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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
©mpqmt
MALOU-VANDENPEEREBOOM,
No 3546.
35™e année.
POUR L'ELECTION
Caractère honteux de cet impôt.
Différences quant l'impôt entre la ligne
directe et la ligne collatérale.
Etude idtérieure des différences.
L'impôt de Mort père et mère! attaque
la propriété dans son essence.
vérité et justice.
7??.3S, 24 Septembre.
du parti constitutionnel-conservateur
DU SAMEDI «9 SEPTEMBRE:
MONSIEUR
SÉNATEUR SORTANT.
neuf coups de massue portés a l'impot de mort,
ou le coup de grace
a la candidature de m. boedt.
1.
L'impôt sur la mort de père et mère, plus il est
examiné sous ses diverses faces hideuses, plus il
devient honteux et horrible. Sous ce régime, per
sonne, infamie! ne travaillerait davantage dans
l'intérêt du fisc que les parricides, puisque ces
monstres de la nature humaine procureraient de
suite au trésor le dévolu qu'il guette. On recule
frémissant d'épouvante l'idée des plus criminels
des malfaiteurs, qui l'antiquité refusait une sé
pulture sur la terre, transformés en une sorte de
bienfaiteurs du budget. Sans le code civil qui les
expulse de l'hérédité, c'est de la main des coupa
bles mêmes que serait touchée la curée sanglante.
Après ces êtres exécrables qui, en dépit du chris
tianisme et de l'échafaud, démentent de temps
autre les prétentions de notre siècle de lumières,
viennent les enfants ingrats, rebelles, ivrognes,
impies, adonnés au libertinage, qui abrègent aussi
les jours de leurs parents par leurs quérelles, leurs
extravagances, leurs folies, leurs irrévérences, leur
entêtement; parle chagrin, le déshonneur, l'inquié
tude et le désespoir qu'ils causent. Ce sont encore
là d'utiles auxiliaires pour l'ogre sépulcral de la
ligne directe dans sa besogne. Les enfants sages
qui par leur conduite prolongent l'existence de
leurs parents, deviennent les ennemis dommagea
bles du trésor. Triste système que le crime et le
vice favorisent, et qui trouve son ennemi né dans
la vertu
Au lit des douleurs un père a préparé ses comp
tes pour l'éternité, il a prononcé devant ses enfants
réunis les adieux suprêmes, une sérénité dégagée
de toute préoccupation terrestre allait dès lors lui
adoucir les affres de l'agonie; mais non, une in
quiétude l'obsède, un spectre se niche dans un
coin de la chambre, épiant le moment fatal; le
vieillard se rappelle les dettes de son livre, les
créances irrécouvrables: quoi qu'ayant fait tou
jours de bonnes affaires, il n'a pas tenu ses livres
avec toutes les formes voulues par la loi il n'y
aurait rien craindre, ses enfants savent tout; mais
des contestations s'élèveront avec le fisc, l'état
pourra méconnaître les dettes, réclamer l'adjonc
tion son actif d'une foule de créances les unes
sans valeur, les autres déjà payées. O que de dis
cussions, le moribond prévoit! son imagination
fébrile les lui peint sous les couleurs les plus som
bres, il n'entrevoit que procès, chicanes et ruine,
et c'est parmi ces désolantes idées que s'enfuit le
dernier souffie de sa vie.
Beaucoup de personnes ressentent des répu
gnances profondes pour l'impôt en ligne directe
sans s'expliquer les causes véritables du sentiment
qui les anime, et delà vient qu'elles cèdent aux
clameurs de nos enragés, épris de tout ce que le
joug libéral invente et impose. Il faut aller au fond
des choses, et alors on terrassera mieux ces pour
fendeurs bruyants.
L'impôt en ligne directe répugne, tandis que
l'impôt successoral tout autre degré de parenté
a l'assentiment général, pour deux motifs prin
cipaux.
Premièrement, une succession collatérale ou
testamentaire est une bonne fortune c'est un évé
nement auquel on ne s'attendait pas, un événe
ment sur lequel on ne pouvait faire fonds. On est
sensible la perte d'un proche, on est sensible
l'attention qu'il a eue de nous laisser ou de nous
léguer une portion de son bien; mais la douleur
que nous essuyons par cette perte n'est pas com
parable la perte d'un père gagne-pain, d'une
mère chérie.
Ainsi l'impôt collatéral ou testamentaire enlève
comme d'une manière inaperçue une certaine
quantité sur une expectative douteuse. Son pré
lèvement se fait quand l'atteinte portée nos affec
tions est balancée par l'augmentation subite qui
vient s'adjoindre notre fortune. Souvent encore
des parens éloignés se divisant le patrimoine d'une
personne qu'ils ont peine connue, et en com
pagnie de cohéritiers qu'ils n'ont jamais vus, s'in
quiètent peu de la bonne aubaine du fisc, et n'en
restent pas moins de belle humeur pour cela.
