, elle fit prendre au marquis des habits
de son pére, le costuma en vieux paysan des montagnes, et
offrit, non sans rougir, Marcel, de se coiffer de sa propre
cornette et de jeter par dessus l'un de ses cotillons rouges, uue
mante capuchon qu'elle poitait dans ses jours de toilette.
Ainsi déguisés, le Marquis et Marcel se mirent en route et
arrivèieut au château sans avoir fait de fâcheuses rencontres.
III.
Marcel avait été bien inspiré lorsqu'il avait conçu le projet
de ramener le marquis de Pavy dans son château. Grâce fa
vigilante protectiou d'Étiennetteles recherches des limiers
révolutionnaires u'avaient pu péuétrer jusqu'au réduit qu'oc
cupaient les deux réfugiés, dans oe bâtiment qui leur eut paru
désert, si la comtesse ne se fût empressée de le livrer leurs
minutieuses perquisitions. Grâce cette protection, lecitoyeu
Guiraud avait toujours fait valoir de bonnes raisons pour em
pêcher les zélés jacobius de Saint-Pierre de mettre le feu au
château, et le vieux gentilhomme commençait croire qu'il
mourrait de sa belle mortdans son manoir sans essuyer de
nouveaux outrages.