9 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3754. Mercredi, 21 Septembre 1853. 37rae année. 7PB.SS, 21 Septembre. OBSERVATIONS ARCHEOLOGIQUES a l'église saist-martih. VÉRITÉ ET JUSTICE. On s'abonne Yprèsrue de Lille, io, près la Grand Place, et chez, les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre, Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° 25 c. Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaiiie. (insertions 19 centimes la ligne.) A PROPOS DES RESTAURATIONS L'un des phénomènes les plus consolants que présente l'époque actuelle l'observateur catho lique, c'est ce mouvement de restauration reli gieuse dans le domaine de la littérature et de l'art, ce retour aux traditions des siècles de foi, dont l'essor de plus en plus irrésistible, de plus en plus prononcé n'a plus d'entraves craindre, plus d'en nemi sérieux combattre, et ne demande guère qu'à être conduit avec prudence et sagesse. Libre des liens honteux où l'imitation servile, et souvent eucore mal-comprise, de l'antiquité payentie l'a vait tenu garotté, l'art chrétieu a, de nos jours, d'autres écueils éviter dans les sentiers ouverts de «chef sous ses pas: d'une part, la réaction sa lutaire qui se déclare, ne s'est pas toujours moulrée exempte d'exagération de l'autre, trois siècles d'engouement en faveur du paganisme artistique et littéraire out laissé dans les intelligences une trop profonde empreinte, pour que l'art renouvelé des siècles catholiques ne s'empreigne par inter valle entre les mains des générations actuelles du cachet et du caractère du style prétendu classique trop souvent les sentiers de l'art si glorieusement frayés par nos ancêtres s'effacent sous les ronces qu'y fit germer le coupable oubli d'une ère de su perbe iguorauce, et l'artiste qui s'efforce de les suivre, faisant fausse route, se trouve alors ramené sou insu sur les chemins battus par les aveugles sectaires du paganisme des trois derniers siècles. Les quelques observations que nous nous pro posons de soumettre aujourd'hui nos lecteurs, propos des restaurations affectées l'Eglise ogivale de S-Martiu en cette ville, rendront plus évi dentes, croyons-nous, la justesse de ces réflexions, eu même temps qu'elles feront mieux saisir le fonds de notre pensée. Nous nous efforcerons, au reste, d'être brefs; laissant de côté toute amplifi cation oiseuse; sûrs, d'ailleurs que les principes qu'il nous reste formuler soDt trop clairs, trop évidents pour qu'il faille les étayer d'une bieu longue argumentation. Restauré et agrandi sur les plans d'un archi tecte de renom, le transsept méridional de l'antique cathédrale présente un aspect agréable et imposant la fois. Trois porches inégaux en élévation eu composent l'étage inférieur. Celui du milieu, c'est l'ancien portail latéral de l'église, et rien n'égale la grâce des ciselures qui en décorent les voussures nouvellement restaurées; plusieurs statues d'un beau travail quoique d'une conception plus ou moins heureuse viennent tout récemment d'y être posées; la rose magnifique qui surmonte le porche, forme sans contrédit l'une des créations les plus merveilleuses de l'art ogival eu Belgique enfin, un pignon superbe, flanqué d'élégantes tourelles, couronne la façade méridionale du transsept toute cette partie du bâtiment est ancienne, mais l'artiste y a joint deux portails de moindre dimension et lancé par-dessus leur faite deux arcs-boutants soutiens réels ou prétendus de la voûte et des murs du traussept. (1) Ces portails, du reste, sont si mulés; l'un d'eux cache aux regards une sacristie et une portion des nefs latérales du chœur; l'antre s'appuie contre les bas-côtés du transsept. Aussi la construction des deux porches nouveaux ne lend-t-elle qu'à la seule ornementation de l'édi fice, et, ni les besoins du culte, ni aucune autre vue d'utilité pratique u'enlitnt pour rien dans les desseins de l'artiste. Or, il est une loi que les plus grands génies de tons les temps ODt proclamée, et que sanctionnent les chefs-d'œuvres de l'antiquité grecque et ro maine, (a) aussi bien qile les chefs-d'œuvres des maitres de l'art au moyen âge. Fénélon, dont la haute intelligence portait un haut degré si mar quant l'intuition sublime du beau artistique, la formula jadis en ces termes: Pour la poésie, contxe pour l'architecture, il faut que tous les morceaux nécessaires se tour- nent en ornements naturels mais tout ornement qui n'est qu ornement est de trop. Retran- chez le; il ne maoque rien; il u'y a que la vanité qui en souffre. Il ne jaul ad- mettre dans un édifice aucune partie destinée au seul ornement: mais visaut toujours aux belles proportions