JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
les hommes
TP3.ES, 20 MARS.
Un des caractères les plus saillants de
la politique nouvelle, c'est son manque de
sincérité.
S'il fallait en croire cependant les feuilles
qui lui sont inféodées, le ministère par le
fait même qu'il la représente, se trouverait
placé la tête de l'opinion publique; ex
pression puissante des vœux du peuple,
sa position serait inattaquable. Ces pré
tentions, le cabinet lui-même les afficha
souvent la tribune, mais les actes qu'il
pose sont loin de confirmer ses paroles.
Tout l'indique au contraire sa politique
est une politique d'expédients, et le secret
de ses forces consiste surtout dans sa
sincérité négative: se cramponnant au
pouvoir, tantôt en profitant du concours
désintéressé de la droite, tantôt en cédant
aux exigences de la gauche, tantôt même
en flattant les dangereuses utopies des dé
mocrates, voilà où semble aboutir toute la
science gouvernementale du cabinet.
C'est ainsi que jusqu'en 1850, M. Rogier,
craignant pour le budget de la guerre, in
voquait l'appui des conservateurs, et qu'en
1851, craignant pour sa popularité, le mi
nistère du 12 août condescendait pour
appaiser l'extrême gauche, réduire ce
budget 25 millions; aujourd'hui néan-
FEUILLETON.
moins les'uonon^s d'État de la politique
nouvelle revenant de recbef sur leurs pas,
inclinent porter le budget dè la guerre
la somme de 28 millions.
C'est ainsi que le cabinet Rogier-Frère,
au jour de son avènement, se conciliait les
sympathies de la gauche en s'adjugeant
d'office l'inauguration du système libre-
échangiste, et qu'il sut encore se ménager
les commettants de ces députés, manda
taires pour la plupart de quelque grand
centre d'industrie, en couvrant celle-ci
d'une protection exclusive.
Parlerons-nous des atteintes portées par
lui la liberté de l'enseignement et celle
de la bienfaisance, en vue de satisfaire la
rancunière intolérance du vollairianisme
décrépit, par lui, disons-nous, la pure es
sence, l'en croire, de l'opinion libérale?
Dirons-nous que la garde civique (dont
nous n'avons garde de médire) fut imposée
la bourgeoisie au nom de la liberté, et
que cette corvée antipathique nos mœurs
etque personne ne réclamait sérieusement,
était censée correspondre un vœu que
tout le monde partageait? Rappelerons-
nous les paroles mielleuses dont, après
février 1848, M. Rogier accueillait le con
cours désintéressé des représentants con
servateurs, et les sarcasmes injurieux que
M. Frère, du haut de la tribune du parle
ment, décocha contreeux, alors que l'orage
était passé, du fait même de leur patrio
tique dévouement?
Expédients droite, expédients gau
che, le tout enveloppé de phrases préten-
L'inconnu avait été trop empressé de parler, pour
tions et de sophismes oratoires; c'est en
quoi se résume la politique ministérielle.
No 3597
Samedi, 20 Mars 1Ç52. 35me année.
i
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonue Ypres, rue de Lille», 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes dû Royaume.
PRIX DE LMIIO.VXKHKNTpar trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c.
Le Préparateur païaît le ftllIEDI et le IIRRCREDI
de chaque semaine, (insertions f 9 centimes la ligne.)
UN HORRIBLE ASSASSINAT.
(suite.)
Je raconte l'histoire comme on me l'a
raconte'e, monsieur répondit Dominique ôtant son
cigare de sa bouche: je ne dis pas ce que j'ai vu,
mais ce que j'ai entendu dire. De sorte donc que je
ne peux faire serment que M. Higginhotham ait
été tué exactement de cette manière et cette date.
Eh bien je puis faire serment, moi, dit le
fermier, que si M. Higginhotham a été assasiné
avant-hier, c'est avec son spectre que j'ai bu, ce
matin, un verre d'absinthe. Comme il est un de
tnes voisins, il m'a vu passer cheval, m'a appelé,
m'a invité boire un coup, et m'a prié de faire une
commission pour lui sur la route. Il ne paraissait
pas avoir entendu parler plus que moi de son assas
sinat.
Oh! alors, ce ue peut être un fait! s'écria
Dominique.
Je présume qu'il me l'eût mentionné si c'en
était un, reprit le vieux fermier qui alla replacer
sa chaise dans le coin et laissa Domiuique un peu
interloqué.
Le vieux M. Higginbotham était donc ressuscité.
