9
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3617
35me année.
7PP.3S, 29 Mai.
Le résultatdesdemièresélections provin
ciales est de bonne augure pour la journée
du 8 juin. A Bruges, Louvain, Namur,
Gharleroi, sans compter un grand nom
bre de villes de troisième rang et d'innom
brables cantons ruraux, non plus que les
chefs-lieux d'arrondissement où le libéra
lisme s'est prudemment abstenu d'entrer
en lice; dans toutes ces localités, disons-
nous, le parti conservateur a remporté
de glorieux avantages. Comme d'habitude
nos libéraux exclusifs avaient répondu aux
avances du parti modéré en prononçant
l'exclusion de tout membre soupçonné de
modérantisme (style de 93). Mais une rude
leçon les attendait et le vole du 24 de ce
mois est fait pour leur apprendre (s'ils n'é
taient incorrigibles) que le pays est las enfin
de ce système anti-Belge, amalgame ignoble
d'égoïsmesordideeld'intolérance haineuse.
Ajoutons toutefois que le parti conservateur
a poussé dans maint collège électoral la
modération jusqu'à la bonacilé: c'est ainsi
qu'à Poperinghe et dans notre propre ville,
où un succès presqu'assuré l'attendait en
cas de lutte, il a laissé reélire sans opposi
tion tous les membres sortants.
Nous le répétons, le pays est fatigué de
la persistance coupable du libéralisme ex
clusif perpétuer systématiquement les
discordes intestines. Il est fatigué de la po
litique nouvelle, qui ne lui offre dans le
domaine de ses intérêts matériels que des
traités de commerce conclus, ou la veille
de se'conclure, avec la Hollande, l'Angle
terre, la France, et ruinant tour tour de
rôle les classes agricoles et les classes ma
nufacturières, l'élève du bétail, la culture
des céréales, les salines, la typographie,
l'industrie linière, le commerce maritime.
Puis qu'on ajoute ces tristes fruits du
libre-échange les droits sur les successions
en ligne directe, et l'on aura le résumé dé
sastreux de la politique financière inau
gurée au 12 août 1847. Dans le domaine
des intérêts moraux, des résultats plus
tristes encore restent constater: d'une
part, des mesures vexatoires compriment
la charité dans sa mission sociale; de l'au
tre, un vaste système d'instruction aux
frais de l'État contrarie la liberté de l'en
seignement et ne présente aux pères de
famille aucune garantie religieuse pour
l'éducation de la jeunesse.
Le Constitutionnel, de Paris, vient de
publier sur notre situation politique un
article important au point de vue de nos
relations étrangères et de notre avenir
national. La position qu'occupe le Consti
tutionnel comme l'un des organes princi
paux du gouvernement français, donne
ses appréciations la portée d'un événement
politique, et les opinions libérales qu'il
professe et a toujours professées ne per
mettent pas de luisupposerdes préventions
ullrà-catholiques. Nous croyons faire plai
sir nos lecteurs en leur mettant sous les
yeux ce document si remarquable tant
de titres. Puissent les collèges électoraux
convoqués au scrutin du 8 juin compren
dre toute la portée du verdict qu'il leur
faut prononcer; ainsi qu'il résulte des pa
roles du Constitutionnel, l'avenir industriel
et financier de la Belgique s'y rattache
étroitement.
Cependant nous nous devons nous-
mêmes, ainsi qu'à l'opinion laquelle nous
avons l'honneur d'appartenir, de rabaltre
beaucoup de ces vives sympathies que la
feuille gouvernementale suppose si large
ment aux catholiques Belges en faveur de
la France. Certes de grandes et légitimes
sympathies nous unissent nos voisins du
midi; mais le parti catholique, le parti
national par excellence en Belgique, saura
toujours faire taire ses intérêts particuliers
devant les intérêts généraux de la patrie;
les insultes même tombant sur lui du haut
de la tribune parlementaire de la bouche
d'un ministre, que son abnégation géné
reuse a sauvé, ne le sauraient faire dévier
de l'inflexible ligne du devoir!
Voici comment s'exprime le Constitu
tionnel
DE L'ÉTAT PRESENT DE LA BELGIQUE,
PAR RAPPORT A LA FRANCE.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'a lionne Ypres, rue de Lille, 10, près la Graude
Place, et cliei les Percepleurs des Postés' du Royaume.
PRIX DE L'ABONNE: M EXT, pnr trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fi*. 3-5o. Un n? a5 c.
Le Propagatcnr païaît le SAMEDI et le ElEltCREDl
de chaque seiuaiue. (insertions iî centimes la ligne.)
