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JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3535.
35me année.
LA PRIA CESSE SIBYLLE.
VÉRITÉ ET Jl'STICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'iROISEHItlT, par trimestre,
Ypreâ fr 3; Les autres localités fr 3.5o. TJn n° u5.
Le Propagutcur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 13 centimes la ligne).
TPPaSS, 16 AOÛT.
Mercredi prochain, 20 courant aura lieu
aux halles, la Distribution solennelle des
Prix aux élèves du Collège de Sf Vincent
de Paul, sa grandeur .Monseigneur Jean-
Baptiste Malou, Ëvêque de Bruges prési
dera cette cérémonie.
Le trop fameux ministère libéral que le
pays attendait l'œuvre avec tant de con
fiance,qu'au milieudu malaiseon secroyait
en pleine voie de prospérité, du jour où
M. Rogier avait remplacé M. Delheux, et
M. Frère M. Jules Malou; la politique nou
velle disons-nous, dont on avait tant vanté
la providence et la souveraine sagesse,
continue de plus en pins belle, répandre
ses innombrables bienfaits, et réaliser
ponctuellement ses belles promesses d'é-
conomiesqu'ellea failesaux contribuables.
L'impôt dont MM. Rogier et Frère vien
nent de frapper successivement les héri
tages paternels, les bières, le genièvre, le
tabac; l'entaille qu'on a eu l'honneur de
faire la bourse publique, dans le but
d'élever l'enseignement la hauteur du
siècle, c'esl-â-dire l'effet d'établir une
foule d'établissements, où la jeunesse ne
respire point l'atmosphère religieuse; la
lourde charge que les hommes du jour ont
imposé la bourgeoisie en la faisant pa
rader inutilement comme garde civique,
tout cela ne donne qu'une faible idée du
génie bienfaisant des élus du 12 Août 1847.
I.
Après la prise de Jérusalem, résultat le plus
important de la première croisade, les chrétiens
.avaient fondé dans la sainte cité un royaume, que
Godefroy de Bouillon, élu roi l'unanimité, avait
su conserver puissant. Ce héros de la première
croisade étant mort, le royaume de Jérusalem avait
passé aux mains de son frère Baudouin, et ce prince,
attaqué de toutes parts par les musulmans, avait eu
besoin de toute son énergie et de tout son courage
pour continuer dignement l'œuvre de son frère.
Sous ses successeurs, l'État, continuellement sapé
dans ses fondements autant par les dissensions in
testines naissant du conflit des ambitions parti
culières, que par les continuelles attaques des
infidèles, s'était considérablement affaibli; et sous
Baudouin IV, ce prince faible et maladif, qui avait
succédé a son père Amaury, le royaume des chré
tiens en Orient était chancelant et mal assuré.
C'est au règne de Baudouin IV que commence
notre histoire.
Ce prince avait une sœur aînée, belle et ver-
Depuis peu de jours, la boîte de Pandore
a été ouverte, et la divine panacée qui doit
ramener l'âge d'or en Belgique, en a été
retirée aux grands applaudissements de
tous les députés attelés au carosse de M.
Frère. Peuples de l'Europe, admirez la
sagesse du gouvernement de Belgique, et
vous, électeurs qui le cabinet actuel doit
son triomphe battez des mains, et réjouis
sez-vous de votre œuvre; vous élévates
MM. Rogier et Frère, ces apôtres du soi
disant libéralisme, au pouvoirjj où tendait
leur brûlante ambition, et dépositaires de
la puissance ministérielle, ces|maitres de
l'Olympe vous rendent aujourd'hui le tri
but de leur juste reconnaissance: réjouis
sez-vous ;,vo u s co m p lez M MR ogi er e t Frère,
au nom de vos amis les plus fidèles: c'est
de leur pouvoir que vous êtes redevables
du fusil, et de l'aimable uniforme de garde
civique; c'est leur lutélaire influence que
les sacs se trouvent dégarnis du trop plein
de vos deniers, et de vos écus! Tressez
donc aux hommes d'État qui nous gou
vernent de gracieuses et d'impérissables
couronnes! Couronnez-les de fleurs ils sont
dignes de cet hommage.
Mais trêve ces plaisanteries. Le su
prême moyen auquel recourt en ce mo-
moment le cabinet consiste exiger, pour
l'exécution de toute une série de travaux
publics, l'énorme somme de cent trente
millions. De ce chiffre effrayant, le gou
vernement dépensera directement vingt six
millions dont quinze seront affectés au dé-
rivement de la Meuse, età d'autres entre
prises dont Liège seule retirera le profit.