Le colporteur confus n'eut (dus le courage de se
mêler la conversation, ma,is se consola avec un
verre de liqueur et alla se mettre an lit, où toute la
nuit il rêva de pendaison. Afin d'éviter le vieux
fermier qui il en voulait assez pour souhaiter que
ce fût lui, plutôt que le vieux marchand, qu'on eût
pendu au poirier fatal), il se leva au point du jour,
attela sa jument grise la cariole verte et trotta
vivement dans la direction de Parker's-Falls. J.a
fraîche brise du matin, la rosée tombée sur la roule,
la douce lumière de l'aube ranimaient son humeur
causeuse, ce point tju'il eût répété volontiers son
histoire s'il avait rencontré quelqu'nn pour l'en
tendre. Mais il ne vit ni laboureur conduisant ses
bœufs, ni char de campagne, ni chaise de poste, ni
cavalier, ni piéton, jusqu'à la rivière Salmon. Là
survint, tout coup, du bord opposé pour traver
ser le pont en même temps que lui, un homme qui
avait un paquet sur l'épaule, ou bout d'un bâton.
Bonjour, Monsieur lui dit le colporteur eû
arrêtant sa bête. Si vous venez de Kimballton ou
du voisinage, ponvez-vous m'apprendre la vérité
sur cette affaire du vieux Higginbotham Ce mar
chand a l il réellemement été assassiné, il y a deux
ou trois jours, par un Irlandais et un homme de
couleur?
La Chambre des Représentants a voté mercredi
l'unanimité le projet de loi demandant un trans
fert de 555tû££i>Ï£,'wJ(1ï budget de la geure. Une
proposition de M. de Chimay, ainsi conçue:
La Chambre, désirant faire cesser l'indécision
qui continue régner sur le sort de l'armée, émet
le vœu que le budget normal de 1853 soit discuté
dans le cours de la présente session, avait été
préalablement rejetée par ây voix contre 25.
\J Indépendance belge été interdite dans
les Etats-Romains partir du 6 mars.
Le Journal des Débats, auquel nous emprun
tons les lignes qui précèdent, ne fait pas connaître
les motifs de la mesure qui vient d'atteindre le prin
cipal organe de notre ministère en Belgique néan
moins ces motifs ne peuvent faire doute pour per
sonne. Le gouvernement pontifical, moins irritable
ce qu'il semble que notre ministre de l'intérieur,
s'est laissé attaquer longtemps par notre presse mi
nistérielle sans mot dire, sans prendre aucune
mesure de rigueur; mais dans ces derniers temps
un correspondant àc VIndépendancetransfor
mant des baïoques en écus, des centimes en francs,
a poussé la malveillance jusqu'à la plus insigne
mauvaise foi et la feuille ministérielle n'a consenti
rétracter une calomnie manifeste, qu'après plu
sieurs jours d'attente, c'est-à-dire lorsque cette
calomnie devait avoir produit tout son effet sur le
lecteur. Encore, la rétraction du fait principal a
l-elle eu lieu avec une foule de réserves sur les
conséquences qu'en avait tirées le correspondant.
Nous croyons que le motif de l'interdiction doit se
chercher dans ce procédé si peu loyal de la feuille
ministérielle. Journal d'Anvers.)
observer d'abord que celui qui il s'adressait ainsi,
sans autre préambule, avait lui-même une teinte
assez foncée de sang noir. Apostrophé par cette
interrogation'soudainele mulâtre parut changer
de peau, passant du bronze-jaune au blême livide,
tandis que, frissonnant et bégayant, il répondit:
Non, non, pas d'homme de couleur! C'est
un Irlandais qui l'a pendu hier an soir, sur les huit
heures. Je suis parti moi-même hier sept heures.
Les gens de la maison ne peuvent encore l'avoir
trouvé ni même cherché dans son verger.
A peine le mulâtre eût-il répondu ainsi, comme
malgré lui, que, quelque fatigué qu'il parût déjà,
il se remit eu route d'un pas qui eût défié le trot
de la jument grise. Dominique le regarda s'éloigner
en se sentant singulièrement embarrassé! Si le
meurtre n'avait pas été commis avant la nuit de
mardi, quel était le prophète qui le lui avait racon
té d'avance, avec tous ses détails, le mardi matin
ou si le corps de M. Higginbotham n'était pas en
core découvert par sa famille, comment le mulâtre,
une distance de plus de dix lieues, pouvait-il
savoir qu'il était pendu un arbre de son verger,
surtout s'il avait quitté Kimballton avant que l'in
fortunée victime eût subi cette cruelle fin? Ces
circonstances ambiguës et l'air de surprise et de
terreur du mulâtre inconnu poussaient Dominique
'a crier haro sur lui, comme complice du meurtre,