Tout ce que Paris renferme de distingué dans la
fashion, la litte'rature et les arts avait été convoqué
cette solennité.
Les paris du côté des rats s'élevaient 34,ooo
francs. Lord H... les a tous tenus en faveur de ses
deux champions, Young et Rec-de-Fer.
A 11 heures et demie, Victor Couturier a ap
porté sa grande cage douze compartiments, et l'a
placée sur uue table, qui occupait pour le moment
l'intérieur de l'arène où le combat devait se livrer.
Il a procédé immédiatement la nourriture des
douze champions.
Cette opération a été pleine d'intérêt. Comme
les rats n'avaient rien mangé depuis viugt-quatre
heures, ils sautaient dans leur cage comme des
convulsionnaires de Tanger.
Lorsque tout a été avalé, lord H... a fait signe
son fauconnier d'apporter les hiboux. Cet ordre a
été exécuté a l'iustaut,ei l'on a pu juger alors des
deux terribles antagonistes.
Yong et Bec-de-Fer sont nés en Ecosse, dans
une propriété de lord H... Ils out vécu pendant
deux ans, dans une des tours du manoir, où ils fu
rent surpris un jour par Williams Perkes, le fau
connier de lord H..., non pas sans avoir les mains
écorcbées par ces deux oiseaux de nuit.
Bec-de-Fer et Young sont des hiboux de la plus
forte espèce. Ils ont deux pieds anglais de hau
teur leurs yeux sont d'une transparence funèbre;
leurs plumes sont un mélange de gris-blanc, de
gris-perle et de petit-gris; leurs serres sont re
marquables par la force de leur constitution et de
leur courbure, elles sont aussi fermes que des trin
gles en fer.
A minuit sonnant, les juges ont donné le signal
du combat. Victor Couturier a lancé ses douze rats
dans l'arène; c'était juste le moment où s'opérait
la digestion. Ces auimaux allaient s'élancer avec
fureur les uns contre les autres, lorsque Williams
Perkes, le fauconnier, a lâché les deux hiboux. Les
I
douze rats, au lieu de s'entre-déchirer, ont tourné
leur rage contre leurs nouveaux eunemis.
A ce moment l'on n'entendait que les cris aigus
des douze rats et les grincements de bec des deux
hiboux.
Bec-de-Fer s'est élancé d'abord sur Robert Ma-
caire, et le saisissant par le train de derrière, il l'a
trituré comme fait un boa lorsqu'il s'empare d'un
veau et d'un jeune cheval. De son côté Young en
faisait autant au malheureux Coquard, dit le Teneur
de Livres.
Le prince Pétulant, Rodiltard dit le Vagabond,
Brisquet dit le Coupe-Jarrets, sont tombés sur
Young et se sont accrochés ses pattes. Après avoir
étranglé Coquard Young a fait successivement
mordre la poussière Rodillard dit le Vagabond,
et Brisquet dit Coupe-Jarrets. Le priuce Pétu
lant dit Chamouski survivait seul, s'acharnant de
plus en plus aux jarrets de Young, qu'il a cassés de
deux coups de crocs.
Bec-de-Fer, de son côté, avait tué le brave Rat
Poil dit l'Agaçant et le maugeur de crêpes. Mais
il avait eu de son côté une patte cassée, celle pré
cisément qui avait été si fortement endommagée
en Angleterre.
Les chances étaient encore égales. Les hiboux
étaient dangereusement blessés, mais ils n'avaient
plus contre eux que cinq rats plus ou moius va
lides.
En ce moment, l'attention des spectateurs était
a son comble.
Poulastrol, dit le Perruquier, qui était demeuré
dans un coin et comme honteux de lui-même,
saute sur Young, couché sur le flanc et lui mange
les yeux. Le hibou pousse un cri terrible et répond
par un coup de bec qui ouvre les entrailles Pou
lastrol. Les deux ennemis expirent l'un près de
l'autre.
Bec-de-Fer avait maille a partir avec Toulourou
le Brosseur, le Parisien et le prince Pétulant dit
Chamouski. Ce dernier surtout, qui s'était gorgé
de truffes, était d'une fureur impossible a décrire.
S'étant accroché la patte valide de Bec-de-Fer,
il la rongeait, tandis que le hibou étranglait suc
cessivement tous les autres rats. Il ne restait plus
donc que Bec-de-Fer et le prince Pétulant dit
Chamouski, l'un les deux pattes cassées, l'autre
éventré, mais respirant encore tous les deux et se
meriaçaut de l'œil.
Les paris n'étaient gagnés ni d'un côté ni d'au
tre, il a été décidé en conséquence que les enjeux
ne seraient délivrés qu'aux parieurs de l'animal
survivant.
Victor Couturier, après le combat, a emporté
le prince Pétulant dit Chamouski, pour lui donner
des soins, William Peekesen a fait autant de Bec-
de-Fer. La question, n'est plus,l'heure qu'il est,
qu'une question médicale dont la mort sera le
grand juge.
1
FRANCE. Paris, 3 novembre.
Le Ministre de la guerre vient d'adresser la
circulaire suivante tous les généraux comman
dant les divisions territoriales.
l'Alll», le *8 octobre 1§SI.
Générai,
En confiaut le ministère de la guerre mon
dévouement, le Président de la République savait
où je puiserais ma force: elle est dans le caractère
des hommes que leur expérience et l'éclat de leurs
services ont placé a la tête de nos divisions terri
toriales.