Quoiqu'en disent donc les journaux du
ministère il est palpable que le cabinet sa
crifie l'intérêt général de la nation celui
tueuse princesse, Sibylle, qui, voyant avec chagrin
Le royaume confié son frère menacer ruine, lui
conseilla d'attirer lui quelques nobles familles
d'Occident... Une alliance seule pouvait amener
ce résultat, lequel, au dire de la sage princesse,
devait en avoir eu bien important pour le royaume
latin de Jérusalem.
Ces alliances, disait-elle. devaient ser
vir efficacement la cause des colonies latines, et
réveiller en Occident l'ardeur des guerres saintes.
Elle permit donc son frère, dans l'intérêt de
sa politique, de disposer d'elle de la manière la
plus avantageuse pour son royaume.
Cherchez, parmi les seigneurs les plus puis
sants de lOccident, celui qui vous présentera le
plus de chances de secours, mon frère et donnez-
moi a lui, dit elle... quels que soient sa
nournure ou son caractère... Qu'importe mon bon
heur?... votre gloire avant tout
Baudouin accepta le conseil et le dévouement
de sa sœur. Seulement, l'occasion fit que ce dé
vouement prit pour la princesse Sibylle toutes les
proportions du bonheur. Baudouin, goûtant le
conseil de sa sœur, mais ne voulant pas la sacrifier,
avait jeté les yeux sur le jeune marquis de Mont-
d'une province, qui n'a d'autres titres
exercer des droits préférablement aux au
tres contrées, que d'être représentée la
chambre et au ministère, par un person-
nagede la lailledu despotique Van Maanen,
par M. Frère, puisqu'il faut l'appeler par
son nom* Tant de preuves d'un flagrant
favoritisme serait sans aucun doute de
nature éveiller le bon sens endormi de
la représentation nationale, et faire poser
par nos députés un acte de séparation
d'avec un pouvoir qui comprend si mal
sa mission politique. Mais, autres temps;
autres mœurs; tant que la chambre légis
lative fut composée d'hommes au cœur
libre et indépendants le parlement eut
envoyé promener M. Frère avec ses 15
millions pour Liège; aujourd'hui que la
majorité a abdiqué tout sentiment de no
blesse et de dignité c'est trop d'exigence
que d'oser prétendre que ce n'est point de
M. Frère mais du corps électoral que nos
députés tiennent leur mandat, et pour ce
motif, la majorité n'a qu'à plier au gré de
M. Frère, quelqu'arbitraire que soit la vo
lonté de cet homme, quelque répugnance
que soulèvent même ses systèmes dans la
conscience publique.
Liège aura donc 15 millions sur les 26
que l'Etat dépensera directement; Liège
aura tout ce qu'elle demande, et Ypres
qu'obliendra-t-elle du gâteau? Pas la plus
petite miette, croyons-nous. Car les eornf-
pagnies concessionnaires du chemin de fef
ne trouvant probablement pas d'argent,
laisseront inexécutés les travaux que re
clame avec tant d'instance notre district,
et ainsi sera-ce de maints autres projets
que forment les arrondissements des Flan
dres, et pour la réalisation desquels tant
ferrât, beau, noble et valeureux, plein de bril
lantes qualités, et joignant tous ces avantages
personnels celui non inoins intéressant pour la
politique du roi de Jérusalem, d'être allié par le
sang avec le roi de France, avec l'empereur d'Al
lemagne, et les plus pnissauls monarques de la
chrétienté. La négociation eut Içs plus heureux ré
sultats, et bieutôt le jeune marquis de Montferrat,
surnommé Lorigue-Epée, avait-débarqué a Sidon,
et de là s'était rendu Jérusalem, où il avait
épousé la princesse Sibylle, sœur du roi.
Octroyer des terres l'époux de sa sœur, c'é
tait intéresser davantage le jeune marquis la dé
fense des possessions latines. Baudouin avait donné
en dot la princesse Sibylle les comtés de Joppé
et d'Ascalon. Malheureusement, cette union, qui
devait avoir les plus heureux résultats pour le
royaume de Jérusalem et pour les chrétiens d'O-
rieut, ne fut pas de longue durée. Deux mois après
son mariage, le jeune marquis de Montferrat mou
rut, laissant la princesse Sibylle veuve et en voie
d'être mère. En effet elle donna le jour quelques
mois plus tard un enfant qui ne devait que passer
dans cette vie, et qui pourtant devait mourir roi,
sous le nom de Baudouin V. Bauouin IV, qui n'a-