JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3527.
34me année,
Lorsqu'en 1847, les affiliés du libéra
lisme convièrent le pays déposséder du
pouvoir, les hommes tels que MM. Malou,
Dechamps, Delheux, pour investir de la
dignité ministérielle les Frère, les Rogier
et d'autres favoris des clubs et des loges
maçonniques; lorsque l'unisson tous les
organes de la politique nouvelle, répétè
rent cor et cri qu'il fallait purger les
bancs de l'Assemblée législative de la mau
dite engeance cléricale, pour y introduire
des députés selon le cœur et l'esprit de
ceux qui avaient passionné le public de
leurs fastueuses promesses, le corps élec
toral, les contribuables en général étaient
loin sans doute de soupçonner, qu'entre
les mille et une belles réformes promises
figureraient l'impôt sur les successions en
ligne directe et toute cette série de charges
nouvelles destinées porter la vie dans la
province de Liège, pour laisser mourir les
autres contrées.
Non; ce n'est point dans le but de voir
frapper les successions paternelles que les
Vandenpeereboom les Debreyne et tant
d'autres esclaves du ministère reçurent
leur mandat; ce n'est point pour aider
vider la bourse publique qu'ils furent gra
tifiés d'une ration mensuelle au budget de
200 florins. Qu'ils aillent s'enquérir de l'o
pinion de ceux qui leur accordèrent leurs
suffrages, en matière d'impôts et de char
ges nouvelles, et ils s'assureront combien,
la bourgeoisie acceuille de mauvais gré,
la loi impopulaire qu'ils viennent de voter.
VIVE DÉESSE.
C'est au cri de l'économie que les élec
tions sur tous les points du pays se sont
faites. Le libéralisme exploita ce vœu na
tional. La majorité dont il dispose dans la
chambre prouve assez jusqu'à quel point
il réussit dans son plan de campagne. Cette
majorité le cabinet, peut-il compter de la
conserver? Nous en doutons fortement;
effrayés par les tendances ruineuses du
pouvoir bien des organes de la presse jadis
dévoués au libéralisme triomphant se sé
parent ouvertement du ministère et com
battent ses projets financiers.
Aussi quel est l'esprit sensé, qui sous
crirait la résolution prise par M. Frère
de décréter pour 120 millions de travaux
publics; quel est l'homme sage auquel il
ne répugne point de voter des impôts qui
pour la plupart écrasent la classe ouvrière.
Certes il a fallu au cabinet, saisir le mo
ment où la chambre se montrât esclave
jusqu'au dégré où elle est descendue, pour
parvenir bout de ses destins effrayants;
il a fallu profiter du moment où l'Assem
blée législative abdiqua toute dignité et
toute liberté d'action, pour que M. Frère
ne recula point de présenter une loi que
lui même il avoua publiquement n'être
point populaire. Ën d'autres temps nn dé
dain ennoblissant eut acceuilli ses projets
antinationaux; et jamais, hormis celte
époque les chambres belges, n'eussent hé
sité de renverser un cabinet qui se joue si
scandaleusement des vœux et des intérêts
du peuple.
Jusqu'à quand donc la Belgique sera-t-
elle condamnée porter ce joug de fer que
lui impose le soi disant libéralisme; jus
qu'à quand les électeurs se montreront-ils
aveuglés jusqu'au point de flétrir ces hom
mes qui prennent leurs intérêts cœur,
et de porter sur le pavois les esclaves d'un
pouvoir rétrograde et despotique. Nous ne
le savons guère; toujours est-il que le corps
électoral expie amèrement sa faiblesse et
sa condescendance, et qu'il est craindre
qu'il l'expiera jusqu'au jour où il fera sortir
du parlement bien des députés, parla porte
de leurs folies.
Le Conseil communal avait alloué sur
les fonds communaux l'occasion de la
kermesse, une somme de 400 francs, la
quelle devait être répartie entre lebataillon
de la garde civique, la compagnie d'arlil-
tillerie et celle des pompiers. Mais on vient
de donner ce subside une autre desti
nation; sur une motion de M' Cardinael
capitaine de la musique de la garde ci
vique, on a accordé cette somme audit
corps de musique pour se rendre au fes
tival d'Anvers. Celte motion a été particu
lièrement soutenue par M" les conseillers
Vanden Bogaerde etMerghelynck. qui sont
capitaine et officiers de cette garde, et qui
auraient mieux fait de défrayer conjoin
tement avec tous les officiers de la garde
civique, les musiciens qui ne se sont faits
musiciens, que parce qu'ils n'aimaient
pas porter le fusil, etc.
VÉRITÉ ET JMTICE,
Ou s'abouue Y près, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'IBIVIGHGNT, par trimestre,
Yprcs fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n« u5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de ohaque semaine (insertions IV centimes la ligne).
7PS.ES, Juillet.
Suit* H fin,
Le 3o floréal, de grand matin, nne bande de ferrens déma
gogues partit du village de Saiut-Pierre, escortant un vieux
carrosse confisqué quelque gentillâtre des environs le citoyen
maire était dans cette voiture entre ses deux adjoiuls, et il
offrait tous les regards un visage rayounaut. Sa large face
8*épanouissait d'orgueil et «Je joie. Des fifres, des tambourins
et des musettes précédaient cet étrange cortège, et chaque
patriote en sabots portait la boutonnière de sa carmagnole
des nœuds de rubaus tricolores, et des bouquets de fleurs.
