JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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N« 3713.
36me année.
LE LIBERALISME
L'INTOLÉRANCE RELIGIEUSE.
Il n'est aucun d'entre nos lecteurs qui
n'ait appris quel déchaînement de passions
haineuses et intolérantes la restauration
de la hiérarchie catholique en Hollande a
suscité de la part du parti calviniste et ré»
puhlicain. L'acte que posait le Siège de
Rome était cependant bien simple, puisque,
d'une part, la constitution néerlandaise lui
laissait toute latitude cet égard, et que,
d'un autre côté, le bien-être religieux des
deux cinquièmes de la population ne per
mettait pas au Saint-Siège de laisser plus
longtemps une portion aussi considérable
de l'héritage des apôtres, privée d'une or
ganisation régulière et canonique. Nous le
repetons, la conduite du Pape était fort
simple et fort légitime; mais en ne con
sultant que ses droits et ses devoirs, le
Souverain Pontife avait compté sans l'in
tolérance fanatique des prétendus apôtres
de la tolérance, des calvinistes de la vieille
roche et des libéraux maçonniques. De vio
lents murmures accueillirent doue le réta
blissement de la hiérarchie catholique, et
trouvèrent de l'ého jusqu'au sein de la 2de
Chambre des États-Généraux; toutefois, la
conduite du Saint-Père étant légitimée par
les lois, on se contenta d'émettre un vote
désapprouvantnon l'acte en lui-même,mais
les procédés de la diplomatie romaine. La
cour de Rome, en effet, n'avait pas consulté
le gouvernement hollandais avant que de
prendre cette importante mesure, n'igno
rant pas en quels embarras elle l'eut placé
en l'associant ses projets; car, ou bien
il en eut assumé la gênante responsabilité
par devant les calvinistes tout-puissants;
ou bien il se serait vu réduit entraver un
SOEUR GENEVIÈVE.
acte garanti par la Constitution. Quoiqu'il
en soit, le câlme semblait devoir renaitre
incessamment, grâces au bon sens de la
nation et aux vœux unanimes des protes
tants modérés, grâces surtout aux droits
trop évidents des catholiques, lorsque des
paroles imprudentes et fort peu constitu
tionnelles du Roi, en contraignant la re
traite le ministère-Thorbecke, qu'honorait
la confiance du parlement et de la nation,
sont venus attiser encore les passions inas
souvies des sectaires.
Or, c'est en cemomentd'atleuteetd'anx-
iété où tout homme honnête et prévoyant
eu est venu se demanderce qu'il adviendra
de la liberté des cultes chez nos voisins du
nord, c'est en ce moment que le pseudo
libéralisme est venu mêler ses invectives
sans fard et ses attaques liberlicides aux
invectives et aux provocations furibondes
des traînards du calvinisme. La liberté et
la religion sont en péril l'une et l'autre, et
au sein de la libre et catholique Belgique il
s'est rencontré des hommes qui, jetlanl le
masque leur tour, n'ont pas craint de
dévoiler leurs tendances secrètes, en met
tant leur plume au service de l'intolérance
religieuse alors qu'elle éclate contre le ca
tholicisme.
Parmi ces adeptes éhonlés d'un libéra
lisme menteur il est superflu sans doute de
nommer le Progrès de cette ville. Ses princi
paux d i rec leu rsson ta ussî dè ces incorrigibles
(Ainsi que Guillaume 1" lui-meme les ap-
pel lait), qui n'ont rien appris, ni rien oublié
ce sont de ces hommes d'avant 1830, qui,
unissant alors leurs rancunes voitairiennes
aux préjugés des protestants, amenèrent
chez nous la cbute de la maison d'Orange
et qui aujourd'hui encore s'évertuent
pousser Guillaume 3 dans la voie si fatale
sou aïeul. Au reste, nous n'avons garde
de médire des protestants, au point de les
confondre avec les gens du Progrès. Ceux-
là, au moins, ont encore une religion, fort
compromise d'ailleurs, qu'ils défendent
leur manière; ceux-ci se font un jeu de
toutes les religions; de l'une ils s'affublent
par intervalle, ainsi que d'un masque gros-
sièrement hypocrite; des autres ils se ser
vent en guise de plastron et se liguent avec
elles dans la grande conjuration de l'erreur
contre la vérité. Leur culte eux, le seul
culte au moins que nous leur connaissons,
c'est le fétichisme, et s'adresse tantôt
l'une, tantôt l'autre illustration négative
du parti.
