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JOURNAL D'TFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3593.
Samedi, 6 Mars 1852.
35me année.
La chute du ministère anglais de lord
John Russell et l'avènement au pouvoir
des torys sont destinés réagir fortement
sur la politique commerciale, industrielle,
agricole surtout, de la Grande-Bretagne.
Désormais les partisans de la protection
douanière, dont les torys se constituent les
défenseurs, parleront haut et ferme au
sein du parlement. Ce ne sont plus seule
ment les traditions du passé, ni de sages
et prudents conseils qu'ils auront faire
valoir. C'est l'histoire des cinq dernières
années qui parlera pour eux. Acquises au
prix du bien-être et des moyens de subsis
tance de la classe agricole, les leçons de
l'expérience ont coûté trop cher au peuple
anglais pour qu'il soit encore permis de
fermer l'oreille leur voix. Sous le ré
gime protecteur, alors que les propriétaires
fonciers, classe la plus apte juger des be
soins de l'agriculture, puisqu'aux lumières
de l'intelligence, elle joint le stimulant de
l'intérêt personnel alors, disons-nous, que
les propriétaires fonciers signalaient les
désastres qui allaient fondre Sur l'agricul
ture, alors qu'ils prédisaient en termes
précis la dépréciation inévitable des biens
fonds, l'avilissement des produits agricoles,
et par suite la ruine prochaine des popu
lations rurales; les free-traders jettèrent les
hauts cris; les en croire, leurs adver
saires étaient des égoïstes sans entrailles,
qui s'engraissaient au dépens du peuple;
c'étaient des alfameurs, qui en maintenant
un taux élevé les denrées alimentaires,
pressuraient le pauvre travailleur et le
rivaient impitoyablement l'onéreuse re
devance d'un tribut exorbitant. Les pro
tectionnistes cependant répliquaient avec
vigueur ces vulgaires inculpations, dans
leurs meetings, dans la presse, la tribune
du parlement. Rien n'y fit; ni beaux dis
cours, ni belles raisons. La libre impor
tation des céréales exotiques devant faire
baisser les prix des denrées alimentaires,
il est facile comprendre comment le peu
ple des villes s'intéressa tout d'abord au
libre-échange, et comment il fut induit
envisager les propriétaires comme des
égoïstes et des accapareurs.
Le libre échange l'emporta en 1846; ses
principes, il les a formulés en actes, et ses
utopies sont devenues des réalités. Mais
aujourd'hui son existence est remise en
question, et des milliers de voix en exigent
l'abolition. Ce ne sont plus, il est vrai,
comme jadis, les riches propriétaires seuls
qui protestent contre un système désas
treux; ce sont de simples fermiers, de
pauvres ouvriers des champs; ce sont des
familles entières, qui privées de moyens
et d'existence, réduites la mencidité,
évincées de leurs demeures et de leurs
champs, ou la veille de l'être, racontent
tout simplement l'origine de leurs mal
heurs. Ce sont elles désormais qui disent
comme quoi le vil prix ou la concurrence
étrangère a fait choir les produits agri
coles, a tout la fois réduit les fermiers
l'impossibilité de solder leur,s redevances
et privé de ressources la classe des tra
vailleurs ruraux. Qui ne le sait? L'agricul
ture anglaise, si florissante sous le régime
des droits protecteurs, verra en peu d'an
nées se consommer sa ruine, -si les torys
ne se hâtent de redresser les fautes des
whigs.
Ces injustes clameurs à-l'encontre des
riches; celte odieuse tactique du libéra
lisme anglais s'efforçant de faire prévaloir
ses projets en appelant la haine populaire
sur les classes fortunées, nous rappelent
de tristes et récents souvenirs. On sait les
menées indignes du parti ministériel dans
notre patrie, lors de la dissolution du Sénat
propos de la loi sur les successions; on
sait que nos meneurs ne craignirent pas
de représenter les membres de cette hono
rable assemblée comme des égoïstes re-
jettant toute imposition dont ils seraient
passibles. Cependant la nation consultée
rendit au Sénat une majorité hostile au
projet ministériel. On capitula,et la cham
bre haute répondant par des actes aux
calomnies du parti ministériel, ne con
sentit grever d'un impôt que la seule
propriété foncière, c'est dire, celle qui
l'intéressait le plus.
Lundi dernier, on a retiré d'un ruisseau
Brielen le cadavre du nommé Pierre
Rommens, depuis longtemps cet individu
était atteint d'aliénation mentale.