on doit tourner eu ornement toutes les parties nécessaires soutenir un édi- fice. Ainsi s'exprimait au siècle de Louis XIV, un des admirateurs les plus fervents de l'antiquité et de l'architecture grecque en particulier. Écoutons maintenant sur le niêine sujet le restaurateur de l'art ogival en notre époque, le savant archéologue Pugin, confirmant son tour cette vérité en termes non moins explicites: Les deux grandes règles pour le dessin sont celles-ci: la première qu'rY ne doit y avoir aucun trait un bâtiment qui ne soit néces- saire la convenance, la construction, au b caractère; la seconde, que tout ornement ne doit consister que dans l'embellissement de la construction essentielle du bâtiment. Le dédain ou l'omission de ces deux règles est la cause de toute la mauvaise architecture de notre V temps. Oq a ajouté continuellement des traits des bâtiments, avec lesquels ils n'ont aucun rapport, uniquement par amour de ce qu'on ap- (i) 11 est vrai que s'il s'en faut rapporter un bruit assez géuéralemeDt répandu ces constructions nouvelles seraient conformes un ancien plan inexécuté jusqu'aujourd'hui. Nous ignorons jusqu'à quel point oetle opinion est fondéej mais peu importe notre tbèse. Ce n'est pas l'auteur du plan, c'est le plan lui-même que nous tenons juger. (a) Nous tenous a déclarer ici que nous n'avons garde de ooufondre dans un blâme commun les chefs-d'œuvres artis tiques de l'antiquité payenne (en rapport avec les besoins et les idées de l'époque), avec les imitations maladroites et mal comprises qui en fureut faites par les artistes-plagiaires des i nème et i8è«*»e siècles. pelle effet on construit absolument des or- nements, au lieu de les faire servir de décoration de la coostructioo, laquelle, d'après les lois du bon goût, ils devraient toujours être subordon- nés. En bonoe architecture, le moindre détail doit avoir sa signification ou répondre un but. Or, si l'oo vient appliquer ces principes, dont tout esprit sérieux doit reconnaître la justesse et la vérité, aux travaux A'agrandissement du trans- sept-sud de S'-Marlinc'est eu vain qu'on se demande avec Pugin en quoi les portails simulés dont nous parlions tantôt, sont nécessaires la convenance, la construction, au caractère du bâtiment; c'est eu vain qu'on y cherche autre chose qu'une vaine construction d'ornements; c'est en vain qu'on se demande quelle peut être la signification de ces constructions nouvelles ou quel but sérieux elles soot appelées correspondre. Et l'on se rappelle que, comme dit Fénélon, tout ornement qui n'est qu ornement est de trop et qu'i/ ne Jaul admettre dans un édifice aucune partie destinée au seul ornement. Passous maintenant un nouvel ordre de con sidérations. La réalité, dit l'illustre archéologue que nous citions plus haut, est le principe fondamental de l'art chrétien Et cependant les deux porches eucachant de gauche et de droite le beau portail du traDssept, ne sont rien moins que réels, leurs portes murées pour toujours De donnent accès nulle part, et l'un et l'autre ne servent qu'à trom per les yeux et masquer d'autres constructions. La règle que pose eu cette circonstance le grand architecte anglais frappe cependant d'uD blâme formel ces sortes d'expédients. La sévérité, dit— ilde l'architecture chrétienne est opposée toute déception. Un bâtiment élevé Dieu on ne doit jamais le faire paraître meilleur qu'il ne l'est réellement par des moyens ar- tificiels. Ce sont là des expédients mondains pleins d'ostentation, qui ne conviennent qu'à ceux qui vivent de brillantes déceptions. Puis il ajoute cette phrase que l'oo dirait écrit pour la circonstance Un frontel l'apparence riche cache souvent des matières brutes, un dépôt de bouts de chandelles qu'on laisse là parce qu'elles sont hors de la vue. Est-il besoin d'invoquer encore en faveur de notre thèse le témoignage des anciens et de rap- peller cet axiome fameux de Platon le beau est la splendeur du vraiNon certes les travaux d'agrandissement affectés au transsept de notre ancienne cathédrale, ne rentrent pas dans les con ditions du beau artistique, puisqu'ils n'ont rien de commun avec la vérité. D'ailleurs, en effaçant certaines parties de l'édi fice sous les agrandissements qu'il faisait subir certaines autres parties, l'architecte parait n'avoir pas calculé qu'il devait par là même briser les proportions du monument tout entier. L'ancien portail porche unique avait les dimensions par faitement en harmonie avec le reste du bâtiment; aujourd'hui que sa largeur esP plus que doublée par les adjonctions qu'on y a faitesil écrase et

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