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JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3760.
37me année
TFB.SS, 12 Octobre.
SOUSCRIPTION
POUR L'ÉGLISE DE POLLINCHOVE.
Reçu précédemment
Un propriétaire
Une particulière
fr. 29 00.
10-00.
2-00.
Depuis longtemps, et aujourd'hui sur
tout, il est de mode au sein du parti soi-
disant libéral de représenter les catholiques
comme les ennemis nés des libertés civiles
et politiques. Le but de ces incriminations
gratuites et passionnées est facile saisir:
ceque veut le pseudo-libéralisme,c'est ren
dre odieux ses adversaires aux yeux des
masses, en les dépeignant comme les sup
pôts du despotisme; c'est pallier ensuite
les nombreux dénis de justice, les vexa
tions fort peu libérales qu'endurent les ca
tholiques partoutoùdominentles prétendus
libéraux: témoin, la France sous Louis-
Philippe; témoins, le Piémont, la Suisse
de nos jours; témoins la Hollande et l'An
gleterre même, dans l'affaire de la/estau-
ration de la hiérarchie catholique. Il est
vrai, la conduite versatile ou pusillanime,
tenue en ces derniers temps par quelques
journalistes catholiques français, a pu don-
nerquelqueconsistanceàlafable paradoxale
quenos adversaires politiquesdébilenlavec
tant d'aplomb. Mais les protestations con
traires n'ont pas manqué de se produire,
et jusques du sein de la France même,
malgré les gênantes entraves imposées en
UNE AVENTURE DE BAUDOUIN IX.
ce pays la libre manifestation de l'opinion
publique. Il n'en est point cependant, qui
ait eu un retentissement plus glorieux que
celle de l'illusle Cle de Montalembert, alors
qu'il publia son beau livre des Intérêts
catholiques au I9e[Ue siècle. Rien que plus
d'un d'entre nos lecteurs ait déjà lu et
médité loisir ces pages élincelantes de
verve, sublimes de vérité, nous nous per
mettrons d'en donner ici quelques légers
extraits comme exj ression de nos propres
convictions en la matièrequi nous occupe.
Toutefois nous n'avons garde de mécon
naître, qu'en fait de gouvernement et de
droit constitutionnel, les meilleurs systè
mes sont bien souvent inapplicables et
aboutiraient immanquablement aux désas
treuses conséquences d'une utopie insen
sée. Ainsi chez certains peuples, qu'il
est inutile de désigner, la liberté politique
ne reuconlrant de contre-poids ni dans les
senlimenis religieux, ni dans la foi monar
chique, ni dans le caractère calme et vi
goureux de la nation, dégénérera toujours
en licence, pour de là retomber dans l'ab
solutisme, sa conséquence naturelle et né
cessaire. les réservés faites, revenons en
notre auteur, au chapitre si remarqua
ble où il établit que ta religion a besoin de
liberté et que la liberté a besoin de la reli
gion.
Serions-nous donc condamnés dé
montrer, après tant d'autres, une vérité
qui semblait passée l'état de lieu com
mun, savoir: que de tous les gouverne
ments, celui qui a toujours exposé l'Église
aux plus grands dangers a été le gouver
nement absolu? Peu importe que ce soit
l'absolutisme de la foule ou l'absolutisme
d'un seul. Un pouvoir sans frein, sans con
trôle, c'est dire un pouvoir omnipotent,
est nécessairement redoutable l'Église,
par cela seul qu'il peut tout; parce que
l'omnipotence constitue une tentation trop
forte pour l'infirmité humaine; parce que
celui qui peut tout, veut tout; parce que
tôt ou tard il est nécessairement conduit
envahir le domaine spirituel, seul do
maine resté en dehors de sa main, seule
force restée debout en face de la sienne.
