9
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3537.
35me année
7FB.SS, 23 Août.
Il est un principe généralement adopté,
une tactique admirablement suivie par les
suppôts du soi-disant libéralisme, c'est de
couvrir d'un vernis élégant les fautes et les
traversdesbommespoliliquesde leur bord,
et] de fronder avec une insolence révol
tante la sagesse et le bon sens, alors que
ces qualités insignes brillent dans les actes
ou dans les raisonnements de quiconque
ne s'est pas fait délivrer le diplôme clu-
biste.
La preuve de ce que nous avançons se
trouve dans un article récent que le Pro
grès consacre incriminer la conduite
parlementaire d'un de nos représentants,
homme que son patriotisme éprouvé, et
son caractère éminent ont placé du reste
audessus des turlupinades, et des basses
diatribes d'une presse éhontée et limo
neuse.
Voici l'exposé des choses: dans un dis
cours qui captiva l'attention soutenue de
la chambre, M. Jules Malou, éleva des con
sidérations des plus importantes, contre
le vaste projet de loi réglant l'interminable
série de travaux publics, que médite le mi
nistère, et pour l'exécution desquels une
LA PRIACESSE SIBYLLE.
bagatelle, un rien, comme quelque chose
qui s'appelle cent trente millions est reconnu
indispensable.
S'appuyant sur l'embarras financier
qu'une aussi énorme entreprise doit né
cessairement causer au trésor; argumen
tant de l'inopportunité, du danger qu'il y
a même de trop pressurer la bourse des
contribuables, par des impôts sans cesse
croissant, et indiquant du doigt la part
privilégiée qui est faite Liège compara
tivement aux autres provinces et districts,
M. îMalou déclara ne pouvoir émettre un
vote favorable, ce projet gigantesque,
qui offrait enlr'autres vices, celui de laisser
problématique l'exécution du chemin de
fer d'Ypres que ses commettants récla
ment avec tant de raison et de bon droit.
Y a-t-il dans cette attitude, dans ces pa
roles de M. Malou, un sujet de blâme, un
motif de reproche? Pour qui ne porte point
des bésicles libéralisles, il nous semble bien
qu'au contraire on ne pourra y découvrir
qu'une preuve nouvelle de la sagacité, et
de l'indépendance de caractère de notre
mandataire; et que loin d'éveiller la sus
ceptibilité de certaines personnes le vote
que M. Malou émettra concernant la loi
sur les travaux publics, ne saurait lui va
loir que l'estime de ses loyaux adversaires.
Le Progrès cependant ne peut passer
M. Jules Malou, de refuser ses sympathies
envers M. Frère, et c'est peine qu'il
trouve dans le vocabulaire de la politique
nouvelle, assez d'épilhèles pour flétrir son
vote.
Ces rebuffades après tout ne sont que
naturelles; pour mériter les honneurs de
la feuille Vollairienne il faut être bien
mieux bâti que ne l'est M. Jules Malou; il
faut au Progrès, non point le plus beau
talent, non point un attachement invio
lable aux intérêts généraux; il faut un
homme, un représentant qui, répudiant
les principes d'éducation inculqués par
des parents vertueux et braves, ravale la
religion audessous de la danse et de la
gymnastique, et baisse ignoblement la
tête pour voter un système d'enseignement
qui ne fut et ne sera jamais celui de la
Belgique libre et catholique; il faut un
mandataire qui, couvert du manteau de
philanthropie, ajoute aux pleurs des or
phelins, les tracasseries et les chicanes du
fisc réclamant un pour cent sur les héri
tages paternels, il faut un ami du peuple
qui accable la bourgeoisie d'une foule de
nouvelles charges, après avoir crié écono
mies; il faut pour tout dire un pourfendeur
des pétitions journalières qui arrivent la
chambre, un député jazegger, un Alphonse
Vandenpeereboom.
Oui; voilà un homme taillé sur le pa
tron des e'crivassiers de la feuille libé-
raliste, et calqué d'après le modèle des
coteries; voilà un des héros, un des féti
ches devant lesquels le Progrès s'extasie
deux fois par semaine.
