JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. N° 3764. 37me année. PRÉTENDUS LIBRES-ÉCHANGISTES. On sait ce qu'il est advenu du régime libre-échangiste entre les mains de ses pré tendus partisans. A peine installés au timon des affaires, les hommes de la poli tique nouvelle annoncèrent avec fracas la mise en pratique dans un prochain avenir de cet incomparable système. Lesjournaux ministériels, tel l'Observateurassurèrent, en 1850, qu'avant la fin de l'hiver le régi me en serait mis en vigueur, et M. Frère lui-même confirma au sein du parlement, le langage de ses afîidés de la presse. A quoi vinrent aboutir tous ces beaux discours? belles forfanteries? Personne ne l'ignore. Les campagnes qui repoussaient franchement l'application du freetrade, se virent seules dotées de cet étrange panacée; par contre, les villes manufacturières et les districts métallurgiques et houillers, où les doctrines libérales semblaient plus fermement enracinées, se réservèrent pour eux-mêmes les garanties lucratives de la protection douanière. Tous les jours encore nos libres-échan gistes tombent en de nouvelles inconsé quences; manie invétérée que faisait der nièrement ressortir le Journal de Bruxelles dans un article de fonds dont voici un extrait Les mécaniciens du Hainaul réclament la libre entrée des fontes, disant avec raison que celles-ci sont chères et que le prix s'en élève chaque jour, grâce la protection douanière de 80 p. c. dont elles jouissent. Mais les mêmes industriels re poussent la libre importation des mécani ques. En d'autres termes ils n'acceptent la douane que pour eux. Les propriétaires de hauls-fournaux repoussent la fois l'entrée des fontes et la sortie du minerai. Cependant ils trou vent équitable que la Belgique s'impose des sacrifices pour leur ménager l'ouver ture des marchés français et allemand A Gand, même contradiction. Un or gane du pays intelligent, un partisan du progrès continu, le Messager signale les suites désastreuses qu'aura l'importation des tissus de coton d'origine étrangère charge de réexportation, après qu'ils au ront été blanchis, teints ou imprimés Le même journal exige cor et cri l'abolitioTi des deux centimes par kilogr. de viande que l'Etat perçoit la frontière, et il approuve la ville de Gand de frapper d'un droit de dix centimes par kilogr. les viandes consommées par ses concitoyens! Il conseille au gouvernement de réa liser toutes sortes d'économies afin de pou voir diminuer les impôts, et il trouve bon que la ville de Gand consacre chaque an née 200,000 francs son théâtre français, somme presque égale au produit de l'im pôt-mouture! Les journaux de la capitale ne sont pas moins inconséquents. Eux aussi récla ment la libre importation du bétail étran ger, mais ils prennent parti contre les fau bourgs qui l'on veut imposer l'octroi. C'est qu'en effet l'affaire de l'annexion projétée des faubourgs de Bruxelles la ville, a reveillé les questions les plus épi neuses et mis en jeu les plus graves inté rêts. Les bornes de ce journal ne nous permettent pas de récapituler les justes et nombreux griefs produits l'encontre de cette mesure par les habitants des fau bourgs. Il nous suffira de signaler en cette occasion la contradiction manifeste qui se revèle dans la conduite du libéralisme; libre-échangiste dans la question doua nière, aux dépens de l'industrie agricole et au profit des marchands de bestiaux et de céréales exotiques; prohibitionniste dans la question des octrois communaux, au détriment, encore une fois, de l'indus trie rurale et en faveur de quelques villes, aussi avides d'argent qu'inintelligentes dans la répartition des fonds publics. Ainsi, l'étranger est admis importer librement dans le royaume les produits de ses élables et de ses champs, et le campag nard belge, exposé par tout le pays une concurrence aussi rude, voit encore aux portes des villes ses bestiaux et, en cer taines localités, son blé même soumis des droits d'entrée également ruineux pour lui et pour le consommateur. El ce pendant, les grands-parleurs du pseudo- libéralisme n'ont pas cessé de se répandre en