9 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. N<> 3765. Samedi, 29 Octobre 1853. 37me année. 7 F RE S, 29 Octobre. Tout véritable ami du peuple, tout hom me même doué du simple bon sens, doit voir avec anxiété, la veille de l'hiver, le prix des denrées alimentaires se maintenir au taux exorbitant où il est aujourd'hui parvenu. Qui pourrait dire, en effet, les souffrances qui attendent, eu celte saison rigoureuse, les classes pauvres et ouvrières, le jour où leurs dernières ressources, où leurs dernières épargnes seront épuisées? Déjà plusieurs localités du pays sont ve nues au secours des familles nécessiteuses en organisant des distributions de bons pour pains prix réduit. De son côté, le gouvernement s'est efforcé dans la mesure du possible d'obvier la détresse des po pulations. Par une circulaire aux conseils communaux des villes, le cabinet s'est dé claré prêt faire le sacrifice des droits de douane perçus la frontière sur les den rées exotiques, si les communes, de leur côté, condescendaient abolir l'octroi sur les denrées alimentaires. On conçoit assez la justesse de cette clause conditionnelle; car il serait d'une utilité fort contestable que l'État se défît d'une portion de son re venu, si les villes continuaient frapper d'une lourde taxe les mêmes denrées n'im- porteleur provenance. D'ailleurs il y aurait iujusticeà laisser l'étranger faire librement concurrence nos populations agricoles, alors que ces dernières ne jouiraient pas d'une égale liberté sur notre marché in térieur. Et l'on conçoit, au surplus, com ment en la crise actuelle tant de têtes de bétail ont passé la frontière en destina- UN HOMME POUR UN FAUCON. tion pour l'étranger, pourvu qu'on tienne compte du droit d'octroi qui les éloigne du marché des villes. Au reste, nous ne croyons pas notre con seil communal disposé correspondre aux vues du gouvernement; non plus qu'à imi ter la généreuse initiative de ces localités dont nous faisions mention plus haut. Le conseil communal d'Ypres, qui intervint si généreusement dans un bon nombre de travaux d'utilité prétendue locale, tels que la construction des pavés de Wervicq, d'OostvIeteren et de Neuve-Église (entre prises malencontreuses, s'il en fut, puis qu'elles n'ont abouti qu'à renforcer le marché de Wervicq, et établir notre détriment les marchés d'OostvIeteren et de Neuve-Église), le conseil communal garde, parait-il, désormais les débris de ses res sources tenir sur pied son collège ou plutôt son fétiche; et nos édiles après avoir enfoui 50,000 fr. et d'avantage dans l'étang deZillebeke, se contenterontdorénavantde déverser l'or des contribuables dans le pa nier sans fond du collège communal. Sans doute aussi, celte même pénurie de moyens pécuniaires, qui ne permit pas la muni cipalité d'affecter un local l'école d'en fants de troupes, empêchera-t-elle celle-ci, en celte nouvelle occurence, de soulager la détresse de ses administrés. El n'eus sions-nous guère connaissance de l'étal peu prospère du fisc communal, la légèreté aussi odieuse qu'inconvenante du langage tenu par la presse organe du Conseil, nous ferait croire tout au moins qu'à l'hôtel-de- ville on nesoupçonne pas même l'existence du mal et la gravité de la situation. Ainsi, le Progrès proposait dernièrement, et sans doute se croyait-il le plus spirituel des plaisants, l'abandon en faveur des pau- vresdel'indemnité dûeau corps sacerdotal eu vertu du concordat, et la conversion des couvents en restaurants gratuits Le pauvre souffre cependant et murmure; partoutcommenceutà se répandre l'anxiété ou la détresse; le conseil communal, en séance publique, déclare la ville sur le pen chant de sa ruine; et l'organe officieux du même Conseil n'oppose que des plaisan teries du plus mauvais goût, pour ne pas dire de perfides excitations, aux plaintes de la classe ouvrière et aux doléances de ses amis. En guise de remède aux maux présents et aux tristes éventualités de l'a venir, il se met aboyer ceux-là même en qui le pauvre reconnaît juste litre ses véritables et fidèles amis; ceux-là, vers qui le pauvre dans ses souffrances a cou tume d'avoir recours; ceux qui lui en seignent prendre ses maux en patience et qui partagent leurs biens avec lui; ceux enfin qui s'aslreignant une pauvreté volontaire, soumis de plein gré aux mêmes privations dont il souffre, l'initient aux