JOURNAL D'YPRIS ET DE L'ARRONDISSEMENT.
9
No 3525.
34me année.
7pples, 12 juillet.
La lettre suivante nous a été adressée,
l'occasion d'un article intitulé: De la tan
gue flamande et de son avenir. Nous insérons
cette lettre dans nos colonnes bien que son
auteur n'en ai pas formellement manifesté
le désir.
UNE DÉESSE.
Ainsi qu'on a pu voir par la lettre pré
cédente, l'auteur de l'opuscule: Qu'est-ce
que la méthode appliquée renseignement
moyen nous fait hommage d'un exem
plaire de son travail. Nous savons gré
M. Yercamer de cette façon d'agir: de
nous avoir ainsi jeté son gant, visière
haute.
Cependant, nous constatons avec plaisir
que M. Vercamer adhère et applaudit ce
que nous avons soutenu dans notre der
nier article. De notre côté nous reconnais
sons qu'habitués aux luttes ardentes de
l'arène politique, il a pu nous échapper
quelques expressions, qui, pour être jus
tes, notre point de vue, n'en ont pas
moins pu paraitre trop acerbes aux yeux
de l'auteur dont nous incriminions l'ou
vrage. Ces expressions, nous nous empres
sons de les retirer.
Toutefois, nous ferons remarquer, par
rapport la présente lettre, que le frag
ment philologique que nous avons publié
d'après le Progrès renfermait autre chose
que cette assertion, malheureusement trop
exacte: que dans l'état actuel des esprits, la
langue flamande est dédaignée par les classes
intelligentes, ou pour mieux dire, par la
grande majorité de ces classes. Or, c'é
taient précisément ces autres idées que
nous attaquâmes.
Nous ne pouvons également partager l'o-
pinion de M. Vercamer, alors qu'il avance
que tios écrivains flamands croupissent
dans l'ornière des vieilles idées. Sans doute,
il' ne peut être question ici de tel ou tel
rimeur de village. Quant aux écrivains de
talent, ils ne méritent certes pas ce genre
de reproches, ou pour parler plus juste,
ce sont ces vieilles idées même qui sont leur
plus beau titre de gloire. Que sont-ce, en
effet, que ces vieilles idées, dont leurs œu
vres portent l'empreinte? La plupart res
pectent la Religion, et la Religion, pour
être ancienne, n'en est pas moins divine
pour cela. Ils vénèrent la liberté, et la li
berté chez nous est ancienne comme la
Flandre et comme ces vieux Saxons dont
nous sommes descendus. Ils célèbrent nos
antiques gloires et nos vieilles trophées,
et quel mal, enfin, si ce n'est pas d'hier
seulement, que l'amour de la patrie em
brase les âmes, forme les héros, guide des
peuplesentiers dans le chemin de la gloire?
En dernier lieu, que sont-ils ces besoins
réels des masses dont les écrivains flamands
devraient avant tout s'occuper, d'après M.
Vercamer Leurs besoins intellectuels nous
semblent entièrement compris dans tes
vieilles idées dont nous venons de dire un
mot; quant aux besoins du corps, une
honnête aisance, dans laquelle la littéra
ture n'a pas intervenir, c'est tout ce qu'il
faut pour y pourvoir.
Les solennités du jubilé ont été closes
hier, bien que le jubilé continue pour la
ville d'Ypres jusqu'à la fin du mois. Il est
indéniable qu'un bien immense a été opéré
ces derniers jours dans Ypres. A S1 Martin
tous les jours une foule de monde, aussi
nombreuse que choisie, commencer par
VÉRITÉ ET JISTICE.
Ou s'abonne Ypres, rué de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRI\ DE L'ABONNEMENT, par trimestré,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3-5o. Uu n° 25.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 19 centimes la ligne).
Ypres, le ÎO Juillet l§«l.
Monsieur le rédacteur du propagateur
Vous avez traité un peu amèrement les idées que
j'ai émises récemment, dans une brochure, sur la
langue flamande. Mon intention n'est pas de ré*
criminel* contre votre critique, quelque peu bien*
veillante qu'elle soit. Si vous daignez parcourir
mon traité que je vous adresse, vous verrez, a la
dernière page, qu'en publiant ce petit travail, je
n'ai eu d'autre but que d'émettre au grand jour
de la discussion une opinion personnelle, sauf b
écouter les réponses de mes adversaires doDt je ne
peux que profiter, en même temps que le public.
Tout ce que vous dites dans votre article de Mer*
credi passé en l'honneur et sur l'avenir de l'idiome
de nos pères, je De puis qu'y adhérer et y ap
plaudir; mais tout cela ne détruit pas cette asser
tion que dans Vétat actuel des esprits, la langue
flamande est dédaignée par les classes intelli
gentes. Je veux bien convenir avec vous que c'est
un mal mais la, seulement, où nous différons peut-
être, c'est sur le choix du rémède y apporter. A
mon sens, les écrivains flamands ne relèveront leur
laugue maternelle, ne survaincronl l'indifférence
publique que lorsqu'ils abandonneront l'ornière
des vieilles idées et feront raisonner des accents
(Suitevoir n" 35i8.)
Guiraud prit sa fille par un bras et la conduisit dans le
verger. Là, tout en se promenant de long en large, le fervent
patriote commença par exposer qu'il devenait suspect ses
collègues de la municipalité, qu'il ne tarderait pas perdre
toute son influence, et que de la suspicion l'échafaitd il n'y
avait pas loin.
