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JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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N° 3763.
37me année
le libéralisme
Les conséquences déplorables du système
adopté par le ministère Rogier-Frère
l'égard des dons et legs faits aux pauvres,
se sont produites maintes fois. Dans chaque
province, dans plusieurs villes les résultats
si fatals aux malheureux,quecette doctrine
erronnéedu soi-disant lihéralisraeemmène,
ont soulevé l'attention sévère et la pitié de
quiconque sent battre dans sa poitrine un
cœur généreux et bienfaisant.
Entre autres faits saillants qui caracté
risent les tendances du libéralisme en
matière de charité, il faut citer le don im
portant fait par Madame la Duchesse de
Montmorency la commune de Vlamer-
tinghe et au sujet duquel, l'ancienne poli
tique nouvelle a su créer tant d'embarras et
de chicanes, qu'elle a privée jusqu'ici cette
commune si chargée de pauvres, du bien
fait que lui offrait une main généreuse.
En agissant de celte façon, le ministère
libéral dont M. Rogier fut le chef, a assumé
sur lui une immense responsabilité, dont
il importe plus que jamais que le pays ne
soit plus longtemps la dupe. L'esprit du
système suivi par ces étranges amis du
peuple, du reste, est en désaccord parfait
avec la législation de 1856, que les prédé
cesseurs de M. Rogier, et M. Rogier lui-
même, ont constamment suivie jusqu'à
l'époque où la passion du pouvoir le fit
rompre avec les traditions glorieuses de
1830, pour aller se groupersous le drapeau
la légende de blankenberg.
honteux des clubs et des loges maçonni
ques.
Ceux qui respectent le caractère de notre
loi communale, aulantqueceux qui consta
tent contre cœur, laj diminution succes
sive qui s'opère dans le patrimoine des
pauvres, et qui craignènt de voir tarir les
sources de la charité privée, ont intérêt
ce que la doctrine erronnée de MM.
Rogier-Frère soit réformée par la législa
ture.
Cette réforme tant sollicitée par les
amis de l'humanité souffrante est d'autant
plus urgente, que la charité elle-même est
plus que jamais nécessaire aujourd'hui.
Aussi, c'est de tout notre cœur, que nous
convions le ministère mettre fin ce
système déplorable, par la présentation
prochaine d'une loi sage et entièrement
conforme aux vœux des donateurs, et aux
intérêts des indigents.
Convaincus que l'intérêt social qui se
rattache cette question importante est
la connaissance de tout le monde, nous
avons résolu d'établir, l'aide de preuves
exclusivement légales que nous avons
pùîséeS "dans un "ouvrage qui trailé "ce
sujet, l'incontestable danger que présente
le système libéral en celte matière.
Quel est le sens de l'art. 84 de la loi
communale?
Le conseil communal nomme les mem-
bres des administrations des hospices et
des bureaux de bienfaisanceIl n'est
pas dérogé par les dispositions qui pré-
cèdent aux actes de fondations qui éta-
blissent des administrateurs spéciaux.
Comme on le remarque, ces termes sont
tellement clairs qu'ils ne sauraient être
susceptibles de deux interprétations.
La loi crée une règle générale elle con
fie aux conseils communaux la nomination
des membres des administrations de bien
faisance; mais par cette disposition, elle
déclare ne pas vouloir déroger aux actes
de fondation qui établissent des adminis
trateurs spéciaux.
La loi proclame le respect le plus absolu
pour la volonté du fondateur, laquelle
elle déclare solennellement qu'elle ne dé
roge pas, et malgré cette latitude expresse
le ministère du 12 août 1847 y dérogea
complètement!
Abordant l'état de la législation au mo
ment où a été votée la loi communale, il
est plus aisé encore, de se convaincre, de
ce qu'a voulu le législateur de 1830.
Par les lois du 16 vendémiaire an V et 7
frimaire an VII ont été crées les adminis
trations des hospices et des bureaux de
bienfaisance. Ces lois,qui étaient un retour
des idées plus sages que celles qui avaient
eu cours pendant quelques temps; ces lois
qui rendaient la bienfaisance son carac
tère local, semblaient confier aux admi
nistrations publiques toutes les ressources
de la charité.