Heureux de compter parmi vous tant de chefs
sous lesquels je m'honore d'avoir servi, je n'ai
point demander nos nouveaux rapports l'occa-
siou de vous retracer des règles dont votre vie
entière a été la leçon et l'exemple; toutefois je
repoudrais mal votre attente et je resterais au-
dessous de mes devoirs si je ue m'empressais de.
me montrer vous tel que je suis, imbu des tradi
tions dout vous étiez avant moi les fidèles inter
prèles.
Plus que jamais, dans les temps où nous som
mes, le véritable esprit militaire peut assurer le
salut de la société.
Mai^ cette confiance que l'armée inspire, elle
la doit sa discipline; et nous le savons tous, gé
néral, point de discipline dans uue armée où le
dogme de l'obéissance passive ferait place au droit
d'examen.
Un ordre discuté amène l'hésitation l'hési
tation la défaite.
Sous les armes, le règlement militaire esJ l'u
nique loi.
La responsabilité, qui fait la force et l'autorité
militaire ne se partage pas; elle s'arrête au chef
de qui l'ordre émane elle couvre tous les degrés
l'obéissance et l'exécution.
Dans ce principe si simple, qui est l'âme de
la discipline, réside la source féconde des prodiges
de courage et de dévouement.
Si devant l'ennemi la discipline, ainsi com
prise, fut de tout temps l'un des secrets de la vic
toire, dans les luttes intestines, dont la seule
menace trouble nos cités, elle assure aussi le
triomphe de l'ordre.
i> On ne choisit pas son temps; nos pères, plus
heureux, ont vu l'ordre public renaître et s'affermir
sous les reflets de la gloire militaire. Pour nous,
c'est h la défense de la civilisation que nous devons
aujourd'hui notre sang et nos vieilles.
Soyons donc prêts tout, et soit qu'il faille
un jour, au nom de la patrie, soutenir au dehors
l'honneur de nos armes, soit qu'au dedans la so-
siété en péril cherche en nous son plus ferme appui,
que ces sentiments qui m'animent et qui sont aussi
les vôtres, entretenus dans les rangs de l'armée, la
maintiennent la hauteur de sa double mission.
Recevez, général, l'assurance de ma considé
ration la plus distinguée.
Le Ministre de la guerre,
A. de Saint-Arnaud.
Il n'est question depuis deux jours la salle
des conférences de l'assemblée que d'un projet de
veogeance médité par les représentants de l'ordre
contre l'Elysée. Il ne s'agirait de rien moins que de
la nomination de M. le général Changarnier comme
commandant en chef des troupes de l'assemblée.
Ce serait le commencement de la lutte entre l'as
semblée et l'Élysée, et cette nomination aurait lieu
le jour même de la reprise des travaux législatifs et
dans le cas où le texte du message présidentiel se
rait conçu en termes menaçants pour la Constitution
et pour le pouvoir législatif.
On lit dans le Moniteur parisien, journal
de l'Elysée La candidature présidentielle de M.
Ledru-Rollin commence être mise l'ordre du
jour dans certains quartiers du faubourgS' Antoine.
Ou y a remarqué ces jours derniers les allées et les
venues de quelques meneurs actifs, attachés la
rédaction d'un journal révolutionnaire. Les ou
vriers ne paraissent guère disposés s'insurger au
profit d'une ambition quelconque, mais ils répon
dent avec une certaine énergie qu'ils sont décidés
user dé leur droit électoral en i8Ô2.
On lit dans le Droit Commun, journal de
Bourges, du 3o
L'affaire des troubles du Cher dans laquelle
doivent figurer un si grand nombre d'accusés, sera
définitivement jugée par le conseil de guerre, sous
la présidence de M. le colonel Beuret, du g0"1
d'artillerie.
Mardi dernier, le juge d'ihstruction du tri
bunal de Sancerre, accompagné d'un détachement
du 5me hussards et de gendarmes, est allé Henri-
chemont où quatre arrestations out été faites, plus
une autre a Yvoi-le-Pic.
1" novembre. Aujourd'hui, fête de la Tous
saint, la-cronique politique est dans un chômage
complet. Pas une conversation, pas une rumeur
dans le monde parlementaire ou dans celui de la
presse. La salle des conférences est déserte, la po
pulation entière se porte vers les églises et les ci
metières. On sait que la Toussaint et le jour des
morts sont les deux circonstances dans lesquelles
Paris montre avec le plus de ferveur, l'immense
respect qu'il éprouve pour ses vieilles traditions
religieuses; aussi comme il a l'habitude de ne point
faire des choses k demi, ne se préoccupe-t-il d'au
cune autre affaire.
Depuis ce matin donc, Paris est tout entier son
culteet s'achemine cette heure, des couronnes
d'immortelles la main, vers ses nécropoles de
Montmartre, du Mont Parnasse et du père La
Chaise pour y prendre ses pieux devoirs aux
morts. Demain et après-demaiu il y retournera,
mais il n'est pas moins absorbé pour cela par les
impressions de sa première visite.
ESPAGNE. Madrid, 23 octobre.
La Nacion a reçu une lettre de Melilla dans
laquelle on loi annonce que les Maures se sont
emparés d'un brick anglais chargé de maïs, qui,
cause du mauvais temps, avait été obligé de se
réfugier dans la baie de Betoyaprès de la place
d'Alhuceraas. Le Clamor Publico qui a également
reçu une lettre de Melilla, en annonçant le même
faitajouté que, deux heures aprèsdeux vapeurs
et un brick de guerre anglais étaient sortis de Gi
braltar, avaient canonné plusieurs points de la
côte, brûlé tous les petits bâtiments qu'ils avaient
rencontré et fait souffrir d'autres dommages aux