La tranquillité la plus complète continue
de régner Paris. Les ouvriers qui ne tra
vaillent pas le lundi se sont rendus, comme
de coutume, aux barrières, laissant les
abords des sections électorales et des mai
ries presque déserts, malgré les bruits si
nistres qu'on avait cherché répandre.
Rien ne gênait donc la libre expression
de la volonté des électeurs qui désiraient
prendre part aux opérations électorales.
Quoi qu'il en soit, on ne sait encore si
l'honorable M. Devinck a obtenu un nom
bre suffisantdesuffrages. Le dépouillement
du scrutin n'a commencé qu'à 4 heures. On
dit qu'il y a environ 60,000 volants; mais
un grand nombre de bulletins seront per
dus, soil en portant des candidats de fan
taisie, soit en étant déposés sans la mention
d'aucun nom. On a beaucoup plus volédans
les 4", 2' et 10* arrondissements que dans
les autres.
La nomination de M. le général Lavvœs-
tine au commandement supérieur de la
garde nationale de la Seine, en remplace
ment de M. le général Perrot, publiée hier
dans le Moniteur, a fait cesser tous les bruits
concernant la prétendue sortie de M. Tur-
got du ministère.
La mort de M. le maréchal Soult a pro
duit une assez vive impression l'Assem
blée, surtout parmi les vieux généraux et
les anciens militaires.
Plus de 200 signatures sont apposées
en ce moment au bas de la proposition de
révision constitutionnelle. On espère beau
coup qu'on parviendra reconstituer la
majorité sur celte question importante.
On assurait hier soir, Paris, que M.
Carlier venait d'être blessé assez griève
ment par suite d'une rencontre au pistolet
entre lui et M. Lavocat. Nous ne pouvons
garantir cette nouvelle.
DE L'ASSEMBLÉE FRANÇAISE.
M. Boone, curé a Wiukel-Saint-Eloyest
nommé curé de Saint-Jacques a Y près.
On lit dans I' 1ndépendance
Une dépêche télégraphique porte que l'Assera-
blée a été occupée ce matin millitairement.
Sa dissolution est décrétée.
Le suffrage universel est rétabli.
Le peuple est convoqué dans ses comices du i4
au 2i décembre.
Maître Beard resta court après ce bel exorde;
il était un peu embarrassé pour en venir son fait
d'une manière convenable. Il continua enfin.
Depuis longtemps je me suis aperçu... de l'in
différence où l'on est a l'égard de la poésie... La
poésie, chers écoliers, la poésie est la source de
toute science... La clef... que dis-je le passe-par
tout de l'instruction de tout bon Anglais... Mais
ici un grand danger se présente... il y a poëte et
poëte... Les uns vous diront Preuez Schakes-
peare... Les autres, Milton... moi, je vous dirai
Ne prenez ni l'un ni l'autre... Le premier n'était
qu'un comédien... ah! fi! et le second un vieil
aveugle... Comment un gaillard comme cela pour
rait-il guider la jeunesse?... Donc, j'ai résolu de
vous faire apprendre quelques vers... dans votre
intérêt, chers écoliers... et je vous ai déterré un
poëte d'une autre trempe que Schakespeare et
Milton, un poëte auquel ces deux là ne peuvent
pas être comparés... bien loin de là... et qui a sur
eux l'immense avantage de n'être pas aussi com
munément répandu... Personne ne le connaît...
excepté moi... et je m'empresse de vous dire que je
l'estime beaucoup... tellemeut, que je veux vous
orner la mémoire de ses charmantes... que dis—
je de ses sublimes productions... A partir d'au-
Paris est en état de siège.
M. de Momy est Ministre de l'intérieur.
Les généraux Changaruier, Lamoricière et d'au
tres membres de l'Assemblée sont arrêtés.
La République sera maintenue.
La loi des travaux publics est votée par le sénat,
sans amendement.
Dans la séance de samedi trente deux membres
ont accepté cette loi, six l'ont repoussée, neuf se
sont abstenus.