Ces règles si absolues de la loi de l'an V
furent profondément modifiées par un
arrêté du 16 fructidor an XI, dont l'art, 7..
portait, que les communes et les adminis
trations charitables étaient autorisées
concéder leurs droits de présentation dans
les hôpitaux de Paris aux personnes qui,
pour en jouir proposeraient un supplé
ment de dotation.
Enfin un décret du 31 juillet 1806 ré
tablit les fondateurs d'hospices et autres
établissements de charité, dans l'exercice
de leur droit de concourir l'administra
tion des établissements qu'ils ont dotés,
avec les commissions instituées par les lois
de l'an V et de l'an VII.
Ces différentes dispositions, en y ajoutant
les art. 910 et 937 du code civil, forment
toute la législation qu'il importe de con
naître pour l'examen de la question qui
nous occupe. Il en résulte, pour les foiada-
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Y près, rue de Lille, io, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX ui: L'ADOIIEMEKT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n" a5 c.
te Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)
P—i—ngsp—- I gggM
22 Octobre.
ET LA BIENFAISANCE.
(Suite et fin.)
Or, ce fut chez l'honnête £loi Blankenberg que
le comte de Hermal vint demander asile, en atten
dant un navire qui partît pour l'Angleterre. Il
était nuit et le pêcheur était seul dans sa cabane
au bord de l'Océan, avec sa femme Yva, pleurant
I absence de leur fille. Ils séchèrent leurs larmes
dans une sorte d'empressement, pour accueillir l'é-
,ranger qui implorait un refuge. Hospitaliers et
bons, ils l'accablèrent de tant de soins, qu'il se
félicitait d'être venu leur chaumière. Il s'en ré
jouit bien plus, lorsqu'il apprit qu'il était b Schaer
fout, dont la triste renommée s'étendait au loin.
Mais on était en hiver; les tempêtes régnaient tel
lement qu'aucun bâtiment ne paraissait. Force fut
donc au comte de Hermal de prendre patience.
Lui aussi, il était chrétien. Le jour du dimanche
étant venu, il alla l'église; il s'y fit remarquer
par sa piété recueillie; il ne peosait pas être re
connu là. Il le fut cependant par un marchand
d'Aix-la-Chapelle, qui, traversant Liège, indiqua
sa retraite, peut-être sans mauvais dessein.
Quoi qu'il en soit, au mois de mars i334, un
jour de dimanche, pendant que le vieux curé de
Schaerfout s'élevait dans la chaire contre les vices
monstrueux de son époque, et qu'il déplorait sur
tout les longs égarements du village coupable, an
nonçant, d'une voix qui semblait inspirée, la colère
du Tiès-Haut dont la bonté était lasse, en ce
moment, huit députés de Liège arrivèrent, pour
réclamer celui qu'ils appelaient l'assassin du comte
de Looz. Ils le désignèrent lorsqu'il sortit de l'é
glise. Les principaux du village assemblés deman
dèrent Hermal ce qu'il avait répondre. Le vieux
seigneur frémit; car il savait que les Flamands
étaient alliés des Liégeois. Néanmoins, fort de son
innocence, il se raffermit bientôt; il raconta avec
candeur l'événement funeste qu'on qualifiait de
meurtre. Mais les Liégeois, furieux contre lui, noir
cirent son récit et les bourgeois furent d'avis de
le livrer. On ferma aussitôt les portes de l'église,
afin qu'il n'y reulra pas comme dans un asile.
Cependant le sire de Troncbiennes était là. Cé*-
tait tut seigneur qui paraissait avoir quarante ans;
il était homme d'autorité. Il prit vivement le parti
du comte de Hermal, et tandis qu'on débattait les
mesures employer pour le livrer ses ennemis,
sans porter atteinte aux privilèges de la commune,
il le reconduisit la cabane d'Éloi Blankenberg,
en lui conseillant de s'embarquer sur-le-champ,
ne fût-ce que dans la chaloupe du bonhomme.
Ils s'y disposaient. Mais la foule les avait suivis.
On somma Éloi de livrer son hôte; il parut b sa
porte et déclara qu'il s'y refusait.
Il était d'ailleurs impossible de se mettre en mer
en ce moment. Comme si l'accomplissement des
paroles prophétiques du vieux curé de Schaerfout
fût venu, lorsqu'il cessait de les prononcer, une
tempête éclata, prompte et sinistre. Les flots de la