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JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3596
35me année.
7PP.ES, 17 MARS.
Quand on connaît les hommes et les
circonstances qui ont ouvert la politique
soi-disant libérale les portes du conseil du
Roi; et qu'on examine les hommes et les
principes qui constituent cette politique,
et ceux qui la représentent la Chambre,
dans les clubs, dans la presse on ne saurait
nier qu'une ligue puissante conspire contre
,1a religion catholique, et que les coups
perfides dirigés contre les Evêques, contre
le clergé, contre l'enseignement religieux
ne sont qu'une combinaison d'attaque gé-
nérale contre l'Eglise.
Pour qui comprend les leçons de l'expé
rience, ilestévidentquecescomploisourdis
contre l'église offrent déjà un caractère
alarmant pour notre bonheur privé et
pour le bien-être commun de la patrie.
Aussi est-ce pénétrés de cette pénible vé
rité, que des vœux et des supplications s'é
lèvent de toute l'étendue de notre sol, pour
détourner les maux qui semblent s'amon
celer sur nos têtes.
En vain des esprits superficiels, aveugles
adorateurs des passions installés au pou
voir, se récrieront-ils contre la manière
dont nous jugeons les choses actuelles.
Les ennemis les plus dangereux de l'É-
FEUILLETON.
UN HORRIBLE ASSASSINAT.
glise, et partant de la société, n'ont pas été
ceux qui lui faisaient subir la persécution
du glaive; non; non, elle craint moins les
fureurs d'un peuple qui s'écrie: les chré
tiens aux bêles! que l'abâtardissement ou
la corruption de ses propres enfants qui
la délaissent et la méprisent. Et toujours
elle a redouté plus, la persécution hypo
crite de la ruse que les assauts sanglants
de la violence.
Les adversaires les plus redoutables
l'église, ceux dont elle craint le plus l'hos
tilité, sont spécialement ces suppôts du
mal, qui tentent de lui ravir son influence
dogmatique, ou l'éducation des générations
naissantes; son influence sociale, ou ses
biens, instruments de ses bonnes œuvres.
Et pourquoi la liberté de l'enseignement
est-elle chère avant tout l'Eglise? parce
que l'éducation de la jeunesse, est le plus
grand moyen d'influence qui soit donné,
pour conserver au sein de la famille ca
tholique, le double trésor de la foi et des
bonnes mœurs.
Pour se faire une idée de l'action bien
faisante que le prêtre exerce sur la société,
par sa participation intime l'œuvre de
l'éducation publique, il suffira que l'on
sache que c'est lui ravir ce moyen d'in
fluence, que ses ennemis les plus acharnés
tournent constamment leurs efljorts, et que
partout où ils ont triomphé; la liberté
d'instruction a été enlevée l'Eglise.
Julien, cet empereur apostat, ce persé
cuteur philosophe, Julien, n'imagina pas
de moyen plus sûr de tuer le christianisme
qu'en ravissant l'Eglise l'éducation et
l'enseignement.
Et, pour ne pas remonter si haut, lorsque
Voltaire et son troupeau de sophistes mar
chaient l'assaut de l'autel, au cri: Écra-
sons C infâme! lorsque ses adeptes conspi
raient la ruine de l'Eglise n'onl-ils pas
préludé la démolition de l'édifice divin,
par la destruction de la société de Jésus,
la principale congrégation enseignante?
Sous la restauration, quelle a été la lac
tique du libéralisme, des fils de Voltaire?
ils ont attaqué sans relâche les établisse
ments des Jésuites, l'éducation catholique.
On sait ce qui advint la suite de cette
persécution en matière de l'enseignement.
Guillaume 1er, pour décatholiser la Bel
gique ne suivit-il pas non plus la même
marche?
Or, il est de fait, que la grande influence
sociale de la religion sur l'enseignement
chez nous, est publiquement combattue.
Dans les établ issements de l'Etat, ou bien
l'instruction religieuse est totalement abo
lie, ou bien elle ne s'y donne que d'une
manière dérisoire. Une ligue formidable
s'est formée contre la religion catholique.
De là, ce large emploi des deniers publics
pour soutenir les écoles de l'Etal, cette
protection patente ou efficace accordée
des instituteurs de mœurs suspectes, lors
qu'ils abritent leur inconduite sous une
profession de foi libérale. De là ces dif
ficultés, ces chicanes déloyales suscitées
contre la charité privée; de là ces décla
mations furibondes de la presse libérale
l'eucontre des prêtres et de leur doctrine....