Mais il nous reste signaler en peu de
mots les odieuses incriminations que l'or
gane du libéralisme ne craint pas de for
muler propos de la restauration de la
hiérarchie ecclésiastique parmi les catho
liques néerlandais. 11 serait sans doute fort
édifiant pour nos lecteurs de connaître le
factum d'un bout l'autre; mais le défaut
d'espace ne nous permet d'enrégislrer que
les passages les plus saillants.
A propos donc de la détermination du
père commun des fidèles, détermination si
conforme aux vœux et aux besoins des
catholiques de Hollande, en même temps
qu'au droit ecclésiastique et constitution
nel le Progrès avance que le parti clé-
rical sème la désunion, abuse de la liberté
pour inquiéter les consciences et soulever
le fanatisme religieux. Or ce parti clé
rical dont parle la feuille voltairienne, c'est
coup sûr la religion catholique elle-même
puisqu'autremenl ses paroles n'auraient
plus aucun sens, et que d'ailleurs il ajoute
aussitôt que le parti, dont il est question,
reçoit ses inspirations et Je mol d'ordre
d'un centre commun, de Rome, en un mot,
il est bien avéré que c'est la religion ca
tholique romaine que le folliculaire ma
çonnique met en cause.
Suiventquelques diatribes calomnieuses,
où l'honnête journal demande avec aplomb
si Rome on connaît la liberté des cul
tes, bien que personne n'ignore que la po
pulation de cette ville renferme un nombre
considérable de protestants et de juifs. .Mais
les faits les plus palpables embarrassent
médiocrement le journalisme libéral; aussi
le Progrès ne s'arrête-t-il pas eu aussi bon
chemin. Comment, s'écrie-t-il, les feuilles
cléricales osent réclamer dans des pays
VKHI TÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, io, près la Graud
Place, et chei les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIT DR L'ABOXNRMENT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions I® centimes la ligne.)
7PB.ES, 30 Avril.
ET
[Suite et fin.)
Elle passa donc plus de dix années dans ce lieu
de iristesse et de désolation. Devenue infirme, âgée
de près de soixante-dix ans, elle fut obligée de
remettre ce soin entre les mains d'une autre sœur,
plus jeune et plus capable de servir plus utilement.
On la vit pleurer en quittant cette demeure. Elle
regretta sa solitude, ses prisonniers, ses malades,
les infirmes qu elle soignait et qui s'étaient habitués
elle, en se faisant de cette habitude l'illusion de
la reconnaissance.
Revenue enfin au milieu de ses sœurs, elle les
édifia par sa douceur, sa vertu et l'admirable piété
qui était en elle. Tout infirme et malade qu'elle
fût, elle les aidait, allait de côté et d'autre dans la
maison, prenant un peu de l'ouvrage de chacune
d'elles. Contente et heureuse lorsqu'elle avait
beaucoup travaillé dans la journée; au moios,
disait-elle gaiement en se mettant table, je puis
manger ma soupe sans rougir, j'ai servi mes
maîtres.
Ses infirmités, la fatigue d'une vie si remplie et
si occupée, ne laissèrent pas de l'exercer encore
jusqu'à l'âge de qualre-vingt-qiiinie ans. Dieu
la laissa vivre près d'un siècle, pour montrer sans
doute combieu l'humanité peut être grande et su
blime. Elle mourut aussi saintement qu'elle avait
vécu; calme, sans inquiétude et sans agitation; un
sourire, après quelques moments de courte agonie,
annonça qu'elle venait d'expirer.
où réside la tête de ce parti. Ainsi,
Tous les pauvres suivireot son cercueil; une
couronne de roses blanches fut posée selon l'usage
sur le drap blanc qui le couvrail. Un nombre infini
de jeunes filles, en blanc, suivaient en tenant les
coins et les bordures du drap mortuaire. Les me
nuisiers, les maçons, tes artisans de toutes les
classes, précédaient le corps, en marchant daus un
recueillement qui disait lenr reconnaissance et leur
admiration. Les femmes, qu'elle avait élevées, de
venues mères de famille, suivaient aussi avec leurs
enfants. Lorsque le convoi passa devant les prisons,
un des prisonniers obtint, an nom de tous les au
tres, d'aller jeter nne couronne sur le cercueil, pour
gage du souvenir que l'on conservait d'elle encore
en ce lieu, où rien ne s'oublie.
Quand on l'eut déposée dans la fosse, un ouvrier
demanda la permission de parler, pour rappeler