Oui répondu oui MM. Jamar, de Roye, Robert
Van Ha vre, de Buissere't, Herry Vispoel, l.auwers,
de Thuin, le baron de Tornaco, de Pélichy, le ba
ron Damiuet, Loos, de Munck, Laonreux, Forgeur,
Pecsteen, d'AnethanMosselman, deDorlodot,
Pollet,comte d'Hane, Van Scboor, Zoude,le prince
de Ligne, de Rodes, de Pilleurs, de Cartier d'Yves,
Wyus, d'Udekem, Grenier-Lefebvre, Favereau,
Duraon-Dumoriier.
Ont répondu non MM. de Neckere, Cassiers,
d'Hoop, de Moerman, d'Omalius d'Halloy, Des-
mauet de Biesme.
Se sont abstenus: MM. le comte de Ribaucourt,
Spitaels, Gillès, le comte de Robiano, Dellafaille,
comte de Marnix, Dutrieu, Kethune, Wouters.
Après ce vole, le sénat s'est ajourné indéfine-
ment. Le président M. Dumon-Dumortier, a prié
la commission chargée de l'examen de la loi sur le
crédit foncier, de s'occuper avec activité de son
rapport.
Le vote des quatre derniers articles de la loi a
été précédé d'un débat qui a porté particulièrement
sur la réduction des péages du canal de Pommerœul
Antoing et de l'Escaut.
M. Spitaels avait proposé un amendement cet
article. Il voulait que ces réductions de péages ne
fussent opérées qu'après l'achèvement des travaux
publics décrétés eu faveur des autres bassins houil-
lers.
Cet amendement de M. Spitaels est aisé a com
prendre. L'honorable sénateur de Charleroi n'a pas
une confiance absolue daus l'exécution des travanx
compris dans le projet soumis au sénat. Il craint
que les compagnies ue puissent tenir leurs engage
ments. Or, si le couchant de Mons était mis dès
présent en possession des avantages que la réduc
tion des péages du canal d'Antoing et de l'Escaut
lui promet, il aurait, le cas échéant de la non exé
cution des travaux accordés aux autres bassins, une
positiou meilleure que ceux-ci, et l'équilibre entre
les grands centres de la production serait détruit.
M. Dumon-Dumortier a combattu avec force les
opinions, exprimées par M. Spitaels et résumées en
sou amendement. M. le ministre des travaux pu
blics a aussi pris en main la cause du Hainaul, et
M. Spitaels, qui s'apprêtait répondre, s'en est vu
empêché par la clôture. Mécontent, il a demandé
jourd'hui, août, jusqu'au 25, nous ne ferons
pas autre chose que d'apprendre et de réciter des
vers... Et qu'on dise après cela que je ne travaille
pas votre instruction Vous serez là pour dé
mentir des bruits aussi calomnieux, et vous irez
même, j'en suis sûr, jusqu'à engager vos parents
augmeuler de quelques scheliings le prix de vos
pensions... non pas que je professe un vil amour
du lucre... mais seulement afin que vous me deve-
viez plus chers de jour en jour...
Après cette péroraison insidieuse, maître Beard
tira d'un tiroir une quantité de petits cahiers bar
bouillés de vers; il en donna un chacun des élèves
les plus avancés, et leur recommanda de se mettre
l'étude avec ardeur.
Depuis ce jour jusqu'à l'époque fixée, il est im
possible de se faire une idée de la peine que se
donna maître Beard. Il fit d'abord récitera chacun
le contenu de soa petit cahier; besogne qui dura
au moins huit grands jours, et qui en eût certaine
ment duré quinze, sans la fameuse férule dont le
maître d'école se servit habilement pour ouvrir la
mémoire de ses acteurs. Puis, quand tous les rôles
furent sus isolémeut, il fallut apprendre aux éco
liers former le dialogue, en parlant chacun son
tour. Pauvre mailre Beard comment en fussiez-
l'appel nominal sur l'article, mais cet appel n'a
servi qu'à constater le petit nombre de membres
qui adhéraieut son amendement, 58 voix contre
9 lui ont donné tort.