vertus d'abnégation et de sacrifice, et le relèvent ses propres yeux. Au défaut de l'administration munici pale, le bureau de bienfaisance pourrait intervenir utilement dans la crise actuelle; mais peut-être le prêt de 25,000 fr. oc troyé YImpartial de Bruges a-t il lâri les ressources extraordinaires dont celte ad ministration charitable pourrait en ce mo ment disposer. Il serait fâcheux, en ce cas, que la même main qui a si philanthropi- quement dégagé YImpartial du mauvais pas où il se trouvait embourbé, ne pût rendre un pareil service tant de malheu reux concitoyens, non moins gênés que les VÉRITÉ ET JUSTICE. On s'abonne Yprès, rue de Lille, 10, près la Grand Place, et chei les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE l'ARONNEMENT, par trimestre, Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. XTn n" 25 c. Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. (Insertions I V centimes la ligne.) Les conseils d'un mourant sont une voix des cieux. Brebecf. Gilles Casterman, le tissand, était au quinzième siècle le plus riche bourgeois de Leuze. Il avait inventé des tissus élégants, de splendides étoffes; et la cour brillante de Philippe-le-Bou lui avait donné les moyens de faire une énorme fortune. Il n'avait qu'un fils, qui se nommait Yves, et qu'il avait fait élever grands frais, pensant, quoiqu'il n'eût pas eu lui-même d'éducation, qu'il faut avoir l'esprit plus cultivé pour jouir conve nablement de l'opulence, que pour vivre dans la médiocrité. Gilles tomba gravement malade en i456. A sa dernière heure, il fit venir son fils, appela un no taire, déclara Yves son seul et unique héritier, et lui recommanda par son testament trois conseils paternels, auxquels il semblait tenir beaucoup le premier était que, quelque tendresse qu'il portât k la femme qu'il épouserait, il ne lui confiât ja mais un secret dangereux; le second que, s'il n'a vait pas d'enfant et qu'il lui arrivât d'en adopter un pour le faire son héritier, il ne se fiât point trop k lui; le troisième enfin, de ne se mettre ja mais dans la dépendance absolue d'aucun seigneur. Une cour de prince,ajouta-t-il, n'est qu'une prison un peu plus périlleuse qu'une autre. Vous êtes riche, mou fils; vous pouvez vivre libre et indépendant en ce bon pays de franchises. Àyaot là-dessus donné la bénédiction k son fils, Gilles Casterman reçut le saint viatique: après quoi il ne tarda pas k rendre l'âme. Yves avait trente aus. Après qu'il eut pleuré longuement un si estimable père, supportant mal la solitude où il vivait, il songea se marier. Son état éclatant lui permettait d'aspirer k une fille de bonne maison. Un gentilhomme de Bourgogne, de la branche cadette des Beaumont, se trouvait k Leuze avec sa famille, n'ayant plus grande for tune. RieD n'était gracieux, dit-on, comme sa fille (*j Le Progrès ajoute ce propos les lignes suivantes: ce serait beaucoup plus beau et plus généreux que les efforts m faits par cette charité légale qui ne peut faire des miracles. Aveu remarquable, sans doute, puisque ce champion quand même des actes de la politique nouvelle y reconnaît en termes précis l'impuissance de la charité légale, ce rêve tant caressé par les adeptes du système-Dehaussy et Tesch. Savine. Yves l'avait remarquée; il eu devint épris, la demanda en mariage, se fit agréer, l'obtint, et se trouva si heureux de son ménage qu'il disait souvent: Mon père n'a connu sans doute que des femmes du commun. S'il eût quelque peu banté Savine, il m'eût épargné son premier conseil. Il suivait toutefois cet avis de son père mourant, d'autant mieux que jusqu'alors il n'avait garder aucun secret d'importance. 11 s'abusait aussi, com me font beaucoup de maris, sur le caractère de sa femme, qui était vive, rancunière et passionnée. Mais comme il était toujours k ses ordres et qu'il prévenait tous ses désirs, il n'avait pas occasion de connaître son humeur. Si années se passèrent, la paix continua de régner, mais pourtant les caprices de la femme grandissaient. Une chose surtout l'attristait c'est qu'elle n'avait pas d'enfant. Yves s'en désolait aussi; et tout en se promettant secrètement de suivre le secoud précepte de son père, qui était de ne pas se fier trop k un fils adoplif. Yves Cas terman, de concert avec Savine, adopta un enfant

HISTORISCHE KRANTEN

Le Propagateur (1818-1871) | 1853 | | pagina 1