9
JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3548.
35me année.
sa=ssa—
??RSS, 1er Octobre.
L'APPEL AU PAYS.
Le résultat des élections générales pour
le Sénat est maintenant connu: Le cabinet
est parvenu faire éliminer neuf d'entre
les adversaires de l'impôt sur les succes-
sionsdont un seul conservateur delà nuance
catholique, M. Cogels d'Anvers, cinq con
servateurs libéraux, MM. deBaillel, Co-
ghen, Vilain XIIII, Vergauwen et Dindal,
et trois libéraux de ses plus chauds adhé
rents, mais qui dans celle circonstance
s'étaient enfin lassés de le suivre, MM. de
Waha, de Chestret et de Bagenrieux (ce
dernier avait pourtant volé l'amendement-
Forgeur, de même que MM. de Baillet el
Vilain XIIII.) L'opposition, de son côté, est
parvenue assurerle triomphe desixmem-
bres nouveaux, dont cinq de la nuance dite
catholique: MM. deMoerman, Délia Faille,
de Kyckman, de Robiano et de Cartier, et
un de la nuance dite libérale, M. Polet.
Ainsi les comices du 27 septembre, en
augmentant de trois voix les partisans de
l'impôt sur les successions paternelles, ont
renforcé de quatre membres la nuance im
proprement nommée catholique, et n'ont
valu en définitive au ministère aucune voix
amie, puisqu'il a fait descendre lui-même
des bancs du Sénat trois membres dévoués
jusqu'alors sa politique, et que les con
servateurs en ont couché six autres sur le
carreau ce qui, si l'on en défalque les neuf
fidèles qu'il s'est acquis, laisse intact au
Sénat le chiffre de ses partisans.
LES APPARENCES.
Ajoutons que le parti modéré dans les dix
collèges électorauxoù il estentréen lice pour
faire élire des sénateurs nouveaux, n'a
échoué que dans quatre arrondissements,
Arlon, Nivelles, Soignies et Oslende; en
core y obtint-il une imposante minorité;
tandis que ses efforts furent couronnés
d'un brillant succès Courtrai, Alost,
Tournai, Louvain, Thuin et Philippeviile.
Le parti ministériel, au contraire, qui avait
dressé ses batteries contre les membres sor
tants dans vingt-et-un arrondissements, n'a
réussi que dans sept d'enlr'eux, s'est fait
battre dans onze autres et s'est retiré avant
le jour de la lutte dans trois collèges élec
toraux. (Eecloo, Roulers et Thielt); ainsi-,
sept victoires, contre quatorze défaites, for
ment la part du ministère.
Certes, quand on songe aux manœuvres
dont s'est servi le cabinet pour assurer le
triomphe de sa cause, quand on songe aux
inombrables moyens dont il dispose pour
influencer les électeurs, il n'est personne
qui ne convienne que les comices n'ont
pas repondu l'attente de ceux qui les ont
convoquées, et que Cappel au pays n'ait été
une condamnation formelle de la politique
de M. Frère.
Ce n'est pas la seule portée que nous
offre l'éclatante démonstration du 27 sep
tembre: nous examinerons dans un pro
chain article les résultats qu'il nous fait
entrevoir pour le parti libéral et pour les
destinées de la Belgique entière.
Nos lecteurs doivent se rappeler que
notre représentant M. Jules Malou affecte
annuellement une somme de quatre mille
francs la fondation de bourses d'études
au profit de jeunes gens de l'arrondisse
ment d'Ypres. Certes, dira-t-on, c'est là un
acte de noble générosité où ses adversaires
politiques même ne trouveront que matière
éloges. Eh bien! qu'on se détrompe; les
honnêtes quarrés de papier que le pseudo
libéralisme compte parmi ses satellites sont
d'un avis tout autre; dans leur langage,
faire une bonne œuvre, rendre service
ses compatriotes, se montrer généreux en
vers ses commettants s'appelle corruption
électorale! Ah si M. Malou eut eu le bon
esprit au moins d'affecter cette jolie somme
quelque entreprise plus lucrative pour
lui par exemple, s'il eut imaginé de garnir
unespacieuse maison en y ménageant douze
appartements pour Messieurs les officiers
de l'école d'équilation, le Progrès, il faut le
croire, n'eut trouvé rien redire cela et
se fut bien gardé d'y voir matière corrup
tion électorale.
Samedi dernier, il s'est passé lors des
élections pour le Sénat un fait grave et
scandaleux.