Ouvrez les journaux libéraux, fréquentez
les clubs, y remarquerez-vous autre chose
que de continuels sarcasmes contre les
principes essentiellement conservateurs de
la société?
En présence de ces faits n'est-il pas juste
que l'on s'inquièfe et que l'on s'alarme la
vue de l'avenir? Nous le croyons ferme
ment, persuadés que nous sommes avec
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonue Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L^BOVIIEMEMT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. TJu n° 25 c.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)
ERRATUM. Dans notre dernier numéro, 1"
colonne, ligne 52m° au lieu de ridiculeslisez
incrédules.
Un colporteur, 011 marchand de tabacs ambulant,
venait de Morristown où il avait fait d'assez bonnes
affaires avec le syndic de l'établissement des Scha-
kers, et il se rendait au village de Parker's-Falls,
sur la rivière Salmon. Il avait une jolie petite
carriole verte, avec une boîte de cigares peinte sur
chaque panneau extérieur et un chef indien armé
d'uD long calutnet sur celui de derrière. Le col
porteur conduisait lui-même la jument grise atîelée
h 6on équipage; c'était un jeune honune de très
bon caractère,fin dans ses marchés, mais très goûté
de ses chalands; car les Yankies disent eux-mêmes
qu'ils aiment mieux être rasés par un rasoir bien
affilé que par uu rasoir émpussé. Il était surtout le
favori de toutes les jolies filles de la province,
auxquelles il faisait hommage du meilleur tabac de
son fonds, sachant que les jeunes campagnardes de
la Nouvelle-Angleterre ne détestent pas de fumer
une pipe. Enfin, comme on le verra dans la suite
de mon histoire, Dominique Pike, le colporteur,
était naturellement curieux et causeur, toujours
presque de savoir les nouvelles et plus pressé
encore de les répéter.
Après avoir déjeuné de bon matin a Morristown,
Dominique avait voyagé pendant sept milles,
travers un bois solitaire, sans dire uu mot per
sonne, excepté lui-même et sa jumeut grise. Il
était près de sept heures, et il lui tardait de faire
sa petite causerie du matin, comme il tarde un
boutiquier de la ville de lire la première édition de
sou journal. L'occasion parut s'en offiir lui, quand,
après avoir allumé son cigare avec un verre ardent,
il leva les yeux et aperçut un homme qui descen
dait la colline au pied de laquelle il venait de faire
halte. Dominique, en l'examinant, remarqua que
cet homme portait sur l'épaule un paquet au Bout
d'un bâton et venait lui d'un pas ferme quoique
fatigué. Il n'avait pas f'air d'un voyageur parti
avec la fraîcheur du matin, mais de quelqu'un qui
a marché toute la nuit et qui se propose de con
tinuer toute la joumée.
Bon jour mon maître, dit Dominique dès qu'il
fut a distance d'être entendu, Vous allez d'un joli
train.Qu'y a t il de plusnouveauh Parker'sFalls?»
L'homme rabattit les larges bords de son cha
peau sur ses yeux et répondit avec assez de mau
vaise humeur qu'il 11e venait pas de Parker's-Falls,
lieu que le colporteur avait naturellement nommé
parce que c'était le terme de sa propre journée.
Eh bien donc! reprit Dominique, donnez-
moi les dernières nouvelles de l'endroit d'où vous
venez: je ne tiens pas autrement savoir celles de
Parker's Falls; tout autre endroit fera l'affaire.
Ainsi importuné, le voyageur, homme de mau
vaise mine s'il en fut,sembla hésiter un peu,comme
s'il interogeait sa mémoire ou délibérait sur son
obligation de répondre. Enfin, montant sur le
marchepied de la carriole, il dit h Dominique, en
lui parlant h l'oreille, quoiqu'il eût pu le lui crier
haut sans que nul autre mortel pût l'entendre
Je me souviens d'une seule nouvelle. Le vieux M.
Higginbotham,deKimballton, a été assassiné dans
son verger, huit heures du soir, par un Irlandais et
un homme de couleur; ils l'ont pendu îi la branche
d'un gros pirier. afin que personne ne pût le trou
ver avant ce matin.
Aussitôt qu'il eut fait celte horrible communi
cation au colporteur, l'inconu se remit en route en
hâtant le pas de plus, et sans même tourner la tête,