JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3573.
35me année.
Défendre et sauvegarder les intérêts rao-
raux de toutes les classes de la société, tel
est le premier des devoirs qui incombe
tout gouvernement digne de sa mission.
Autant l'esprit est au-dessus de la matière,
autant les intérêts moraux l'emportent en
importance sur les intérêts matériels. Ce
que nous avançons ici est tout simplement
un axiôme;
Deux actes importants au point de vue
intellectuel et moral ont signalé jusqu'ici
la politique ministérielle, La loi sur les
donations charitables s'est vu appliquer
dans un sens contraire la liberté et au
catholicisme, et l'enseignement moyen de
l'État, établi dans des vues hostiles l'en
seignement libre et religieux, a couvert
tout le pays du vaste réseau de ses quatre-
vingt-deux institutions. C'est donc à- la li
berté en même temps qu'au catholicisme
que le ministère s'en est pris chaque fois
qu'ils se trouvaient ensemble en cause.
Constatons encore que la société elle-
même n'a pas été mieux traitée.
Le relâchement des liens religieux d'a
bord, le paupérisme ensuite ont seine dans
les rangs du peuple les doctrines les plus
subversives. Les apôtres de la révolte l'ex
citent tous les jours faire main basse sur
les richesses d'autrui; ils l'exaspèrent con
tre ceux qui possèdent, et sans cesse lui
représentent la dureté, l'égoïsme desclasses
fortunées. La charité chrétienne nous reste
cependant; elle seule peut renouer encore
les liens demi-rompus de la fraternité
humaine; elle seule peut inspirer au riche
la commisération, au pauvre la reconnais
sance. Plus que jamais il importe qu'elle
étende librement son empire; et la loi lui
fut-elle contraire, il faudrait changer au
plus vite celle loi, comme erronée et fu
neste. Erreur profonde,disent MM. Tesch
et De Haussy, le pouvoir religieux est bien
trop puissant; il faut lui imposer des li
mites salutaires, ainsi qu'on fit en 89. Et
là-dessus on donne la loi sur la bienfai
sance une interprétation nouvelle et l'on
restreint la liberté des bonnes œuvres.
Ainsi sont-ils faits ces têtes fortes du pseu
do-libéralisme; ils ont peur de la théo
cratie; ils ont peur de l'influence occulte,
et ne s'aperçoivent pas que c'est au socia
lisme qu'ils aplanissent la voie.
Les mêmes causes produisent les mêmes
effets: la France sous Louis-Philippe voyait
aussi ses hommes d'état harceler sottement
les prêtres et la religion. Mais un jour le
sol mouvant où ils avaient dressé leurs
tentes, les renversa dans la fange, et le
trône privé d'étais disparut dans l'éboule-
ment. Depuis, le plus célèbre d'entre les
doctrinaires français, M. Thiers, prononça
devant l'assemblée législative les paroles
suivantes:
Je vous ai annoncé une chose, j'avais
des susceptibilités, dés défiances, des orn-
brages, qu'en présence des grands dan-
gers de la société, j ai complètement dé-
posés. Cela est vrai,'j'étais l'égard dé
'influencé du clergédans l'enseignement,
beaucoup plus ombrageux que je ne le
suis aujourd'hui. Je dis aujourd'hui en
toute franchise qu'en présence des dan-
gers de la société, je tiens les ombrages
pour des puérilités.
On voit qu'il s'agit ici tout particulière
ment de la question de l'enseignement;
question capitale pour l'avenir religieux
de toutes les classes dé la société, dans
lequel se résume tout notre avenir. Mais
nos minisires fidèles leur système de dé
fiance envers l'élément catholique, nos
ministres ont fermé l'oreille aux conseils
dictés par l'expérience et aujt aveux tar
difs de leurs devanciers. Encore est-il vrai
de dire que ceux-ci ne firent dans leurs
errements que céder aux exigences de l'o
pinion publique; tandis que nos libéralistes
ont institué leur vaste système d'enseigne
ment moyen, malgré les sympathies mani
festes dont la grande majorité des Belges
couvre les collèges que dirige le clergé.
Aux griefs que formulent les amis de la
•liberté dé l'enseignement, les champions
du monopole opposent trois moyens de
défense. Ils disent qu'il ne faut pas que
les catholiques seuls aient un enseigne
ment eux. Comme si cet enseignement
ne répondait pas aux vœux de la grande
majorité du pays; comme si l'État était
tenu d 'épuiser la bourse des contribuables,
afin de satisfaire les préventions aveugles
d'une minorité de voltairiens; comme si
ces soi-disànls libéraux ne jouissaient pas
sous le régime de la liberté de la faculté
d'ouvrir des écoles tout aussi bien que le
clergé; comme s'il pouvait y avoir, sans la
plus odieuse des injustices, de par l'Etat
un enseignement de parti.