Au moment où le président du bureau
central s'apprêtait proclamer le nom du
vainqueur au scrutin, un groupe d'amis
de l'honorable M. Malou-Vandenpeereboom
entourait le bureau quant aux partisansde
M. Boedt, ces messieurs, pour la plupart,
avaient cru bon de déloger sans tambour
ni trompette. Des bravos presqueunanimes
accueillirent donc, comme membre du Sé
nat, le nom de l'honorable M. Malou. Ces
applaudissements n'avaientrien que de fort
légitime; c'était un hommage sympathique
et respectueux rendu un homme désor
mais élevé au rang de législateur Belge.
Aussi redoublèrent-ils avec plus d'énergie,
lorsqu'on entendit tout-à-coup retentir dans
la salle des coups de sifflet. D'où ils par
taient, nous rougissons pour leur auteur
d'avoir le constater. En effet, celui qui
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Od s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABO.VVEMEIVT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-îo. Uu n" a5 c.
I.e Propagateur paiait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)
(Suite el fin.)
A ce moment un bruit de voix se fit entendre
la porte du magistrat; son flegmatique valet s'op
posait a l'entrée d'une personne, évidemment pres
sée d'être introduite; car elle criait a voix haute
«Laissez-moi!... laissez moi passer... Il faut que
je parle aux juges!...
Vous n'entrerez .pas,répondit le domes
tique repoussant l'étranger.
Je suis Lucien Schwartz, s'écria celui-ci.
Ce nom parvint jusqu'à nous, et le juge, parais
sant sortir de son sang-froid habituel, ordonna
vivement qu'il fût introduit.
Lucien entra, pâle, la figure contractée, les vê
tements en désordre et couverts de poussière.
Ma sœur! délivrez ma sœur... I.a marquise
existe!... furent les seuls mots qu'il put pro
noncer; et il tomba épuisé sur un siège en pré
sentant une lettre.
Je la passai au juge; il l'ouvrit. C'était la mar
quise qui lui écrivait de Milan. Un matin, elle
avait vu dans un journal que Lucette était accusée
ce que certains libéralistes entendent par
corruption électorale.
de sa mort etfaisant partir Lucien en toute bâte,
elle le chargeait de faire connaître aux magistrats
que, loin d'avoir été la victime de Lucette, elle
devait la vie cette courageuse jeune fille et son
frère, non moins courageux.
Je n'y comprends plus rien, s'écria le ma
gistrat, après avoir reconnu la signature de la
marquise... Pourquoi cette menace mystérieuse?
pourquoi ce mouchoir ensanglanté et ces lambeaux
de vêtements?
Monsieur le juge... je vais tout vous dire...
car maintenant je ne crains plus rien... leur menace
ne peut plus m'effrayer... ma mère... ma pauvre
mère... elle est morte... de douleur, sans doute!...
La voix du pauvre Lucien fut étouffée par les
sanglots; j'étais ému jusqu'aux larmes, et le ma
gistrat lui-même, malgré son sang-froid habituel,
donna des marques d'émotion.
Que la paix du Seigneur soit avec elle!
dit-il, après s'être découvert.
Uu instant se passa dans le silence, pendant que
Lucien apaisait ses sanglots; puis le juge commença
un interrogatoire en forme.
Comment se fait-il que la marquise ait quitté
sa voilure, et que Lucette se soit trouvée là?
CI DÉPIT MAE DÉGUISÉ.
Quelques jours avant l'arrivée de cette dame
Berne, répondit Lucien, ma sœur gardait
son troupeau dans la montagne,quand elle entendit
des bandits former le complot de dévaliser une
dame qui portait sa fortune, et de la tuer si elle
résistait. Effrayée d'un tel projet, Lncelte, qui
n'avait pas été aperçue des bandits, protégée qu'elle
était par un roc, ne put retenir un cri elle fut
bientôt entourée; et, pour s'assurer de sa discrétion,
on la menaça, au moindre mot de dénonciation, de
se venger sur notre mère. Lucette revint le soir,
pâle, tremblante; elle me conta tout, et nous réso
lûmes de sauver cette dame; car Lucette n'avait
rien promis cet égard. Ma sœur avait entendu
une partie du plan des bandits; elle savait qu'un
d'eux devait servir de postillon la marquise et
la faire tomber dans le piège... Je courus chez le
maître de poste, et pour déjouer le complot, je
sollicitai la place de postillon... elle me fut refusée.
Ceci m'explique une partie du mystère...
mais l'autre... mais ce mouchoir? demanda le
juge.
Quand ma sœur fut parvenue décider la
marquise quitter sa chaise, elle l'amena notre
pauvre demeure. Là, nous tîmes conseil, et il fut