Étiennetle tressaillit sa pensée s'envola vers le château, et,
se livrant ses terreurs, puissamment émue par le danger qui
menaçait et son flaucé, et son père et ses biénfaiteurs, elle
demanda s'il n'y avait aucun moyen de le conjurer.
Tu sais bien, ma chère petite, que je te consulte en tout
et pour tout je ne sais rien faire sans tes conseils, et c'est pour
les avoir, ces conseils, que j'ai voulu causer avec toi aujour-
d liui. Oui, je sais un moyen de tout remettre eu place.
Parle vite.
Et tu seras bien heureuse quand tu sauras que je te
devrai mou salut.
A moi
A toi seule.
Que faut-il faire, me voilà prête,
Bien sûr
A moins <ft»'il ne faille Offenser Dieu.
Hum! fit Guiraud, c'est justement là que le bât me
blesse... Après tout, offenser Dieu n'est pas le mot, car Dieu
lit dans nos cœurs et pénètre nos iulen lions.
Sainte Vierge! de quoi s'agit-il donc
Tu sais, ma mignonneque je suis assez bon chrétien
quoiquepar rusej'aie peu pratiqué ma religion depuis près
vibrants a l'unisson des besoins réels des masses,
de ces seules classes où le flamand est la langue du
berceau, et passez-moi ce mot, celle du pot au feu.
Alors, mais alors seulement, on^verra se produire
en notre pays la révolution liugèestique que vous
signalâtes, l'autre jour, pour l'Allemagne.
Agréez, Monsieur, mes salutations cordiales.
(Signé) Ch. VERCAHER.
de trois ans... tu sais cela... eh bienne voilà-1 il pas que les
jalouxles envieux, dont je suis enveloppé, ont cru m'eubar-
rasser bien fort en me demandant de le faire figurer dans la
cérémonie du 3o floréal.
Quelle est cetle cérémonie!'
Une bamboche, une vraie bamboche tu t'habilleras tout
en blanc, tu te coifferas d'un bonnet écarlale semé d'étoiles
d'or, tu seras superbe de la téte aux pieds, comme toujours; on
te mettra sur uu brancard, on te proraèuera par les rues, puis
on t'asseoira sur l'autel de i'église Saint-Nicolas.
Sûr l'autel oïl m'asseoira sur l'autel
Gardienne! uu drôle d'autel; est-ce que notre pauvre
église est encore la maison du bon Dieupar hasard est-ce
que tous ces butors n'en dut pas fait uu temple de la Raison
Bref, quand tu seras sur l'autel, les nigauds de la commune
'viendront te faire la révérence, car tu seras pour eux, pendant
tout uu jour, la déesse de la Raison.... et on nous laissera la
paix jusqu'à l'an prochain. Tu vois, ma poulette, que tout ça
n'est pas bien malinet que nous eu serons quittes pour une
faree.
Et vous avez accepté cette proposition.
Sans hésiter, sans barguiguer... Ah beuî si j'avais fait la
moindre grimace, mou compte aurait été bientôt réglé. Les
anciens sont restés tout penauds; ils croyaient que j'allais
refuser, et ils s'appi étaient nie traiter en aristocrate, en con-
tre-révolutionnaireen girondin.... Merci je sais trop ce que
ça rapporte.
Eh bien mon père, vous vous êtes mis dans un mau
vais cas.
Hein?
Vous vousétesmisdaaslecas de me faire guillotiner, moi.
Allons dôiic.
Après touttna mort voiis sera utilecar elle fera briller
votre dévouement la République. Jamais je ne me prêterai
ce scandalecette infamiecette impiété. Plutôt que
d'outrager le bon Dieu, je me ferai déchirer en morceaux.
Comment tu serais sotte au point...
Au point de vous faire honneur en ne Rie déshonorant
pas. Tenezmon cher père, ne parlons plus de ces vileniesje
vous ai dit mon dernier mot, il n'y aura plus de neige sur le
Mont-Blanc quand vous me verrez masquée en déesse de la
Raison... fi donc!... n'êtes-vous pas honteux?...
M Étiennette s'écria Guiraud en retenant sa fille avec vio
lence... Réfléchis bien ce que tu veux faire... ma parole est
eugagée, je ne veux pas reculer.
Et moi je reculerai encore moins... accusez-moi, dénon
cez-moi, faites-moi jeter en prison, vous êtes maître de mes
jours; mais de ma conscience, mais de mou âmemais de ma
religion, je puis seule disposer. Or j'en ai disposé déjà, tout
cela appartient au Dieu que je sers, et s'il faut mourir pour
lui, je mourrai sans peur, sans reproche, avec plaisir.
Étiennette, je te donne jusqu'à ce soir pour réfléchir, et je
ne te quitterai pas d'ici là. Si tu ne te soumets pas, tu seras
responsable d'épouvantables malheurs.
Le malheur que je redoute le plus, c'est d'être vile et
lâche je ne serai ni l'uue ni l'autre.
Et, sur ce mot noble et hardila jeune fille se détachant de
l'étreinte de son père, courut trouver madame Guiraud et se
jeta tout en pleurs dans ses bras.
Lorsque la fermière fut instruite de la scène qui venait de
se passer, elle eut peine retenir sou indignation, et elle
pressa son enfant sur sou cœur avec amour. Le maire de
Sainb-Pietre se présenta dans la chambre, et contempla d'un
œil sombre et hagard sa femme et sa fille.
(Pour être continué,)