L'article relatif aux ofTres de la ville de Liège a
aussi été discuté. M. le comte Ribaucourt a de
mandé qu'on traitât avec la ville de Liège pour
l'exécution des travaux de la dérivation. De cette
manière, a dit l'honorable membre, nous serons
sûrs que le chiffre de huit millions se sera pas dé
passé et qu'on ne viendra pas nous demander des
nouveaux crédits pour l'achèvement de ces travaux.
MM. de Tornaco et Forgeur se sont élevés contre
cette proposition qui n'a pas été soutenue.
Un dernier ameudement restait, celui de M. de
Pilleurs, l'art. 12. M. de Pilleurs y voulait
faire inscrire 2 millions pour la voirie vicinale,
mais, sur la promesse de M. le ministre de l'inté
rieur, d'augmenter dans un an ou denx s'il est pos
sible, le crédit annuel de 3oo,ooo fr. qui figure
déjà au budget, l'honorable sénateur a retiré son
amendement. Émancipation
On écrit de Watou, le 26 novembre:
Hier, dans le courant de l'après-dîner, nnë pau
vre jeune fille, âgée peine de 18 ans, accom
pagnée de deux de ses petits sœurs, avait cru
pouvoir couper quelques racines de choux qui se
trouvaient sur une pièce de terre, lorsque tout-à-
coup le fils du fermier qui appartenaient ces ra
cines, instigué, ce qu'on assure, par sa mère,
accourut près de ces pauvres enfants, et obligea
forcément l'aînée d'entr'ellesà reporter la ferme
ce qu'il prétendit qu'elle allait enlever.
Si nous sommes bien renseignés', et nous croyons
l'être; il paraît qu'arrivée dans la cour de la ferme,
la mère et le fils, après avoir accablé cette malheu
reuse jeune fille de mauvais traitements, jugèrent
sans doute que cette correction n'était pas assez
sévèrement et menacèrent l'enfant de l'attacher
la niche de leur chien de basse cour. A cette me
nace ou peut être au commencement de l'exécution
de cette menace, l'effroi de cette pauvre enfant fut
si grand, qu'elle poussa des cris de détresse qui
furent entendus une grande distance des alen
tours puis elle perdit connaissance. Ce que voyant,
la fermière et son fils jugèrent probablement qu'il
était temps de s'en débarrasser. Ils réunirent donc
leurs efforts, et portèrent, nous assure-l-on, cette
malheureuse jusqu'à la barrière qui sert d'entrée
la ferme, où, toujours sans connaissance, elle fut
abandonnée sans secours la grâce de Dieu.
C'est dans ce triste état qu'elle fut retrouvée,
après un intervalle de plus d'une demi heure, par
sa pauvre mère, qui, avertie par les deux jenues
sœurs de la victime, de ce qui venait d'arriver, s'é
tait empressée d'accourir au secours de son enfant.
L'un des gardes champêtres, informé par la ru
meur publique de ce qui précède, se rendit égale-
vous venu bout sans la badine de jonc que vous
teniez la main Enfin, il indiqua la position que
chacun devait garder, le moment de la sortie ou de
l'entrée de tel ou tel; et les écoliers finirent par
deviner que leur maître leur faisait jouer une œu
vre dramatique. Ces soins divers amenèrent nos
personnages jusqu'au 24 août, jour pendant lequel
le poëte se promettait de faire une grande répéti
tion géuérale.
Malgré toutes les précautions prises par maître
Tom pour que son secret ne transpirât pas, la plu
part des parents savaient de'jà que leurs fils allaient
jouer un rôle dans une tragédie du maître d'école,
et que depuis vingt-quatre jours on ne leur faisait
pas faire d'autre travail que d'apprendre et de ré
péter. Quelques-uns s'en plaignirent mistress
Beard, qu'ils rencontrèrent, et la pauvre femme
faillit tomber la renverse en apprenant cette nou
velle folie de maître Tom. Plus de doute qu'il ne
perdît tous ses élèves... Cette triste pensée mit la
matrone dans une telle colère, qu'elle reprit tout
coup le chemin de l'école, en agitant les bras
d'une façon menaçante, et en laissant échapper de
temps autre des exclamations sourdes, signe évi
dent d'une exaspération extrême, et présage cer
tain d'un orage terrible. Pour être continué.)