Deux circonstances notables donnent, en ce mo
ment, un inte'rêt spécial a une étude quelque peu
approfondie et détaillée de la situation politique
de la Belgique, considérée dans ses rapports avec
la France la moitié de la Chambre des Repré
sentants belges doit, aux termes de l'art. 5i de la
Constitution, être renouvelée par l'élection le 8
juin et le traité de commerce de la Belgique avec
la France expire le 10 d'août.
On peut rechercher si l'état des quatre provin
ces belges qui ont renouveler leurs députés, la
Flandre-Orientale, le Hainant, Liège et le Lirn-
bourg, doit faire présumer que l'élection modifiera
les dispositions du cabinet belge envers le gouver
nement du prince-président de la république.
On peut dire qu'en général, la nation belge est
aujourd'hui favorablement disposée pour la France
et pour son gouvernement. C'est un peuple sage,
modéré, laborieux, religieux, surtout dans les cam
pagnes, et qui s'est préservé par les mœurs de la
famille, par le goût du travail, par l'entente des
affaires, des entraîoements politiques et des en
gouements révolutionnaires qui nous ont fait tant
de mal. La Belgique a été quinze ans française; les
parties qui parleut notre langue nous touchent na
turellement de très près par les idées les parties
Cette observation s'applique particulièrement la secon
dé partie de l'article que nous citons, el que le défaut d'espace
nous oblige renvoyer notre prochain N uiuéro.
d'origine flamande, et qui se sont pliéesà la sépa
ration violente de i83o, nous louchent par leur
genre de négoce; et l'acte éclatante! éuergique du
2 décembre, si vivement et si unanimement sanc
tionné par le pays, ne pouvait rencontrer nulle
part up peuple mieux placé que le peuple belge,
pour en comprendre et en accepter les résultats
providentiels, si nécessaires la paix de toute
l'Europe.
Deux grandes opinions politiques divisent, com
me on sait, la Belgique: le parti catholique et le
parti libéral.
Le parti catholique est le parti des campagnes,
résumant la vie agricole et les mœurs du foyer.
Il est le produit des écoles libres dirigées par le
clergé, de la prédication ordinaire des paroisses
et des habitudes saines et fortifiantes de la vie rurale.
Sous le gouvernemeut de juillet, durant le triom
phe des idées universitaires, philosophiques, scepti
ques, un peu trop visiblement encouragées par un
roi qui était, après tout et de toutes manières,
l'enfant de la Révolution, le parti catholique bel
ge se montra peu sympathique au gouvernement
français et ce fut lui principalement qui, en 184o,
fit échouer le projet d'union douanière entre la
France et la Belgique.
Aujourd'hui, au spectacle de la liberté et de la
dignité que le prince Louis-Napoléon rend
l'Église, sans rien retrancher au domaine légitime
de la raison ou des droits du gouvernement, le parti
catholique belge est au coutraire favorablement
disposé pour la France, et les envahissements suc
cessifs du parti libéral ne peuvent que l'ancrer
chaque jour davantage dans ces nouvelles dispo
sitions.
Le parti libéral est le parti des villes, représenté
et dirigé par les innombrables loges maçonniques
qui couvrent la Belgique, par des comités politi
ques et par des journaux. Les idées et les moyens
d'action du parti libéral belge ne diffèrent que
bien faiblement de ce que nous nommons en France
les idées et les moyens révolutionnaires, et il faut
la sagesse et la modération du peuple belge, pour
avoir résisté des principes qui défient la sagesse
des hommes, et qui mènent finalement toutes les
nations a l'abîme, les unes plus tôt, les autres plus
tard. Influent dans le pays, mais voulant deveuir
prépondérant, le parti libéral belge organisa, en
1846, un mouvement extra-parlementaire, fort
analogue celui qui renversa en i848 la dynastie
de Juillet. L'agitation belge amena la dissolution
des Chambres, les élections générales du 8 juin
1847, et l'avénement du ministère libéral, le 12
août suivant. Le prix de la victoire des loges ma
çonniques et des clubs fut la loi électorale du r5
mars 1843, qui abaissa le cens électoral dans les
villes b 42 francs, et qui enleva ainsi, par une im
mense création d'électeurs urbains, la majorité jus
qu'alors possédée ou avantageusement disputée par
les campagnes. De celte loi du 18 mars 1848 et
des élections générales qui en furent la suite, date
la domination exclusive, sinon paisible et durable,
du parti libéral.
Le Roi Léopold est un esprit trop élevé, trop