M. Van de Putte, vicaire Beveren, près
de Roulers, est nommé vicaire Lange-
marck.
Voici la liste des causes qui seront
appelées devant la cour d'assises de la
Flandre occidentale pendant la première
semaine de la première série, dont l'ou
verture est fixée au lundi 8 mars:
Le lundi 8 mars, Louis Christiaens, ac
cusé de vols; le mardi 9, Donatien Dert
Charles-Louis Sarrazyn, Jean de Mey et
Pierre Van Leenknecht, accusés de vols;
le mercredi 10, Henri Douay et sa femme
Virginie Braem, accusés de bigamie et de
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'A BON SEME NT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions M9 centimes la ligne.)
7PR.ES, 6 Mars.
Un arrêté royal, en date du 29 février, autorise
la commission administrative de l'institution royale
de Messines (Flandre occidentale)
i° A faire exécuter, par voie de régie, divers
tiavaux de réparation et d'entretien aux bâtiments
de cet établissement
20 A y faire construire un réservoir destiné
recueillir les eaux pluviales l'usage de la buan
derie et arranger un préau pour les exercices gyru-
nastiques des élèves;
3° A faire exécuter, par voie économique, des
travaux d'entretien et d'amélioration appartenant
ladite institution, dont deux sont situéesà Noord-
schoote, et la troisième Neuve-Église;
4° A faire construire des bergeries, hangars,
clôtures, etc., la ferme de la Petite-Douve, située
Messines.
Le tout devant occasionner, d'après les devis,
une dépense de 20,625 fr. i5 c.
M. Tack, receveur des contributions directes et
accises b Pervyse, est nommé en la même qualité
b Oostvleteren.
Le carnaval a eu b Menin des suites bien dé
plorables. Quelques jeunes campagnards arrivés en
ville pour voir les masques, s'étaient adonnés le
Mardi gras b la boisson et le soir, en se rendant chez
eux, ont attaqué et maltraité deux paisibles pas
sants. Puis ils prenaient leur plaisir b mutiler les
arbres qui se trouvaient le long de la route de Menin
b Reckem, lorsque une compagnie de jeunes gens,
revenant d'une fête de noces, vint b passer. Ils les
ont aussi assaillis et se sont rués sur le jeune marié
et sur son vieux père. Ce dernier a été tellement
maltraité, qu'on la laissé pour mort sur place, et
l'on se disposait déjb b jeter b l'eau le jeune époux,
quand l'arrivée accidentelle de quelques passants
fit cesser ces actes de brutalité et mit en fuite tous
ces forcénés, qui se sont réfugiés en France. L'au
torité judiciaire de Courtrai a fait mercredi une
descente b Rechem et les médecins-légistes ont
constaté que les blessures de la victime, Honoré
Desseaux, barbier b Reckem, sont mortelles.
Mardi est décédé b Roulers, M. J.-A.-X.
Vermander, bourgmestre de la ville. M. Verman-
der était âgé de 77 ans.
On écrit de Bruges, 3 mars
Il y a une année environ vint b Bruges, comme
domestique, la nommée Marie Balselier, d'Assche.
Il parait que cette fille naquit sous une bien heu
reuse étoile, car b peine fut-elle de quelques se
maines dans notre ville qu'elle eut une garde robe
des plus soignées et un gousset pas mal fourni; et,
par uu bonheur inouï, après chacune de ses sorties
elle rapportait au logis un objet quelconque que le
hasard lui avait fait trouver sur son chemin. Le
bonheur de Marie fut même si grand que dame
justice conçut quelques soupçons; mais, grâce en
core une fois aux avertissements de sa bonne étoile,
la fille Batselier, pour ne pas devoir expliquer sans
doute d'où lui venait son surcroit de bonheur, mit
la mer entre elle et la police, et bientôt Marie et
ses miraculeuses trouvailles furent oubliées.
Il y a trois semaines environ débarqua b An
vers, veuanl d'Angleterre, et habillée en grande
dame, uDe jeune femme, ne parlant ni français ni
anglais, mais bien le patois d'Assche; un agent de
police, qui dans le temps avait entendu parler du
bonheur inouï d'une jeune fille de cette commune,
l'invita b le suivre b son hôtel. Il conduisit Marie
Batselier en prison elle fut. le lendemain conduite
a Bruges, et aujourd'hui elle habite notre maison
de détention en attendant qu'elle explique com
ment elle a trouvé fortuue. [Patrie.)