Nous le savons; il fut un temps où des
TÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et ohez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABOINEMENT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. TJn n° 25.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine (insertions 17 centimes la ligne).
Suite et fin.)
La précaution était opportune; car quelque
temps de la, Baudouin IV mourut au milieu des
douleurs, et Guy de Lusignan, qui s'était attiré
l'inimitié du roi lépreux en refusant de lui ouvrir
les portes d'AscaloD, Guy de Lusignan, disons-
nous, revint la régence sous le fils de sa femme,
le roi enfant, Baudouin V. Sibylle pouvait croire
alors a la durée de la puissance de son époux le
jeune roi, son fils, avait cinq ans, et jusqu'à ce
qu'il fut en âge de gouverner par lui-même, il
devait se passer de longues années, et Guy de
Lusignan pouvait acquérir une grande gloire, en
raffermissant par son administration, le trône chan
celant de Jérusalem. Tel était le vœu le plus cher,
telles étaient les espérances bien fondées de la
princesse Sybille. Mais elle avait compté sans la
mort qui, jusqu'à présent, avait détruit ses projets,
et qui vint encore une fois remettre en question
la position de Guy de Lusignan.
Après un règne de peu de jours, Baudouin V
mourut tout coup. Cette mort subite jeta de
nouveau l'État dans le trouble et la confusion.
Les ambitions relevèrent la tète et la discorde ne
connut plus de frein. Dès que le jeune roi eut été
enseveli, le comte de Tripoli, qui était le plus actif
des ennemis de Sibylle et de Lusignan, assembla
tous les barons du royaume Naplouse, où il
leur proposa de couronner Homfroi de Thorou,
ce qu'ils promirent tous de faire le lendemain. De
leur côté le patriarche et le grand maître du Temple
allèrent trouver Sibylle et lui déclarèrent qu'ils
étaient prêts lui donner la couronne malgré
tous, car cette couronne lui revenait de droit,
comme fille aînée d'Amaury. La princesse accepta
le trône, et elle cherchait déjà par quel moyen elle
attirerait son couronnement les barous réunis
Naplouse, et comment elle déjouerait leur projet
de porter au trône Homfroi, lorsque celui-ci ar
riva tout coup Jérusalem, avec Isabelle, sa
femme. 11 se présenta avec elle devaut Sibylle, et
s'étant jeté ses pieds, il lui dit
Princesse, ma sœur... les barons ont formé le
projet de me donner la couronne mais je ne veux
pas l'accepter... la peine que donne un royaume
m'effraye; je crains les dangers du rang suprême,
et je préfère la vie et le repos un trône... Je
vous en conjure, princesse, prenez cette cou
ronne que vous êtes digne de porter, et défendez-
moi contre le dessein que les barons ont formé
de me faire roi... Voici votre sœur, ma femme,
qui vient joindre ses prières aux miennes.
En apprenant la démarche d'Homfroi, les ba
rons désappointés ne surent plus que faire a qui
pouvaient-ils donuer la conronne, sinon une fille
d'Amaury? Force leur fut donc de revenir Jé
rusalem, et de s'entendre avec le patriarche et le
grand maître du Temple pour le couronnement de
Sibylle.
En effet, deux jours de là, la princesse vit
arriver son palais une députation des barons qui
venaient lui offrir le trône.
Princesse, dit le comte de Tripoli qui se
trouvait en tête des barons, nous avions formé
le dessein de vous enlever le trône au profit de
votre pusillanime beau-frère; mais il a eu peur du
rang que nous voulions lui donner. Nous recon
naissons maintenant que vous êtes digne de ce
rang dont il est indigne, et nous venons vous offrir
la courouue de Jérusalem, ainsi que le serment
d'obéissance et l'hommage de nos fiefs, mais vous
seule, princesse; car nous ne voulons pas obéir
Guy de Lusignau, votre époux.
Sibylle voulut parler, mais le comte de Tripoli
reprit aussitôt
Écoutez-donc, princesse, quelles conditions
nous vous ferons notre reine. Le patriarche de
Jérusalem cassera votre mariage avec Guy de Lu-