Aussi tout pouvoir qui veut ôter l'É
glise la bienheureuse vie de la liberté,
la trompe et la trahit, en attendant qu'il
l'opprime. Même en s'alliantà l'Égliseavant
de commencer la lutte inévitable, le pou
voir absolu ne peut lui donner que des fa
veurs et du repos, des honnenrs et des
privilèges; mais il ne lui donnera jamais
ni droits ni forces. De sorte que, quand la
lutte commence,elley entre, humainement
parlant, sans force et sans droit
Ce qui semble devoir surtout convenir
l'Église, c'est un gouvernement analogue
au sien, aussi analogue du moins que des
institutions humaines peuvent l'être une
institution divine; c'est dire, par consé
quent, une autorité tempérée par des lois
durables (lorsqu'elles ne peuvent pas être
perpétuelles, comme celles de l'Église);
tempérée par des coutumes, des traditions,
par des résistances permises et indomp
tables. Nous ne parlons pas ici des entraves
que la servilité gallicane avait inventées
pour enchaîner l'Église et donner libre
carrière au despotisme laïque. Setbu la
doctrine ultramontaine, la seule vraie, sui
vant nous, le pape est le monarque de
l'Église; mais n'est pas un monarque ab
solu: il ne peut rien, et il n'entreprend
jamais rien, en dehors de la constitution
divine de l'Église, qu'il n'a pas faite, et
dont il n'est que l'interprète et le déposi
taire. II ne gouverne pas seul, mais avec
l'assistance d'un nombreux corps d'évê-
ques, dont il maintient lui-même l'autorité
d'une main scrupuleus^ Jusque dans les
derniers rangs du clergé et des fidèles,
chaque sujet de cet empire spirituel a son
droit propre, traditionnel et imprescrip
tible. Le catholicisme, fait pour durer, ne
connaît pas ces extrémités de la bassesse
où se confondent des affranchis qui ont
abusé de leur liberté.
On peut affirmer, la main sur l'his-
VÉRITÉ ET JUSTICE*
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'IBOINEneiT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n» i5 c.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 13 centimes la ligne.)
J'aime la liberté; je l'aime
trop quand elle me sert, pour
ne pas la supporter quand elle
me gêne.
[Lettre de Mgr. l'èvêque de
Moulins Mgr. lèvêque
d'Orléans.)
[Suite et fin.)
Puis, s'approchant davantage de sa précieuse
connaissance, et parlant pins bas pour ne pas être
entendu des pages, qui, sans qu'il en fût frappé, se
tenaient 'a l'écart dans une posture respectueuse, il
continua
Est-ce que vous avez eu l'occasion de dire
un mot monseigneur, touchaut notre affaire
Certainement; on s'en occupe. Il y a même
bon espoir. Mais, en attendant, voulez-vous voir
le château
Mais j'en suis tout ébloui, messire. Est-ce
qu'il y a autre chose que cela
Ély se figurait que la grande salle brillante où
il se trouvait faisait tout le palais. Baudouin sourit.
Alors, depuis les nombreux voyages des croise's, le
luxe et le goût des arts se répandaient. Le Comte
prit plaisir faire parcourir au bonhomme toutes
les longues suites d'appartements et de salles où
résidait la cour, les cabinets de bain, les somp
tueuses chambres coucher. A chaque pas, Ely
faisait des exclamations de surprise. Il n'avait pas
assez de ses yeux, qu'il lançait autour de lui sur
les murailles peintes, sur les meubles, sur les pla
fonds, dont les solives étaient ornées d'arabesques
et de dorures. Il se croyait dans un palais de féerie.
Oh c'est beau, disait-il.
Baudouin se divertissait de cette naïve admira
tion. Accoutumé la grandeur, il faisait le con
traste de sa position avec celle de ce pauvre
homme qui, n'ayaut jamais habité qu'une chau
mière, se croyait très-ambitieux en désirant une
ferme. Lui-même plus tard lui ressembla, lorsqu'il
souhaita le trône de Constantinople.
Eh bien! lui dit-il, en le voyant absorbé
dans la contemplation des ornements qui l'entou
raient, au lieu de votre ferme, est-ce que vous
n'aimeriez pas habiter ici.
Peut-être, messire, si j'y étais le maître, dit
Ely en souriant mais c'est ici un palais de souve-
verain; avant d'élever les yeux si haut, regardons
'a nos pieds. Que ferais-je ici? Je ne suis pas né
pour marcher sur l'or, et mes yeux supporteraient
mal tant d'éclat.
Ainsi vous serez heureux avec la petite
ferme
Oh! si je l'obtiens, je serai le plus heureux
des hommes! Et ma femme, quelle vie de bonheur
elle y trouvera Je n'aurai pour maître et seigneur
que le comte de Flandre. Je reviendrai une fois
tous les ans, dans ces beaux lieux, payer nos fer
mages. Je bénirai ce palais, comme la demeure de