invectives contre le faible revenu de moins d'un million que rapportent l'État les droits d'entrée sur le bétail de prove nance étrangère, et leur logique ne s'effa rouche pas le moins du monde en voyant l'octroi des villes prélever sur le bétail même du pays un revenu de plus de cinq millions. Ces a dire que, d'après le système de ces économistes d'espèce singulière, l'agriculteur belge et le consommateur urbain payent pour la denrée du pays cinq fois plus que le fisc national ne retire de la denrée exotique. La taxe minime de 2 centimes p. kilogramme de viande que l'État perçoit sur les importations de l'étranger, s'appelle néanmoins dans leur vocabulaire une taxe inique et affamante, par la raison que ces droits renchérissent de quelque chose le prix de la viande; mais, par contre, ces austères théoriciens ne trouvent pas mauvais du tout que l'octroi communal prélève son tour un droit de 10 centimes par kilog. de viande et ajoute encore cette hausse nouvelle la hausse presqu'imperceptible qu'entraîne la perception du droit douanier sur le bétail exotique! Nous avons démontré, il y a quelques jours, que nos seigneurs les libéraux sont des chrétiens d'une sainteté éprouvée, et d'une profonde érudition. Nous avions cru rendre un grand service au Progrès, en di vulguant des vertus et des connaissances, dont celte docte feuille parle sans cesse elle-même, et que bien des cléricaux igno raient peut-être encore, aussi, pour récom pense, attendions-nous de sa part une assez Belle gratification. Mais, o surprise! o miracle!! Le Progrès qui, depuis qu'il est Progrès, n'a pas man qué une seule fois, de remplir un devoir de politesse; loin de reconnaître le service que nous lui avons rendu, le désavoue tout net et lance un blâme notre adresse com me si nous n'avions rien fait en sa faveur. Donc la feuille dévoteentre dans une sainte indignation, et vous prouve aussi claire ment que deux et deux font quatre, qu'elle est intimement persuadéequenosseigneurs les libéraux sont des prodiges de vertus et de sciences. Vraiment on ne comprendrait pas une si étrange conduite, si l'on ne savait d'ail leurs, que ce n'est plus la mode chez les libéraux de procéder comme les cléricaux, même en fait de logique. La raison en est fort simple, chez Messieurs les libéraux tout est progrès et lumière, un seul mot suffit pour terrasser un adversaire; tandis que chez les cléricaux tout prend une mar che rétrograde, et s'enfonce de plus en plus dans les ténèbres de la barbarie. Pour vous faire mieux sentir celle diffé rence, voici comment raisonnerait la presse cléricale, dans l'affaire qui nous occupe: Messieurs du Progrès, dirait-elle, de deux choses l'une; ou ce que nous avons rap porté de vos vertus et de votre savoir est vrai, ou tout cela est faux si nous n'avons avancé que des vérités, pourquoi jeter un blâmeà notre adresse? si au contraire nous avons soutenu des faussetés, alors pour quoi vouloir en imposer vos lecteurs, eu déclarant que, quoiqu'on en dise, vous avez l'intelligence des livres saints, et même un plus haut degré, que ne l'ont les meil leurs intreprêtes? Mais vous sentez bien, un tel raisonne ment n'est plus de saison. Un dilemme? dans un siècle de lumière? quelle folie! On laisse ce style baroque aux temps obscurs de l'gnorance. Non, selon les libé raux, on n'argumente plus de nos jours; une simple parole doit suffire; et c'est ce système facile mais cependant sur, que suit le Progrès. Cette feuille dévoie, vou lant écraser d'un seul coup ces méchants cléricaux, laisse-là tout raisonnement, vous lance la tête le mot boutiquemot terrible! qui renverse tous les arguments sans en laisser un seul de bout. VÉRITÉ ET JUSTICE. Ou s'abonne Yprès, rue de Lille, io, près la Grand Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE E'ABOANEMENT, par trimestre, ïpres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c. Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaiue. (insertions 19 centimes la ligne.) 26 Octobre. INCONSÉQUENCES DES

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Le Propagateur (1818-1871) | 1853 | | pagina 1