Le second argument dont le monopole
étaie sa loi sur l'instruction moyenne, c'est
le besoin de relever les études classiques
prétextq futile, s'il en fut jamais; car qui
ne sait que tout dans les collèges et athe-
nées de l'État est resté dans son état an
térieur, organisation scolaire et branches
d'étude, si ce n'est qu'on a adjoint celles-
ci la physique et quelques langues modernes.
(Prétendrait-on par là améliorer les études
classiques?)
Enfin, nos adversaires soutiennent que
la religion n'a rien redouter dans les
écoles gouvernementales. Mais nous ferons
observer qu'il h'est que trop évident que
le corps professoral laïque est presqu'en-
tièrement composé de rationalistes, c'est
dire de prétendus sages aux yeux des
quels le catholicisme n'est qu'une ébauche
philosophique trop au-dessous désormais
Ides lumières du siècle. Que ces hommes
n'oseraientaltaquerouverlementdansleurs
discours la vérité religieuse; nous le vou
lons bien. Mais quiconque se trouve doué
de quelquecul lureintelleetuellecon viendra
.également avec nous, qu'il est de toute im-
possibililé que les opinions acalboliques du
maître ne se décèlent et n'éclatent tout
propos. C'est ainsi qu'en enseignant l'his
toire, ses antipathies perceront d'une
manière infaillible partout où mention
sera faîte des luttes de l'Eglise contre l'es
prit d'insubordination, qu'il vienne des
rois ou des peuples. C'est ainsi que dans
l'enseignement des belles-lettres, le pro
fesseur qui n'entend rien aux beautés pu
rement religieuses, exaltera l'inspiration
du matérialisme payen aux dépens du gé
nie catholique.
Nous ne prolongerons pas davantage ces
réflexions; il nous suffit d'avoir constaté
en peu de mots que nos ministres ne sont
guère plus aptes sauvegarder nos intérêts
moraux que nos intérêts matériels. Il y a
loin, comme on peut voir, de ces temps où
en pleine chambre un corybante du parti
docritoatre -(Ak- Lebeau ou M. Del fosse,
croyons-nous) voulant dépeindre d'un trait
le libéralisme, couleur Frèrè, débita toute
d'une haleine cette strophe fameuse
Apparemment la fougue dithyrambique
du bouffon libéral a dû quelque peu se cal
mer depuis lors (fin 1846). Nous l'espérons
dans l'intérêt du bon sens.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonue Ypres, rue de Lilte~, 10, près la Grande
Place, et che& les Percepleurs des Postes du Royaume.
PRIX RE L'ABOI.IEIIIF.iit, par trimestre 9
res fr. 3. - Les suites localités fr. 3r5o. Un u° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
dé chaque semaine. (Insertions I* centimes la ligne.)
7PIM3S, 27 Décembre.
On dirait des élégants de petite ville, qui
se croient obligés de porter les modes de
Pan passé.
(Jugement de M. de Moktalembert sur
le ministère belge.)
Le Nil a vu, sur ses rivages,
Les noirs hahitants des déserts
Insulter, par leurs cris sauvages,
'L'astre éclatant de l'univers.
Cris impuissant, fureurs bizarres!
Tandis que ces monstres barbares
Poussaient d'insolentes clameurs,
Le dieu, poursuivant sa carrière,
Versait des torrents de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.
On écrit deLouvain au Journalde la Belgique:
Un crime épouvantable vient d'émouvoir noire
ville. Un lancier entretenait des relations avec une
fille, demeurant rue de Corbeau. Retourné en congé
depuis quelques jours, il revint inopinément di
manche avec une somme d'environ 8oo fr. et de
retour a la maison, il demanda si la fille y était;
sur la réponse négative qui lui fut faite, il revint
plusieurs fois et ne fut pas plus heureux. On l'en
tendit murmurer ces mots: Cela ne peut continuer
ainsi.' Vers le soir seulement, la fille rentra au logis
le lancier vint l'y retrouver et il burent ensemble
plusieurs verres de bière.
Quelque temps après dans une chambre placée
an-dessus de l'eslaminet, on entendit du bruit et ce
cri poussé par la fille: Un prêtre... je me meurs!
Personne dans l'estaminet n'osant aller s'infor
mer de ce qui Se passait, on courut chercher la garde