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JOURNAL D'YPBES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 3534.
35me année.
13 Août.
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IQLQTMI
Lorsque la veille des élections de 1847,
les sectaires du soi-disant libéralisme, dans
le but de gagner la sympathie et les suf
frages des populations rurales, vantèrent
sur les toits l'estime des chefs de leur parti
pour l'agriculture, les fermiersétaientloin,
sans doute, de soupçonner que toutes ces
protestations, et toutes ces cajoleries n'a
boutiraient qu'à une froide indifférence,
disons plutôt un mépris formel ren
contre de l'industrie agricole. Le temps et
l'expérience pourtant ont démontré suffi
samment que ces hommes aux entrailles
libérales, aux bras desquels le pays s'est
jeté, n'affichent des égards pour l'agricul
teur, et ne témoignent pour sa profession
honorable de la sollicitude que lorsqu'il
s'agit bien de guerroyer contre le clérical,
et que l'un ou l'autre protégé des clubs et
des loges maçonniques, court risque de ne
point sortir victorieux de l'arène électorale.
A l'époque des élections, il n'est de mesure
protectrice que les spadassins de lacoterie
triomphante ne fassent entrevoir aux élec
teurs; il n'est de satisfaction personnelle,
d'amélioration générale qu'ils ne promet
tent; votez pour le candidat libérai, disent
les courtiers du commissaire de district,
el tout ira au mieux pour l'agriculture
Trop souvent nous avons entendu un
pareil langage, quand il s'agissait de met
tre deux candidats en parallèle; trop sou
vent les électeurs campagnards se sont
laissés prendre cette amorce séduisante.
Cent fois nous l'avons dit, et nous le
répétons avec la même assurance: le parti
libéral n'est fertile qu'en promesses; en
fait de faveurs, de protection pour l'agri
culture il est d'une stérilité désolante, et
mortelle, et loin de tendre au soulagement
des classes agricoles, tout son système nou
veau ne fait qu'activer la ruine de cette
branche importante de la richesse publique.
Évidemment;qu'est-ceautrechosequ'une
vexation alarmante, qu'une cause irrécu
sable de l'avilissement du bétail, que l'é
trange principe que professe le cabinet
Frère-Rogier, dans la législation qui auto
rise la libre entrée des bestiaux étrangers?
De tous les points de la Belgique les jour
naux publient des nouvelles les plus tristes
sur la situation des étables; dans nos en-
vironscomme partout ailleurs, les fermiers
selamentent sans cesse sur le prix toujours
décroissant du bétail; par suite de cet état
des choses, les étables se vident, les culti
vateurs ne pouvant continuer les appro
visionner gratis. L'engrais diminue, le
rendement de la terre s'affaiblit le progrès
s'arrête, et malgré cette perspective rui
neuse, le gouvernement fait la sourde
oreille, et considère en aveugle le malaise
qui tourmente nos laborieuxcampagnards.
Faut-il s'étonner dès lors des réclama
tions unanimes qu'élèvent les fermiers de
toutes les communes? On affiche une in
différence scandaleuse l'égard de l'in
dustrie mère de toutes les industries et
l'on entoure de protection tant d'autres
industries secondaires. Si l'on prohibe
l'entrée des fabricats, des fers, des houilles
et des poissons de l'étranger, pourquoi
persiste-t-on favoriser l'importation du
bétail au grand détriment de l'agriculture
nationale? Cette politique est-elle bien li
bérale et répond-elle aux voeux légitimes
du pays agricole?
Étrange aveuglement des hommes! la
vue de tant de négligence, de tant d'incurie
on se plaint, on s'alarme, et quand arrive
le jour de protester solennellement contre
une politique si fausse on demeure indif
férent, on balance devant l'urne électorale^
quant au choix faire entre un candidat
du parti de l'ordre, et un esclave du libé
ralisme.
La position que le gouvernement crée
aux cultivateurs sans contredit est bien
sombre et digne de pitié; il én est de même
de la conduite que tiennent les domina
teurs du jour envers la bourgeoisie com
merçante et industrielle, mais la justice
n'oblige-t-elle pas dire, que le tiraille
ment financier auquel le pays se trouve en
proie est plus ou moins mérité?
Quand au peuple, se jouant de ses de
voirs, les plus sacrés, quand oubliant l'im
portance immense qui lui incombe en
qualité d'électeur, il inscrit sur ses bul
letins des noms qui ne sont guère l'ex
pression de sa volonté propre, et que, cédant
aux violences et aux obsessions, il fait sortir
triomphants de l'urne électorale, les hom
mes d'un parti dont il répudie les actes et
les tendances, n'arrive-l-ii pas trop sou
vent que la Providence l'abandonnant au
gré de son délire, lui laisse subir les tristes
conséquences de sa déplorable insouciance
et de son inqualifiable élourderie?
Bien des nations voisines pourraient
répondre cette question que nous venons
de poser. La Belgique aussi commence
être instruite et pourrait donner quelques
utiles enseignements sur ce point; et le
moment peut-être n'est pas éloigné où trop
tard elle reconnaîtra, comme un ultra li
béral, M. De Perceval, l'a avoué dans une
séance récente de la chambre des repré
sentants, que toutes les mesures tendantes
améliorer ou favoriser le sort des classes
VÉRITÉ! ET JCSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, el chez les Percepteurs des Poste* du Koyaume.