Les musiciens, le carrosse et ses flanqueurs arrivèrent la
ferme des Moulins en faisant résonner un bruit discordant
d'aigre symphonie, de ferraille et de chansons demi-patrioti
ques et bachiques.
Et «lans la chambre de Mme Guiraud, la ferme, quelle
scène La comtesse, la pauvre fermière et sa fille étaient réu
nies: la comtesse et la mère Guiraud étaient en deuil, et
portaient des jupes de laine grossière; Étieunette était parée
d'une tunique blanche qui faisait ressortir la grâce de sa taille
et les perfections de son buste. Un cercle d'acier semé d'étoiles
d'azur enveloppait son front que couronnait le bonnet phrygien
de velours écarlate et la cocarde de l'indivisible République
un bouquet de fleurs ornait sa ceinture, et sur le fin tissu de
sa jupe éblouissante, on voyait brodés eu fils d'or, et le triangle
égrfiitaire et la devise mensongère des fondateurs du désordre.
Mais tout ce clinquant, oes habits de fête, seyaient moins
bieu la malheureuse jeune fille que sa robe de bure, son
fichu, sa mante capuchounée, ses petits sabots légers. Ce n'é
tait plus Etieunette, belle de fraîcheur, de santé robuste et
du candide vermillon qu'un mol badin faisait monter ses
joues; ce n'était plus Etieunette dont le regard pudique im
posait le respect aux passans qu'elle rencontrait dans les sentiers
de la vallée; ce n'était plus la jeune fille alerte et joyeuse qui
chantonnait des rondeaux champêtres en se rendant au vil
lage; ce n'était plus ta timide rêveuse qui se répétait les doux
propos de sou honnête fiancé. Hélas! Étieunette allait monter
sur le pavois des athées de Saint-Pierre, pour représenter la
déesse de la Raison dans la grotesque saturnale du calendrier
républicain.
Tant que sa vie avait été seule exposée, Éliennette avait eu
horreur xle la proposition de son père, elle avait préféré le
dernier supplice la lâcheté d'un sacrilège; mais Marcel était
captif, sa tète allait tomber, et pour la sauver cette téte chérie,
la pauvre enfant s'était senti le courage de s'humilier, quoique
son humiliation dût la mettre au tombeau Elle s'était donc
décidée, sa mère et la comtesse de Pavy Pavaient soutenue
dans sa résolution, et toutes deux avaient pris le deuil pour
parer la fiancée de Marcel de la blanche tunique, ornement
des victimes païennes marchant au sacrifice.
Éliennette, depuis la nuit de l'incendie du château, avait
toujours eu la fièvre; son visage était pâle et mélancolique, ses
yeux brillans reflétaient de sinistres éclairs, sa pose était non
chalanteaffaisséeson beau corps frissonnait, et ses lèvres
murmuraient sans cesse le nom de Marcel, le nom de ce bien-
Les journaux d'Anvers constatent qu'un coup
mortel vient d'être porté l'industrie et au com
merce des sucres pour la réduction de La décharge
de l'accise l'exportation. On sait que celte in
dustrie a été astreinte payer tous les trois mois au
trésor la somme de 875,000 fr. et qu'en cas de
déficit trimestriel, le rendement doit être élevé ou
la décharge réduite, ce qui est la même chose.
Or, la réduction de la décharge de l'exportation
a 57 fr. pour les utélis et h 5g fr. pour les caBdis,
porte le rendement pour Les premiers h 79 et pour
les seconds 76 i/4 p. c., tandis qu'en France le
rendement pour les pains est établi h 70 p. c., et
qu'en Hollande il n'est encore que de 73 p. c. Dans
ce dernier pays, le rendement pour les candis ne
s'élève qu'a 65 p. c. Ces chiffres sont assez élo-
aimé qu'elle sauvait tout prix. Lorsque le citoyen Guiraud
arriva devant la ferme, il descendit de son carrosse et se rendit,
aveo ses adjoints, dans la salle où l'attendait sa tille.
La comtesse avait pressé la tête d'Étiennette sur son oasur,
et après l'avoir exhortée A prendre courage, elle s'était dérobée
A tous les regards.
Bouté de l'Étre-Supréme! s'écria le maire, tu n'as ja-
maisété aussi belle,citoyenne déesse, et les aristocrates n'auront
qu'A te voir pour se mettre la raison.
Ge grossier jeu de mots excita la verve des patriotes, qui
piireut Guiraud,décidément, pour un gaillard bourré d'esprit.
Étiennette ne dit pas un motne versa pas une laitue, oc
fit pas un geste, et se mit en devoir de suivre sou père.
Madame Guiraud tomba genoux, baiaa la main de sa fille
avec douleur, avec amour, et lança un regard de lionne irritée
A son mari.
Le cortège réprit le chemin du village Étiennette av.it la
place d'honneur dans le carrosse les fifres et les musettes
jouèreut sans relâche, les citoyens dansèrent des carmagnoles
A la tête des chevaux, comme s'ils eussent précédé le char du
dieu de la folie en plein carnaval.
Madame Guiraud suivit A pied le cortège; elle le suivit de
loin, pleurant A sanglots.!. On eût dit une malheureuse mère
courant après le convoi funèbre de son enfant.
Arrivée A la maison commune, Étiennette fut reçue avec
de grands honneurs; des pétards furent lancés, des hymnes
furent entonnés, et la déesse monta sur le pavois qne hait
sans-culottes portèrent et promenèrent, sur leurs épaules, A
travers les rues tortueuses de Saint-Pierre.
Toute la population des champs, des bourgades, des ha-