Qui ne comprend qu'il en est tout autrement
dans la mortuaire d'un père de famille. Celui-ci
ne travaillait que pour ses enfants. Entr'eux et lui
existait le lien le plus sacré de la société le lien
de la paternité. Cette succession n'était pas atten
due comme un peut-être l'instinct filial ne soup
çonnait pas qu'elle pût être ravie, et la loi qui em
pêche de la détourner, est en quelque sorte super
flue. Ici l'intérêt est complètement effacé par la
tendresse la succession directe ne fait jamais l'ob
jet de la conversation d'un enfant bien élevé, il
n'y songe pas il est désolé quand la pensée lui en
vient, elle n'est point l'imagination un objet
d'illusion, mais d'épouvante. La succession du père
de famille n'est pas une acquisition qui enrichit la fa
mille, mais une calamité qui tarit la source de
prospérité de la maison. Ce père qui succombe
aux fatigues eut laissé plus tard le double, le dé
cuple tout cet espoir descend avec lui dans la
tombe. Celte mère qui dit adieu ses fils, ses
filles, leur eut procuré une éducation soignée, base
certaine d'une existence honorable dans le monde;
sa prudente clairvoyance leur eut préparé des éta
blissements qui maintenant manqueront. Mais par
dessus tout celac'est dans l'amertume de la plus
grande affliction que l'enfant se trouve investi de
son héritage. De tous les moments de la vie, je le
demande quiconque porte un cœur d'homme, les
deux les plus cruels ne sont-ils pas ceux où l'on
perd jamais son père ou sa mère? Est-ce alors
un temps, de harceler les familles de tracasseries?
Ce régime ne devrait-il pas être relégué en Tur
quie plutôt d'être introduit chez un peuple civilisé?
La première différence entre l'impôt successoral
ordinaire et l'impôt de paternité consiste donc
dans la situation complètement différente des per
sonnes.
3.
La deuxième différence tient l'origine des
biens. Les biens de l'oncle, du cousin sont com
plètement étrangers l'héritier il n'a en rien
contribué les acquérir, les augmenter. Il ignore
souvent en quoi ils consistent s'il avait eu l'in
discrétion de le demander, cela eut suffi peut être
pour l'en priver. Si, ce qui n'est pas fréquent, il a
concouru par son travail ou son industrie au
gmenter le patrimoine dont il hérite, il en a reçu
communément son salaire, et n'a rien réclamer.
Ainsi c'est une fortune qui ne lui appartenait sous
aucun rapport, ni de loin ni de près, et qui vient
tout coup lui donner une aisance que souvent il
n'avait auparavant pas connue.
Encore ici, dissemblance complète avec la suc
cession paternelle. L'enfant connaît si bien la
maison de son père, grande ou petite, qu'il y est né.
Quand il va ailleurs, il se dit hors de chez lui.
Il dit je vais chez moi, quand il y retourne.
Là est toute la substance de l'émouvante chanson
Où peut-on être mieux.... Si l'enfant parle des
biens de son père, il les appelle ses biens, et le père
ne s'en offense pas Papa allons voir nos vaches.
S'il montre les biens de son père un camarade, il
dit Voici notre cheval, notre prairie, notre
ferme. Et ce langage de l'enfance, de l'adoles
cence, l'adulte l'emploie encore. Tellement que du
vivant et de l'assentiment des parens, les biens
'qu'ils possèdent sont presque autant ceux de leurs
enfants que les leurs en abrégé, ce sont les biens
de la famille. C'est même cette sorte de copro
priété ou de participation des enfants, issue du
droit naturel, que les législateurs font passer dans
le droit civil sous la dénomination de légitime des
enfants. Légitime par excellence.
La participation au travail, l'industrie com
mune sous le toit paternel, renforce bien souvent
le titre que possède l'enfant la participation des
gains. L'enfant travaille sans salaire, et avec bien
plus d'ardeur que le mercenaire. Il travaille sans
arrière pensée le dévouement exclut de sa tête
tout germe d'intérêt, ce qui n'est point pour lui une
raisou de défaveur dans les prévisions légales. Au
contraire, moins il a songé lui-même, plus il
mérite d'être bien traité par la loi.
Voici ce que caractérise profondément les suc
cessions directes propriété déjà communiquée a
l'enfant, et souvent en partie acquise par lui,
quoique sous le nom du chef vénéré de la famille.
L'irruption du fisc est dès lors une violation du
seuil domestique et une injustice criante, c'est un
croc jeté pour eulever un lambeau de la chair
même des enfants.
4.
La possession de l'héritage paternel est une des
bases nécessaires pour la subsistance des familles.
C'est le centre de la propriété et son plus infran
chissable asile. Tous les communistes de France, si
le projet de M. Frère leur était proposé dansun pays
où il n'existe pas, en Belgique par exemple, y don
neraient indubitablement avec enthousiasme leur
adhésion. Personne ne nous le contestera. Cabel,
Proudhon, Nadaud, Leroux, Miot, Defraisse, on
peut en être sùr, ne feraient pas défaut. Les Belges
doivent savoir s'ils désirent de se placer sur le