PRIX DE L'.tRMIEHEIT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 -5o. Un n° a5.
I.e Propagateur parait le S%MEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 1* centimes la ligne).
«•US LA MONARCHIE.
(iSuite et fin,)
III.
Le temps a marché: nous sommes en 1^50.
Rien n'a changé dans la situation du malheureux régiment
d'Auvergne, qui est toujours au ban de l'armée.
En Flandres, en Allemagne, au Canada, dans l'Inde, partout
il s'est couvert de gloire, et oependant tout le sang qu'il a ré
pandu pour la France sur vingt champs de bataille n'a pu
laver la tache qui souille le revers de son habit.
Le gouvernement a été obligé de l'envoyer la Guiane pour
mettre un terme aux collisions sanglantes qui résultaient tou
jours de ses points de contact avec d'autres régimeus quand il
était dans la mère-patrie.
Il fallut cependaut que cette longue suspicion, qui pouvait
être injuste, eût un terme un régiment paria ne pouvait rester
dans l'armee sans réhabilitation ou sans licenciement.
Cette pensée existait depuis des années dans l'esprit et le
cœur du duc d'Agénois, qui en avait parlé souvent Louis XV.
Voyezd'Argenson répondait toujours le roi et avisez
ensemble ce qu'il y a faire. Moi je donnerai les mains
toui avec empressement, car je suis convaincu comme vous
qu'Auvergne est innocent: un coupable n'est jamais si fier ni
si brave.
M. d'Argenson était aussi de cet avis, mais il connaissait les
préventions de l'armée, et il ne savait pas comment il faudrait
s'y prendre pour les vaincre.
Ua jour il manda chez lui le duc d'Agénois, auquel il an
nonça que le roi venait de le nommer au gouvernement de
l'Alsace.
Vous allez partir pour Strasbourg, monsieur le duc
ajouta-t-il et vous y trouverez le régiment de Piémont.
Faites tout ce que vous pourrez pour le préparer une récon
ciliation dont l'initiative doit venir de lui. J'ai ordonné une
nouvelle enquête judiciaire sur le meurtre du capitaine O'Biieu,
et pour peu qu'elle produise quelque chose de favorablevous
eu serez immédiatement instruit. En attendant, je fais revenir
Auvergne de la Guiauc, et aussitôt après sou débarquement
je le dirigerai sur Strasbourg. Prenez donc vos mesures dès
présent.
Le duc d'Agénois se rendit son poste, et dès son arrivée il
*e mit l'œuvre. Il trouva le régiment de Piémont plus irrité
que reconnaissant du service qu'Auvergne lui avait rendu
Fontenoy, parce que ce service avait eu la forme acerbe et
railleuse d'une leçon, et qu'il s'élait terminé par des paroles
provoquantes. A'ous allions leur tendre la main - dit un
vieux capitaine mais en les voyant plus disposés la re
pousser qu'à la prendre, nous nous sommes abstenus,
Je suis très peiné de tout cela, messieurs reprit le duc
- car je suis informé que le régiment d'Auvergne est en
route pour revenir en France, el qu'à sou retour il doit être
envoyé eu garnison ici.
Eh bien! monseigneur repartit le vieux capitaine qui
avait déjà parlé aveo rudesse nous lui demanderons ce qu'il
a entendu dire quand il nous a annoncé quepuisque nous
étions quittes, nous jouerions la belle la première occasion.
Messieuu, la volonté du roi est que cette malheureuse
affaire ait un ternie, et je ne négligerai rien pour donner satis
faction Sa Majesté.
Puis, comme ceci se passait un dîner qu'il donnait au corps
d'officiers du Piémont, le duo parla immédiatement d'autre
chose, se réservant de revenir sur oe sujet Ja première oc
casion.
Jl le fit effectivement et pins d'une fois, mais ce fut toujours
sans succès. Piémont soutenait qu'Auvergne lui ayant jeté le
gant, sou honneur voulait qu'il le relevât.
Qi elques mois après, Auvergne arriva Strasbourg, ayant
sa tête le duc d'Agénois, qui avait cru de sou devoir d'aller
sa rencontre.
Il engagea le corps d'officiers le suivre au gouvernement,
où il comptait lui donner dinerel souper.
Arrivé chez lui, il entretint confidentiellement le colonel, le
major et quelques capitaines influents, puis il envoya prier
messieurs les officiers de Piémont de venir souper chez lui.
Moins d'une heure après, une députation de ces derniers se
présentait et était reçue.
Monseigneur dit le capitaine que nous connaissons
nous désirons savoir si les paroles que vous venez de nous faire
porter sont une invitation ou un ordre.
Elles sont un ordre, messieurs répondit froidement le
duc et je compte bien qu'aucun de vous ne songe n'y pas
obéir.
La députation salua avec respect et se relira en silence.
A neuf heures du soir, tous les officiers d'Auvergne, en habit
debal, étaient réunis dans une grande galerie qui servait aux
gouverneurs de la province pour leurs réceptions d'apparat.
Quelques minutes après uue porte s'ouvrit deux battans,